Apartheid ! Une double origine et deux destinées

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Par Zénon

Au commencement était l’harmonie. L’Humanité originelle vivait en parfaite osmose avec les lois
naturelles ; dans un respect teinté de vague superstition envers les règnes du minéral, du végétal
et de l’animal dont elle était issue et représentait la somme. Cette espèce se nourrissait des fruits
de la chasse, de la pêche et de la cueillette, absorbée par l’instant présent et profondément unie à
sa tribu et son territoire… Les sociétés de nos lointains ancêtres existaient ainsi, dans l’innocente
inconscience de toute notion de « bien » ou de « mal ».

D’incalculables générations se succédèrent. Jusqu’à ce qu’apparaisse, il y a soixante siècles sur le
plateau de Sumer, une créature nouvelle, extérieurement apparentée à l’Humain, mais différente
dans sa psyché, sa nature profonde et son rapport à l’environnement. Avec elle se développèrent
de façon concomitante les premières cités-états, l’écriture, le système sexagésimal, l’usure, entre
autres composantes encore actuelles de ce que nous avons coutume d’appeler « civilisation ». De
cette époque nous est également échu un héritage spirituel, depuis l’exode à Babylone du peuple
Hébreu et les apports de la mythologie sumérienne au livre de la Genèse.

Poussée par un irrépressible instinct expansionniste, cette seconde humanité a essaimé jusqu’à
coloniser peu à peu l’ensemble des peuples du monde. Non qu’elle ait « cru et se soit multipliée »,
comme indiqué dans l’ancien testament, ni qu’elle se soit développée en parallèle et dans l’ombre
de la première, comme le pensent nombre d’individus conscients de cette coexistence. Sa lente et
inexorable croissance a plus exactement été le fruit d’une hybridation ; d’une fusion génétique et
sociale des deux lignées jusqu’à entremêler leurs composantes au fil de notre évolution. Quoique
de proportions variables selon les individus, ces deux ascendances et les tendances qui leur sont
liées sont depuis des millénaires inscrites en notre psyché, aussi bien individuelle que collective.

Depuis lors n’a cessé de se dérouler en nous une véritable lutte intestine entre nature et culture…
Cette dernière aura de victoire en victoire enferré l’espèce originelle dans la domesticité, les lois,
les notions, la morale. Lui aura inculqué l’amour de la forge et l’art de la guerre. Aura expurgé les
peuples premiers de la richesse de leur vision, de la simplicité de leurs rêves pour leur substituer
des murailles pour horizon et l’obsession de l’or comme pulsation dans les veines. Les cités-états
se sont agglomérées en nations puis en empires. Les ruches industrieuses ont poussé comme des
chancres en lieu et place des forêts primitives. Et l’intuition ancestrale a lentement cédé le pas au
rationalisme sectaire des temps modernes.

La prédation d’abord improvisée, puis de plus en plus structurée par les institutions politiques et
religieuses fut le moteur de notre évolution depuis la cité d’Ur jusqu’à nos jours. Les conquérants
de contrées entières découvrirent la supériorité de l’impôt sur le bénéfice immédiat du pillage. Et
la vassalité s’inscrivit dans les mœurs comme nouvelle conformité sociale… Les rapports de force
entre possédants et masses laborieuses ont depuis connu plusieurs formes et divers degrés, sans
qu’aucun système de gouvernance ne remette en cause le pouvoir des uns sur les autres. Tous les
régimes sans exception auront vu fleurir, sous des dehors plus ou moins raffinés, l’exploitation et
l’accaparement des fruits du labeur par une caste de décideurs exemptés des devoirs communs.

Le tabou religieux de l’usure fut progressivement levé en Occident entre la fin du Moyen-Âge et le
début de la Renaissance. Alors apparurent de nouvelles puissances d’argent, qui concurrencèrent
bientôt les États dans le processus d’émission monétaire, et commencèrent à s’immiscer dans les
décisions publiques. La création de la banque d’Angleterre fut l’évènement-pivot à partir duquel le
pouvoir politique fut progressivement transféré des couronnes royales aux places financières, qui
devinrent en capacité de subventionner des guerres afin de remodeler à leur guise le paysage
géopolitique européen.

Ces mêmes banques ont financé toutes les entreprises coloniales, et participé à l’export à travers
le globe d’une conception de la société uniquement basée sur le profit, dans laquelle aussi bien la
tête couronnée que le chef de village autochtone deviendraient leurs supplétifs. Des pourvoyeurs
de main-d’œuvre corvéable à merci, propre à satisfaire leur insatiable appétit de pouvoir, l’argent
leur étant déjà acquis. Nous étions entrés dans l’ère moderne… La grande ambition des puissants
n’était plus de posséder le monde ou les hommes, mais de les transformer selon leur bon vouloir
ou leur caprice du moment.

L’urbanisation galopante, la division et la spécialisation du travail, la technicité toujours accrue et
plus récemment, l’informatisation tous azimuts nous ont conduits à une dépendance quasi-totale
vis-à-vis des propriétaires de l’appareil de production. Hier instrument pour façonner les choses,
la machine est devenue l’outil servant à remodeler l’homme. Et tandis que la concentration entre
quelques mains de toutes les ressources mondiales atteint son comble, les possédants annoncent
l’avènement prochain de la fusion humaine avec leur technologie… Six-mille ans d’évolution nous
ont ainsi menés à la plus folle croisée des chemins de notre histoire : nous pouvons poursuivre la
fuite en avant débutée alors au cœur du Moyen-Orient, ou nous remémorer nos racines et danser
autour des flammes de l’incendie des grands centres-villes.

Sous l’apparente uniformité d’une trajectoire commune, deux archétypes humains ont longtemps
cohabité sans parvenir à se dégager l’un de l’autre. D’une part celui resté profondément attaché à
sa nature et ses origines, à sa lumière intérieure et sa joie enfantine, et de l’autre celui mécanique
et froid comme l’acier dont l’unique obsession est d’« avancer », peu importe où il se trouve ni où
il aille. Le temps présent des Révélations voit déjà poindre l’apparition au grand-jour de ces deux
souches constitutives, et l’inévitable scission de l’Humanité en deux espèces distinctes à l’avenir :
la première, qui cherchera et retrouvera une existence en accord avec les lois universelles, puis la
seconde, qui poursuivra sa quête matérialiste jusqu’à la perdition définitive du transhumanisme.

Non seulement l’actualité récente, mais aussi nos choix individuels des deux dernières décennies
témoignent en ce sens… La ségrégation des technocrates envers les réfractaires, celle des adeptes
du tout vaccinal vis-à-vis des sceptiques. Celle des bellicistes à l’égard des acteurs de paix, et celle
des gens formatés contre les esprits libres, sont autant d’indices qu’un indéniable fossé se creuse
entre les individus liés par un équilibre organique, et les personnes uniquement absorbées par le
désir de se répandre au-delà d’elles-mêmes à travers le regard d’autrui.

Peu de gens sont à ce stade pleinement polarisés sur l’une ou l’autre tendance. De là découlent de
nombreux dilemmes et conflits intérieurs ou interpersonnels. Mais la spoliation généralisée dont
nous assistons aux prémices à l’aube du « grand reset » commence à faire se distinguer ces deux
courants : celui de ceux qui suivront ce penchant pour la prédation réciproque jusqu’à la « guerre
de tous contre tous ». Et, à l’autre bout du spectre, celui des êtres que ces circonstances invitent à
l’entraide ; œuvrant à l’éclosion de nouveaux modes de partage et d’échanges au sein des réseaux
de solidarité qui partout s’organisent. À terme, les ruines de l’ancien monde appartiendront à ses
actionnaires pyromanes, tandis que les générations futures redécouvriront que les terres brûlées
sont les plus fertiles.

Ces deux modèles seront alors devenus incompatibles. Les raisons-mêmes de leur imbrication au
fil de l’Histoire seront celles de leur schisme définitif… L’une de ces deux espèces courra toujours
plus avant vers une chimère d’immortalité qui causera sa perte. L’autre se sait condamnée depuis
le premier jour, et l’accepte. Ces attitudes d’esprit détermineront le rapport de force à venir entre
l’armée des clones du nouvel ordre mondial et les clans de nouveaux sauvages. La génération des
cyborgs s’évanouira dans des poussières de nanoparticules et une Humanité nouvelle apparaîtra,
transfigurée par cette expérience d’ingénierie cosmique.

Cette révolution n’impliquera pas pour autant un retour au mode de vie de nos ancêtres. On ne se
baigne jamais deux fois dans la même rivière. Nous serons en revanche devenus capables de faire
le tri des technologies qui nous affranchissent de celles qui nous aliènent, et cesserons alors d’en
être esclaves. Mais surtout, nous serons sevrés de cette folle et vaine prétention de maîtriser quoi
que ce soit de l’avenir. Nous existerons de nouveau pleinement dans l’instant présent ; conscients
que rien ne saurait être gravé dans le marbre, comme l’a merveilleusement illustré la destruction
des Georgia Guidestones. Face à ce qui arrive, la première des préparations est mentale et consiste
à s’ouvrir sans résistance à l’inconnu.

L’enjeu de ce retour aux fondamentaux n’est rien moins que notre survie à brève échéance. Notre
évolution nous a menés au pied d’un mur devant lequel il est impossible de faire demi-tour. Nous
devons dès à présent, pour espérer pouvoir le franchir, nous connaître sous toutes les coutures et
dans toutes nos dimensions. Assumer aussi bien nos zones d’ombres que nos parties lumineuses.
La connaissance de soi est la vocation de notre conscience et la raison d’être du libre-arbitre. Une
fois dépassée cette épreuve de maturité collective, nous retrouverons enfin l’harmonie ; non celle
inconsciente des origines, mais cette fois née d’une union librement consentie avec le grand Tout.
Lorsqu’un jour, les générations futures se pencheront sur cette étrange période de notre histoire,
elles constateront que cette longue errance n’avait d’autre but que de nous révéler à nous-mêmes
et s’extasieront, pleines de joie, devant incommensurable intelligence à l’œuvre dans l’Univers.

Zénon – juillet 2022

Volti

2 Commentaires

  1. En somme il faut en revenir au Gnothi seauton gravé sur le fronton du temple de Delphes.Le reste n’importe guère. Il faut ajouter que se connaître soi-même est une tâche bien difficile, qui demande beaucoup d’humilité.

    • Bonjour Jclaude,

      Il est vrai que c’est une tâche bien difficile mais oh combien libératrice.
      Sans humilité c’est l’orgueil qui prédomine et de ce fait devient l’obstacle majeur à l’authentique Connaissance qui ne se limite pas à la connaissance de soi-même, qui bien évidemment est celle qui mène à La Connaissance.
      Belle journée à vous,
      Aruna

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