L’arrestation d’un journaliste américain pour espionnage en Russie démontre l’hypocrisie de l’Occident

Par Christelle Néant pour Donbass-Insider

Le 30 mars 2023, le FSB (services de renseignement russes) annonçait avoir arrêté Evan Gershkovich, un journaliste américain du Wall Street Journal, à Ekaterinbourg, pour espionnage. L’utilisation d’un journaliste comme espion, et la réaction occidentale à l’arrestation de Gershkovich, qui brandit sa profession comme un totem d’immunité, alors que Julian Assange est en prison en Angleterre depuis des années, démontrent clairement l’hypocrisie de l’Occident.

Quand j’ai commencé à travailler dans le Donbass, il y a sept ans, un collègue journaliste local m’a dit que les trois meilleures couvertures des Occidentaux pour espionner dans cette zone de guerre étaient le personnel des organisations humanitaires, le personnel de l’OSCE, et les journalistes ! Après tout comme il me l’a si bien souligné, le travail d’un journaliste est, en partie, assez proche de celui d’un agent des services de renseignement : l’un comme l’autre récoltent des informations, la différence c’est que le premier récolte des informations qui ne requièrent pas de violer la loi et les publie, et le deuxième récolte des informations de façon parfois illégales et en fait un rapport pour ses supérieurs.

L’espionnage mené sous ces trois types de couvertures a déjà été prouvé à plusieurs reprises dans le Donbass. Des organisations humanitaires ont perdu leur accréditation dans le Donbass pour avoir posé beaucoup de questions indiscrètes sur les positions militaires et autres informations secrètes lorsqu’ils apportaient de l’aide dans la zone proche du front.

Un journaliste occidental a aussi été expulsé du Donbass en 2014 pour espionnage, quant à l’OSCE, l’opération militaire spéciale a permis de prouver que l’armée ukrainienne avait accès aux images de leurs caméras de surveillance de la ligne de front, et plusieurs employés de l’organisation sont poursuivis pour espionnage et ont avoué avoir collecté des informations qui ont été transmises à l’Ukraine.

Si l’arrestation d’un journaliste pour espionnage a déjà eu lieu dans le Donbass (un journaliste ukrainien avait été arrêté pour cela en RPD – République Populaire de Donetsk), en revanche celle d’Evan Gershkovich est le premier cas en Russie.

Alors qu’il menait « officiellement » une enquête sur la SMP (Société Militaire Privée) Wagner, Evan Gershkovich est revenu à Ekaterinbourg peu de temps après un premier voyage dans cette ville sous le même prétexte. Sauf que comme l’a révélé le député russe Viatcheslav Wegner de la région de Sverdlovsk, ce qui intéressait en réalité Gershkovich c’était les entreprises du complexe militaro-industriel situées dans la région.

Le « journaliste » lui a posé des questions sur l’expérience de la région de Sverdlovsk en matière de réorientation des installations de production, en demandant si les entreprises avaient changé de profil, combien d’équipes y travaillent et si elles disposent de suffisamment de personnel. Le député a souligné qu’il n’était pas habilité à répondre à des questions de cette nature.

« [Gershkovich] a commencé à poser des questions sur le complexe industriel de défense d’Ekaterinbourg, il a nommé l’une des entreprises Novator et ainsi de suite », a expliqué M. Wegner.

Le journaliste américain s’est également intéressé aux communications entre Viatcheslav Wegner et Evgueni Prigojine, qui dirige la SMP Wagner.

Il est intéressant de noter que le média Meduza (considéré comme agent étranger et interdit en Russie) a lui-même déclaré que Gershkovich s’est rendu à Nijny Taguil, la ville où se trouve Uralvagonzavod, l’une des plus importantes entreprises du complexe militaro-industriel russe. Ce qui montre bien que l’enquête sur la SMP Wagner n’était qu’une couverture pour obtenir des informations sur autre chose.

D’ailleurs les autorités russes ont souligné qu’Evan Gershkovich a été arrêté en flagrant délit de tentative d’obtention d’informations secrètes sur le complexe militaro-industriel russe. Après une audience en huis clos à cause de la nature même de l’affaire, Gershkovich a été placé en détention provisoire pour deux mois. Un accès consulaire lui a été accordé.

Sans surprise le Wall Street Journal, la secrétaire générale du Conseil de l’Europe, Maria Pejčinović-Buric, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, Washington, Londres, Paris, et le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, ont condamné l’arrestation de Gershkovich et demandé sa libération, mettant en avant son statut de journaliste comme s’il s’agissait d’un totem d’immunité.

Sauf que le travail légitime de journaliste n’inclut pas l’espionnage de sites ou d’entreprises militaires, comme l’a très bien souligné la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova.

« Ce que cet employé de l’édition américaine du Wall Street Journal faisait à Ekaterinbourg n’a rien à voir avec le journalisme. Ce n’est malheureusement pas la première fois que le statut de « correspondant étranger », un visa et une accréditation de journaliste sont utilisés par des étrangers dans notre pays pour dissimuler des activités qui ne relèvent pas du journalisme. Ce n’est pas le premier Occidental bien connu à être attrapé la main dans le sac », a-t-elle écrit sur sa chaîne Telegram.

Personnellement la réaction occidentale me semble d’autant plus déplacée et hypocrite, que le journaliste Julian Assange est en prison en Angleterre depuis quatre ans, non pas pour avoir cherché à espionner des entreprises du complexe militaro-industriel américain, ou divulguer des positions militaires, mais pour avoir dénoncé les crimes de guerre de l’armée américaine et des autres armées de l’OTAN, entre autre en Irak et en Afghanistan.

C’est à dire que l’Occident reproche à la Russie d’avoir arrêté un journaliste pour espionnage (accusation qui semble assez solide quand on voit que même un média qui est un agent de l’étranger comme Meduza écrit qu’il s’est rendu dans la ville où se trouve Uralvagonzavod), alors qu’elles ont arrêté et maintiennent en prison dans des conditions déplorables un journaliste qui n’a fait que son travail !

Avant d’exiger que la Russie relâche Gershkovich, l’Occident ferait bien de balayer devant sa porte en libérant Julian Assange, et en cessant d’utiliser leurs journalistes comme des James Bond à la petite semaine !

Christelle Néant

Volti

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