Non, le « management » n’est pas le harcèlement, une organisation du travail « saine » est possible

La plupart des « managers » et des théories du « management » sont orientés vers l’exploitation la plus éhontée et la plus brutale des salariés et sont dominés par une vision de classe ou le subordonné est considéré comme un moyen de production et de pouvoir qui doit donc être asservi à sa hiérarchie, surveillé, pressuré, et finalement harcelé, selon une vision psychopathologique du monde du travail incarné par la formule : « gagner plus de pouvoir sur les autres, faire plus de profit pour soi-même ».

Pourtant d’autres formes d’organisation du travail existent, qui partent de constats et de relations au travail beaucoup plus sains et qui sont notablement plus « efficaces » pour tout le monde.

Dans le cadre de nos recherches sur le hacking social au travail, nous avons exploré le monde du management, avec ses coachs, ses consultants et sa « bibliothèque » de conseils-injonctions. Il s’agissait de trouver les sources du mal, les sources de cette inclination à vouloir manipuler son prochain, à faire souffrir le subordonné ou le forcer à des actions que l’on a décidées pour lui. Nous avons compris une chose : quel que soit le discours dans les bouquins de management,quelles que soient les bonnes volontés de l’auteur, un lecteur pourra toujours le déformer selon son filtre « gagner plus de pouvoir sur les autres, faire plus de profit pour soi-même » ; certains livres ont clairement une inclination permettant aux managers et autres chefs de suivre cette égoïste destinée. Et cela nuit aux salariés, nuit à l’entreprise, nuit au manager malgré ses apparences de winner.

Fort heureusement, lors de cette traversée « littéraire », nous avons rencontré un livre qui nous a clairement redonné espoir : oui, il existe encore des chefs d’entreprises sensés, réalistes, simples et aux idées saines, qui mettent en place une organisation du travail humaine pour le salarié, l’entreprise et le manager. Des chefs d’entreprises qui réussissent sans pour autant être des « ogres », des « killers » et sans pour autant avoir tous ces traits brutalistes qu’on associe – à tort- à la réussite dans le monde des affaires.

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Rework-reussir-autrementJason Fried et David Heinemeier Hansson sont les fondateurs d’une petite entreprise de 19 personnes, « 37 signals », qui a connu une insolente réussite en peu de temps. Ils ont parallèlement parlé en toute transparence de leurs pratiques, via des vidéos sur le net et l’ouvrage « Rework », dont on va parler aujourd’hui. Cet ouvrage est d’une simplicité décapante et c’est là toute sa force dans un monde où le management est d’une abstraction complètement aberrante (en plus d’être d’un ennui phénoménalement nauséeux) : on conseille vivement Rework à tous , aux salariés, parce que cela permet d’entrevoir que certains boss ont du bon sens, donc que l’habituelle figure du chef autoritaire, distant et à côté de la plaque est un problème à régler pour l’entreprise et pas seulement pour les subordonnés; aux futurs entrepreneurs, à ceux qui hésitent, pour démarrer du bon pied et se rassurer qu’on peut garder son âme en faisant une entreprise ; aux managers, pour revoir leur mode de management et réfléchir à ces pratiques ; aux cadres pour en finir définitivement avec des modes imbéciles de présentéisme.

Cet article pioche donc quelques passages du livre qui nous ont paru très importants, on commentera de temps en temps hors des guillemets.

« Laissez la planification à long terme aux devins »

« En affaires, à moins que vous ne soyez devin, planifier à long terme relève du fantasme. Trop de facteurs ne dépendent pas de vous : les conditions du marché, les concurrents, les clients, l’économie, etc. Faire un plan d’affaires vous donne l’impression de maîtriser ce que vous ne pouvez pas maîtriser.[…] Or, vous devez pouvoir improviser. Vous devez pouvoir saisir les occasions. Vous devez pouvoir dire : « Nous prenons une nouvelle direction parce que c’est ce qu’il y a de mieux à faire aujourd’hui. » Les plans à long terme empêchent d’agir au moment opportun. C’est au moment où on fait quelque chose qu’on a le plus d’information, pas avant de le faire. Les plans à long terme empêchent d’agir au moment opportun. […] Travailler sans plan peut sembler effrayant, mais suivre aveuglément un plan déconnecté de la réalité l’est bien davantage. »

Note : La planification rigide est en plus source de harcèlement totalement idiot ; on pense par exemple aux chefs de rayon de supermarché qui se font réprimander parce qu’ils ne font pas leurs ventes (viandes de barbecue par exemple, alors qu’il n’y a pas eu de soleil tout le mois) et qui, pour éviter la réprimande vont harceler à leur tour leurs subordonnés. Suivre une planification rigide est, en restauration par exemple, le meilleur moyen de faire des pertes ou d’être totalement débordé. Changer de plan en fonction des circonstances est par contre le meilleur moyen de s’adapter de la bonne façon, cependant cela nécessite de laisser de la latitude décisionnelle aux subordonnés, parce qu’ils sont en première ligne des « circonstances ».

« Pourquoi grossir ? »

« Comment expliquer cette attitude ? Qu’en est-il de la croissance et de l’entreprise ? Pourquoi faut-il toujours viser l’expansion ? À quoi rime cette attirance pour ce qui est gros, si ce n’est pour satisfaire l’ego ? (Et vous devrez avoir une meilleure réponse que « les économies d’échelle ».) Qu’y a-t-il de mal à trouver la bonne taille et à s’y tenir ? […] Être petit n’est pas seulement une étape ; c’est aussi une destination formidable en soi. »

Note: s’il y a une idée à retenir, c’est bien celle-là. La planète, la société se porteraient mieux si cette idée de croissance se calmait et que les entreprises et autres institutions comprenaient que tout a des limites.

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« Dehors, les bourreaux de travail ! »

« La culture occidentale aime beaucoup la figure du bourreau de travail. On entend parler de gens qui travaillent jusqu’à l’aube, passent des nuits blanches et dorment au bureau. Se tuer au travail est très bien vu. On ne travaille jamais trop.En fait, cette attitude est non seulement inutile, mais idiote. […] Les bourreaux de travail finissent par causer plus de problèmes qu’ils n’en règlent. D’abord, travailler autant n’est tout simplement pas viable. Quand l’épuisement professionnel frappera – ce qui ne manquera pas d’arriver –, les dégâts seront considérables.
Mais il y a plus. Les bourreaux de travail font fausse route. Ils tentent de résoudre des problèmes en multipliant les heures qu’ils y consacrent. Ils essaient de compenser la paresse intellectuelle par la force brute, ce qui donne des solutions inélégantes. Ils provoquent même des crises. Ils ne cherchent pas à devenir plus efficaces parce que, en réalité, ils aiment faire des heures supplémentaires. Ils aiment se prendre pour des héros. Ils créent des problèmes (souvent involontairement) pour pouvoir continuer à se défoncer.
Les bourreaux de travail s’arrangent pour que leurs collègues qui ne restent pas le soir se sentent mal à l’aise de travailler « seulement » de manière raisonnable. Cette mentalité engendre des sentiments de culpabilité et démoralise les employés. Pire, elle favorise le présentéisme – les gens traînent tard au bureau par pure obligation, même s’ils ne sont plus productifs. […] Les bourreaux de travail n’abattent pas plus de boulot que ceux qui travaillent normalement. Ils se disent perfectionnistes, mais, en réalité, ils perdent du temps en s’attardant à des détails insignifiants plutôt que de passer à la tâche suivante. Ce ne sont pas des héros. Ils ne sauvent pas la situation, ils ne font que l’utiliser. Le véritable héros est déjà rentré chez lui parce qu’il a trouvé une manière plus rapide de faire les choses. »

Note : le présentéisme est à éradiquer, car il nuit à tout le monde et à l’entreprise. Dire ironiquement « bon après-midi ! » à celui qui part à 18h, parce que la norme est de faire semblant de travailler jusqu’à 20 heures, est définitivement ridicule pour celui qui le dit. Un travailleur efficace rentre vite chez lui, car il est bien organisé, il s’est bien concentré dans son travail aux moments optimums. Ne regardons plus en héros celui qui passe sa vie au travail, il a un problème. Pour aller plus loin sur le présentéisme : http://rue89.nouvelobs.com/rue89-eco/2012/12/06/pire-que-labsenteisme-le-presenteisme-des-salaries-malades-237556

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« Si vous le dites, faites-le ! »

« Il y a un monde entre défendre une position et avoir un énoncé de mission qui stipule qu’on la défend; pensez à ces promesses de « service exceptionnel» qu’on écrit juste pour les épingler au mur et qui sonnent terriblement faux… […] Prendre position pour quelque chose, ce n’est pas seulement le dire ou l’écrire, c’est le croire et le vivre. »

Note : cela vaut aussi pour les chartes éthiques que les multinationales aiment tant et qui ne servent que comme faire-valoir lors de problèmes. Hypocrites, elles décrivent un code éthique qui n’est pas absolument pas respecté ou peu (si vous voulez un bel exemple de cette hypocrisie, consultez la charte éthique de McDonald’s ; je vous promets une belle crise de rire).

« C’est le contenu qui compte »

 

« Certaines personnes sont obnubilées par les outils au point d’oublier à quoi ils devraient servir. Comme ces concepteurs graphiques qui multiplient les polices funky et les filtres Photoshop, mais n’ont rien à dire. Ou ces soi-disant passionnés de photo qui préfèrent débattre sans fin des mérites respectifs de l’argentique et du numérique plutôt que de se concentrer sur ce qui fait une photographie exceptionnelle.
Bien des golfeurs amateurs pensent qu’il leur faut des clubs très chers,mais c’est l’élan qui compte, pas le club. Donnez de mauvais clubs à TigerWoods, et il vous écrasera quand même.
Les gens pensent racheter la paresse par l’équipement. Ils cherchent un raccourci : à défaut de passer des heures à s’entraîner, ils dépensent une fortune à la boutique du pro. En réalité, vous n’avez pas besoin du meilleur matériel pour être bon, et encore moins à vos débuts.
Utilisez ce que vous possédez déjà ou que vous pouvez trouver à bon marché, et lancez-vous. Oubliez l’équipement ; l’important est de jouer de votre mieux avec ce que vous avez. Votre son est dans vos doigts. »

Note : c’est un conseil applicable à n’importe quel consommateur ; on a souvent trop tendance à voir dans l’achat une espèce de miracle qui va s’accomplir maintenant qu’on a l’objet. Comme cette fameuse attitude d’acheter un équipement pour le sport pour enfin s’y mettre : c’est de la pure pensée magique, étant donné qu’on n’a besoin de rien pour commencer à faire du sport.

 

« Évitez les faux consensus »

[ou comment en finir avec l’abstraction]

 

« Le monde des affaires croule sous des monceaux de paperasse qui ne sont qu’une perte de temps. Tous ces rapports que personne ne lit, ces diagrammes que personne ne regarde, ces spécifications qui ne ressemblent jamais au produit fini prennent un temps fou à préparer… et s’oublient en quelques secondes.
Les abstractions (comme les rapports et autres paperasses) sont problématiques parce qu’elles donnent lieu à de faux consensus. Cent personnes qui lisent les mêmes mots peuvent s’imaginer une centaine de choses différentes. Voilà pourquoi il est si important d’arriver à du concret dès le début: c’est là qu’on saisit vraiment de quoi il s’agit. Lorsque 100 personnes lisent la description d’un individu, chacune s’en fait une image différente, mais dès qu’elles voient cet individu, toutes savent exactement de quoi il a l’air. »

Note : l’abstraction est un poison en entreprise. Les chiffres peuvent rassurer les décideurs, leur faire croire que tout est sous contrôle, or les chiffres sont strictement muets, ils ne donnent qu’un indicateur très peu fiable de la réalité. Par exemple, un conseiller bancaire peut avoir des chiffres exceptionnels, mais dans la réalité être un de ces vendeurs commandos qui forcent à la vente les clients, clients qui se sentent après coup dupés et qui ne seront jamais plus fidèles à la banque. C’est pourquoi le benchmark (comparaison des performances) est une catastrophe et devrait être mis au rencard, car il donne une vision mensongère de la réalité, oriente la réalité et finalement instaure une loi du harcèlement institutionnalisé qui pousse au suicide.

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7 Commentaires

  1. c’est un peu hors sujet…encore que!
    ceux qui se désolent du chômage savent-ils que celui-ci
    est totalement voulu ? si vous avez des doutes, tapez
    « nairu » sur google, lisez quelques articles se rapportant à ce fameux nairu, et dites-m’en des nouvelles!

  2. « s’il y a une idée à retenir, c’est bien celle-là. La planète, la société se porteraient mieux si cette idée de croissance se calmait et que les entreprises et autres institutions comprenaient que tout a des limites. »

    Il ne faut pas qu’elle se calme, il faut qu’elle stoppe!
    La croissance n’a pas d’autre source que la finance.
    La finance est basée sur la croissance et l’économie suit.

    Stoppez la finance basée sur la dette et vous stoppez du même coup tout « besoin » de croissance.

  3. Cet article est une vision Bobo de ce qu’est le travail.
    Le temps que vous passez au bureau, les filtres photoshop.

    Oui, bon…

    Alors dans ce contexte Bobo, on peut être moins Bobo que les concurrents?

    On ne parle encore une fois pas du principe même du travail !

    Il ne s’agit pas d’optimiser une « affaire » dans un contexte économique donné ! Mais de se poser la question primordiale: Est-ce utile à l’humanité?

    Sans répondre à cette question, toute agitation et pseudo-réflexion est inutile.

    • Est-ce utile à l’humanité?

      bien sur non..
      ça lui a été néfaste en bien des points d’ailleurs!

      en court:les signes extérieurs de richesse et l’extrême pauvreté insignifiante

  4. Étymologie:

    De l’ancien français travail (« tourment, souffrance ») (XIIe siècle),
    du bas latin (VIe siècle) tripálĭus du latin tripálĭum (« instrument de torture à trois poutres »).

    « Partout où l’homme apporte son travail, il laisse aussi quelque chose de son coeur.  »

    Henryk Sienkiewicz

  5. Quand j’étais jeune et con, je disais : « Il faut travailler juste pour boire, manger, baiser et dormir. ».
    Ensuite je suis devenu adulte con, petit entrepreneur, et j’ai bossé comme un esclave pour gaver la pourriture qui veut nous exterminer.
    Maintenant que je suis vieux et con, je reviens à : « Il faut travailler juste pour boire, manger, baiser, dormir, mais surtout acheter une Kalach et flinguer tous les parasites qui nous volent et nous méprisent. »
    Sinon, ils nous feront massacrer, l’épuration ethnique est en route.
    Bon courage…

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