Si vous avez lu la première partie de « rendre le travail de la terre obligatoire » premiers jalons, vous ne manquerez pas la seconde partie de la réflexion de Sylvain Rochex, qui continue avec la notion de « cueillir ».
Le 31 décembre 2017, j’ai écrit un article « Et si nous rendions le travail de la terre obligatoire ? » (premiers jalons) … Et, n’étant pas un passionné des lois écrites, j’entendais bien par là : moralement obligatoire.
J’y pense quotidiennement (je ne suis pas encore parvenu à mettre la main sur le livre de Bondarev, Cf article précédent sur le sujet — la BNF m’en demande plus de 100 Euros… —).
J’en parle autour de moi, mais on me répond souvent que je serais dans ce désir mal à propos qui consiste à vouloir que les autres fassent ce que l’on fait soi-même, à vouloir que les autres aiment ce que l’on aime soi-même.Tout d’abord, je répondrais à mon tour que cette tendance est universelle. Nous faisons tous et toujours l’apologie de ce qu’on croit juste et bon (à des degrés divers). Et ce qu’on croit juste et bon pour soi, on finit toujours par penser que ça sera tout aussi bon et juste pour la collectivité, et à vouloir le communiquer. C’est tellement banal et omniprésent qu’il n’est même pas très utile de renvoyer ça à quelqu’un.
Cependant il y a un champ de pratiques qui possède une couche supplémentaire qui nous place d’emblée ailleurs que la simple apologie personnelle de quelque-chose, c’est celui de la nécessité.
Si je faisais l’apologie de boire de l’eau pure en quantité nécessaire et suffisante à quelqu’un qui ne boit pas assez : il ne pourra pas me répondre que boire de l’eau, c’est mon truc à moi, et que je commets une faute (contre sa liberté !) à vouloir lui recommander fortement ce que moi je fais. Non, car boire de l’eau appartient au champ de la nécessité (idem pour ce qui relève des déjections, du dormir, du manger, du s’abriter, du s’habiller et de la reliance). Vous voyez où je veux en venir.
Je pense que cultiver son propre champ fait partie du champ des nécessités premières qu’on ne peut pas évacuer en disant : ce n’est pas mon truc, c’est peut-être ton truc à toi, mais ce n’est pas le mien !Il faudrait tout d’abord bien comprendre que du point de vue cosmologique, écologique, physique, et donc holistique, lorsque la nécessité est respectée en un point, le bon ordre ne va pas seulement s’instituer de façon insulaire, il y aura répercussion immédiate de proche en proche grâce aux rapports infinis qui existent entre les choses. Car tout dans la nature (phusis) s’exprime par des rapports (logoï) pour former un ordre (cosmos). Donc, quand je me mets à l’écoute de la nécessité (par l’attention), j’offre instantanément à ce qui n’est pas moi, mais qui est autour de moi, la possibilité de mieux répondre aussi à la nécessité (ce qui est particulièrement visible au niveau de la chaîne alimentaire et du principe : le déchet de l’un est la nourriture de l’autre).
En ce sens, être écologiste (c’est-à-dire étymologiquement : vouloir les bons rapports entre les choses qui font une maison harmonieuse — que cette maison soit notre jardin ou la Terre entière), c’est forcément chercher à répondre correctement à ce qui relève de la nécessité en chaque point, sans stratégie d’évitement aucune.Mais qu’est-ce à dire véritablement que : « Cultiver son propre champ » ? Est-ce passer de longues heures à planter des lignes de patates, de radis et de carottes ? Ça peut éventuellement en faire partie, mais il s’agira alors d’une activité parmi des milliers d’autres possibles ayant toutes pour objectif de tirer une nourriture abondante de son environnement proche.
Mais surtout : « Cultiver son propre champ », ça veut dire, Cueillir : la cueillette. Et là où on peut magiquement rejoindre ce que je disais juste avant, c’est que l’étymologie profonde du Logos (donc du rapport juste), c’est justement le geste du cueillir. Logos étant le déverbal de Légô : cueillir, choisir, dire.
Pour nos plus lointains aïeux, le cueillir, qui est pour l’Homme, le geste primordial — celui dont on trouvera par exemple un équivalent dans l’abeille qui butine ou le mammifère qui broute — était « la logique même », c’est-à-dire ce qui fonde et assure le bon rapport entre les choses, donc l’harmonie. Les Hommes sentaient qu’en étant attentif aux lois de la nécessité, et en y répondant précisément par ce geste du cueillir, ils établissaient avec le cosmos, le bon rapport, celui qui permettait de les inclure de façon pérenne dans le dit-cosmos. Le Cueillir est le geste primordial qui lutte contre la tendance entropique de l’univers afin de demeurer dans un cosmos (un ordre).Mais de nos jours, « Cultiver son propre champ » ça peut aussi vouloir dire bouturer des plantes (sans excès pour ne pas annihiler les fonctions sexuelles des plantes), les diviser et les marcotter. Oui, car l’homme doit utiliser son intelligence en la mettant au service du Cueillir.
Cueillir, ça peut vouloir dire aussi greffer sur franc ou sur sauvageon (idem : sans excès).
Cueillir, c’est bien-sûr et en premier, cueillir des milliers de plantes et de baies nutritives et médicinales, mais c’est aussi cueillir des champignons, des bourgeons, des fleurs et la sève de certains arbres.
Cueillir, c’est aussi ramasser du bois mort pour le feu ou des œufs qu’on va manger.
Cueillir, c’est ramasser les semences et en prendre soin pour la saison suivante.
Cueillir, c’est prélever, donc choisir en conscience ce que l’on va prélever pour se maintenir en vie et pour maintenir la vie.Donc, le Cueillir, c’est aussi ce qui nous fait prendre de la hauteur par rapport à tous les débats stériles sur le végétarisme, le véganisme et Cie… Car être capable de choisir en conscience ce que l’on prélève pour maintenir la vie, et le prélever soi-même (cueillir), devrait être la seule règle qui vaille (si le but recherché est l’équilibre et l’harmonie).
Cueillir, c’est donc aussi — étymologiquement — choisir, c’est choisir ce que l’on cueille, ce que l’on va manger, ou ce que l’on va dire… Oui, parler c’est aussi cueillir, c’est cueillir des mots dans sa tête ou dans le monde pour chercher l’harmonie… Et dia-loguer, c’est partir ensemble dans la forêts des mots et des concepts pour harmoniser ensemble un beau panier qui servira à maintenir la vie… C’est sûrement aussi pour ça que le savoir vient de sapere : qui a du goût, de la saveur. Car si ça a bon goût, c’est sûrement que ça répond correctement à la nécessité et au maintien de la vie et que donc on a fait les bons choix en matière de cueillette… (grâce à notre savoir…)
Mais aujourd’hui, les gens, aliénés qu’ils sont, ne cueillent plus rien du tout (ni en terme de plantes, ni en terme de dire), donc ils ne choisissent plus rien grâce à l’attention aux savoirs savoureux. Ils vont dans les supermarchés et dans les temples culturels se saisir de ce qu’on a déterminé et programmé pour eux (et ce, non pas dans un but de maintenir la vie, mais pour faire de l’argent)… Les gens ne cueillent plus rien également à cause de la perversion du web par les algorithmes et les big datas visant à une disruption au service de la bourse des géants de la silicon valley.
Enfin, les gens ont basculé ces dernières années dans une sordide entropie alimentaire où ils vont se poser 3000 questions par jour concernant ce qu’ils mangent (parce qu’ils savent désormais que ça déconne grave !) mais jamais ils ne pensent à effacer ces 3000 questions quotidiennes au profit d’un simple retour du Cueillir.Retrouver le Cueillir, c’est la voie du salut. Nous devons, tous, accueillir à bras ouvert cette nécessité absolue du Cueillir (en nous et pour le cosmos), au lieu de répondre que ce n’est pas notre truc — et que notre truc à nous, c’est l’informatique, les jeux-vidéos, la finance, le foot, l’astronomie, l’enseignement, le militantisme, faire des films, la boulange, le parapente, la philosophie, les voyages, les affaires, conduire un camion, ou que sais-je encore). Car ce geste primordial est notre truc à tous, sans exception, sans débat possible. C’est même LE truc ! Car si cueillir, c’est aussi choisir, cueillir, c’est donc aussi la politique et les polémiques concernant ce qui est bon et juste pour trouver l’harmonie. Et cueillir, c’est bien-sûr choisir pharmacologiquement, c’est-à-dire peut-être prendre un peu de tout, mais à la juste dose. Cueillir, c’est donc accueillir tout ce qui est avec justesse et avec un savoir qui maintient la vie.
Comment les mères peuvent-elle ne pas aller cueillir chaque jour de quoi nourrir leurs enfants ? Ce sont les mères qui auraient dû, les premières, refuser les supermarchés et tous nos modes de consommation actuels. Ce sont les mères qui auraient dû tout de suite se dresser pour ne jamais arrêter l’acte originel et primordial du cueillir.L’homme et la femme sont appelés par voie de nécessité à créer une harmonie en leur jardin. Ils doivent, c’est la nécessité des nécessités, créer un jardin accueillant dans lequel ils cueillent, et accueillent (Rappel : Fête de printemps le 3/03 à l’Adrey — et il risque de faire beau !).
Il faut retrouver le cueillir, l’authentique cueillir, c’est-à-dire le bon rapport nécessaire avec le reste de l’univers pour maintenir la vie.
Le cueillir : le geste primordial de l’Homme depuis la nuit des temps.
Et l’ail des ours nouveau est arrivé, nous allons le cueillir pour accueillir le printemps. Tandis que le bouleau se prépare à éjaculer et l’abeille à visiter le saule…Sylvain Rochex — 17 février 2018 pour Déscolarisation.org
Et si, nous rendions le travail sur soi, intéressant ?
Et scie, nous reflechissions, ensemble, là, tout de suite, maintenant ?
✋ ! Attention !!
Ça pourrait tout changer et sans retour…
Prôsons plutôt.
si on part du principe que l’homme est censé se nourrir de matières biologiques alors ce texte a un sens .. si au contraire nous ne sommes pas faits pour reproduire mais pour créer alors nous n’avons pas besoin de nourriture biologique pour survivre , nous pouvons nous nourrir simplement de l’énergie invisible qui nous entoure . Et comme nous sommes tous des êtres créateurs , nous ne sommes pas dépendants du troupeau , donc de la loi du troupeau .. nous sommes dépendants de la loi intérieure uniquement pas extérieure ..
Là c’est l’effondrement assuré, se nourrir de l’« énergie invisible qui nous entoure ». Plus de super et hyper marché, plus de multinationales, plus de gaspillage, juste de la nourriture « spirituelle »… 🙂
Edit: Je pensais au Prana évidemment 🙂
Pour les personnes qui n’ont pas de terre ou pas accès à l’eau de source ou de pluie comme c’est mon cas et qui aimeraient cultiver malgré tout. Pensez aux jardin partagés, il y en a de plus en plus, dans les villages, en ville. Personnellement pour 30euros par an, je profite d’un terrain de 75 m2 avec eau, compost et paille bio.
http://jardins-partages.org/
Ici, c’est la période de l’asperge sauvage, et de toutes les salades sauvages, un bonheur!
Mon père âgé de 82 ans vient de laisser le jardin partagé qu’il louait à sa commune depuis 40 ans. Au fil des ans il a vu partir les uns après les autres ses copains jardiniers. Une constatation s’impose : la relève est assurée par des individus exotiques de sexe féminin, au demeurant très sympathiques, déposés le matin par leurs maris et récupérés le soir. Les candidatures indigènes sont rarissimes malgré un chômage important. De toute évidence ce peuple préfère s’abrutir devant Hanouna plutôt que de manier la grelinette.
Tu as bien de la chance Laurence ! ici il en est question depuis…oh là là… mais le maire n’a encore rien mis en chantier de ce côté là.
Cependant, partout commencent à pousser des salades sauvages, bientôt ce seront les asperges, Mère Nature est très généreuse et on pourra faire de bonnes récoltes sans avoir eu à semer quoi que ce soit. Cet hiver, à cause d’un été trop long et trop sec, les poireaux sauvages ont été rarissimes et petits. L’herbe commence tout juste à pousser parsemée de pâquerettes – au fait sais-tu qu’elles sont aussi bonnes à manger ? –
Quand le printemps aura gagné mes montagnes, je pourrai faire des orgies de pissenlits, faire un excellent vin aussi avec, les orties vont pousser toutes mignonnes et tendres. Il y aura les bourgeons de pin, d’aubépine…, les petites feuilles à peine nées des tilleuls à cueillir vite pour faire d’excellentes tisanes parfumées… l’abondance sera à portée de main.
Un service agricole plutôt qu’un service militaire serait bien plus judicieux, mais ça n’a pas l’air d’être au gout du jour dans la tête de nos élus, dommage.
Va falloir se rattraper ;0)
Votre idée est aussi originale que pertinente.
En voilà une bonne idée … Qui ne verra jamais le jour sur cette planète …
M.G.
Il ne faut jamais dire jamais
Et tant qu’à faire: Agricole/horticole.
Je n’ai pas accès aux « premiers jalons » du thème « rendre le travail obligatoire » (lien no good) alors je ne sais pas si ce que je vais dire est déjà abordé par Sylvain.
Quelque chose qui me semble primordial aussi est de lutter contre l’accaparement des terres. Or, il est admis qu’un français utilise en moyenne une certaine surface (5 hectares peut-être?) dans le monde, indirectement, par et pour les produits qu’ils consomme/achète. Si on additionne cela avec les terrains que certains possèdent mais n’utilisent pas (pour cueillir) alors certains prennent LARGEMENT plus que leur part. Ce qui induit de fait qu’ils privent d’autres de leurs moyens de subsistance (c’est MATHÉMATIQUE – mais me contrediront les « bouddhistes marchands » qui me diront que ce n’est qu’une question de pensée créatrice). je pense notamment aux belles propriétés secondaires, aux grands jardins, aux terrains de golf etc qui ne sont absolument pas cultivés ni cueillis puisque les propriétaires de ces domaines font leurs courses.
Donc, oui, travailler la terre et cueillir pourrait être quelque chose d’obligatoire, pour tout ce que Syvlain cite et pour que les choses soient partagées. Il est évident que la misère serait vite éradiquée si l’accès à la terre redevenait égal (et hors loi de l’argent, bien sûr).
Sylvain, votre site est HS. C’est voulu?
A+
Retente l’accès au premier article, j’ai actualisé le lien. Leur site est inaccessible, j’espère que c’est temporaire.. 😉
Oui, le site http://www.descolarisation.org rencontre depuis de nombreux jours un problème technique inconnu. Peut-être un hacking, je ne sais pas, et je n’ai présentement pas les compétences, ni en moi ni sous la main, pour résoudre ce problème.
Sinon, effectivement, en ces temps où le gouvernement reparle de façon éhontée de service militaire, la réponse d’Éric… est vraiment excellente.
Des idées comme ça, qui prennent le risque de répondre à la question posée en titre, quitte à choquer ou bousculer un peu, c’est très intéressant. MERCI !! S.R.
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