PARIS – Plus de 70 projets de recherche sur l’embryon ou sur les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh) ont été autorisés à titre dérogatoire par l’Agence de la biomédecine depuis 2005, dont deux pourraient déboucher assez rapidement sur des essais cliniques, a indiqué jeudi l’Agence.
La recherche sur l’embryon humain est interdite en France depuis 2004, mais l’Agence de la biomédecine peut, de manière exceptionnelle, délivrer des autorisations aux équipes de chercheurs français qui en font la demande, après avoir évalué la pertinence scientifique et éthique de leurs projets.
Alors qu’une proposition de loi des Radicaux de gauche autorisant la recherche encadrée sur l’embryon pourrait revenir prochainement devant l’Assemblée nationale, après avoir été votée par le Sénat en décembre, Emmanuelle Prada-Bordenave, la directrice générale de l’Agence de la biomédecine, a fait le point sur les recherches en cours à l’occasion des 3e journées de l’Agence de la biomédecine.
Pour comprendre le fonctionnement de l’embryon au tout début de la vie, pour savoir comment les cellules différenciées se construisent à partir de la fusion des deux gamètes ou comment s’installe la maladie, figuraient des projets utilisant des cellules différenciées – déjà spécialisées -, pour régénérer des tissus.
Parmi les projets les plus avancés qui pourraient déboucher rapidement sur une demande d’autorisation d’essais cliniques, elle a cité l’utilisation de cellules différenciées pour réparer le muscle cardiaque après un infarctus et pour régénérer la peau dans certains cas d’ulcères qui ne guérissent pas.
Un troisième projet, un peu moins avancé, concerne l’oeil.
La recherche autorisée porte exclusivement sur des embryons surnuméraires, obtenus dans le cadre de la fécondation in vitro lorsqu’il n’y a plus de projet parental, ou porteurs de maladies génétiques graves et destinés à être détruits. L’accord des parents est toujours nécessaire.
Encadrement scrupuleux
Les cellules souches embryonnaires humaines sont obtenues à partir de ces embryons. Elles ont la particularité d’être pluripotentes, c’est à dire de pouvoir se transformer en tout type de cellules du corps humain (peau, cerveau, coeur etc.), contrairement aux cellules différenciées qui sont spécialisées dans une fonction précise.
Des cellules pluripotentes adultes peuvent également être obtenues à partir de cellules humaines différenciées adultes reprogrammées, une technique déjà utilisée dans le traitement de certaines maladies du sang.
Au 31 décembre dernier, l’agence avait autorisé 76 protocoles de recherche et donné son feu vert à environ 80 demandes d’importation ou de conservation de CESh. Seulement 12 projets ont été rejetés, pour des raisons d’ordre scientifiques ou éthiques, selon Mme Prada-Bordenave, qui cite d’un projet d’ordre cosmétique.
Les recherches sont étroitement encadrées, par le biais notamment d’un registre national des CESh et des embryons tenu par l’agence. Des inspections sont organisées et les équipes sont tenues de faire un rapport annuel sur l’avancée de leurs travaux.
Alors que l’autorisation de la recherche sur l’embryon continue à faire l’objet d’un âpre débat, le contrôle exercé par l’Agence de la biomédecine n’est pour l’instant pas remis en question.
Dans la proposition de loi adoptée par le Sénat, le rôle de l’agence n’est pas modifié, ni dans son principe ni dans son étendue. Il restera obligatoire de demander une autorisation à l’Agence, relève Mme Prada-Bordenave.
Pour le Dr John de Vos, un chercheur travaillant sur les CESh à Montpellier, la situation actuelle n’est plus tenable. Aujourd’hui, la loi dit que la recherche est interdite mais autorisée par dérogation. Cela peut freiner certaines équipes qui craignent qu’on puisse revenir sur les dérogations ou de ne pas obtenir les financements, et puis c’est très peu lisible, notamment au niveau international, une loi qui interdit cette recherche mais l’autorise en pratique, estime-t-il.
Source: AFP via Romandie