Fukushima, 3 ans plus tard

Dans son article « Fukushima : Trois ans plus tard », Toshio Nishi, chercheur attaché à la Hoover Institution de l’Université de Stanford, rappelle que le Japon est toujours au bord de la catastrophe nucléaire. Nul ne semble savoir comment se débarrasser de l’eau contaminée, le gouvernement n’a de cesse de vouloir redémarrer les réacteurs arrêtés et de vendre à l’étranger la technologie nucléaire japonaise et les risques des concentrations de strontium récemment découvertes ne font que s’ajouter à ceux du césium dont on parle depuis le début. La question de savoir si le Japon a tiré la moindre leçon de la catastrophe se pose effectivement.

Fukushima : Trois ans plus tard

Toshio Nishi

Article de Toshio Nishi paru sous le titre original « Fukushima: Three Years Later » le 13 mars 2014 sur le site Defining Ideas et repris le 17 mars sur le site Finding the missing link.

Traduction française : Odile Girard (Fukushima-is-still-news)

Le Japon qui continue de frôler la catastrophe nucléaire, a-t-il tiré la moindre leçon de l’accident de Fukushima ?

Quand en 2011 le pire séisme de toute l’histoire japonaise a pulvérisé la côte nord du pays, des murailles d’eau salée surgies des profondeurs du Pacifique ont déferlé sur quatre des six réacteurs nucléaires situés sur la côte de Fukushima. Quoique conçus pour résister au pire séisme imaginable le long de la Ceinture de feu, les réacteurs ont rapidement succombé aux assauts de cette catastrophe naturelle et se sont brisés comme des jouets. Pour être précis, trois des réacteurs ont fondu immédiatement, ou pour être parfaitement exact, le cœur a fondu et transpercé la cuve. Le réacteur n° 4, quant à lui, a été totalement dévasté, créant des risques de catastrophe supplémentaires. Les deux autres ont simplement arrêté de fonctionner. En l’espace de quelques heures, l’un des réacteurs ayant subi une fusion a explosé, projetant son poison radioactif dans les airs, le sol, les eaux souterraines, et de manière constante, dans l’Océan pacifique. Quelque 18 500 âmes ont péri en ce jour glacial de mars. Beaucoup de victimes n’ont toujours pas été retrouvées.

 Trois ans plus tard, la  sombre menace d’une autre tragédie est suspendue au-dessus de Fukushima : au quatrième étage du réacteur n° 4 – c’est-à-dire celui qui a explosé le premier jour – il reste 1 331 barres de combustible usé entreposées dans de l’eau de refroidissement dans une grande cuve en acier. La piscine, secouée par le séisme, penche d’environ 30 degrés. Les six réacteurs de Fukushima ont produit 14 225 assemblages de combustible usé qui sont tous stockés de la même façon pour chaque réacteur. Pour donner une idée du potentiel de létalité de la situation, rappelons qu’une seule barre de combustible usé, qui mesure 4 mètres de long sur un centimètre de diamètre, est capable de tuer un homme en quatre secondes. (1)

 Pourquoi ces barres – alors qu’il y en avait tellement – ont-elles été stockées en haut des réacteurs ? Quel ingénieur de General Electric a bien pu concevoir une telle innovation ? Fut-elle inspirée par un souci de rapidité, d’économie ou reflète-t-elle une attitude d’arrogance démesurée vis-à-vis de la force de la nature ?

 Parmi les responsables de la centrale, personne ne veut parler de cette piscine qui est pleine à ras bord d’éléments susceptibles de se transformer en un cauchemar inimaginable. Par miracle, la piscine ne s’est pas encore écroulée. Mais la prochaine grosse secousse ou l’usure du métal pourraient signifier la fin de la vie partout aux alentours. En cas d’effondrement, la zone métropolitaine du grand Tokyo, et les grandes villes avoisinantes comme Yokohama, qui comptent une population d’environ 33 millions, pourraient devenir un vaste désert où nul ne voudrait plus habiter. Il s’ensuivrait un exode de populations paniquées qui tenteraient de quitter un archipel dont la superficie n’atteint même pas celle de l’État de Californie.

 Trois ans ont passé depuis la fusion totale qui continue de contaminer tout ce qu’elle touche. Durant tout ce temps, des particules invisibles et sans odeur dont on peut difficilement estimer les conséquences descendent sur la région à chaque fois qu’il pleut ou qu’il neige. Le 8 février 2014, Tokyo a connu les plus fortes chutes de neige depuis 45 ans.

 Les habitants de Fukushima ont depuis longtemps déserté leurs maisons, leurs fermes et leurs usines, abandonnant les chiens, les chats et tous les animaux domestiques, chevaux, vaches, porcs et poulets. Ceux-ci sont aujourd’hui devenus sauvages et se multiplient. Des forêts de bambous tenaces ont pris la place des rizières fertiles et des jolis vergers. Les personnes âgées qui ont fui vers les montagnes continuent à mourir de maladies et de stress liés à leur déplacement forcé et aux effets médicaux de la fusion des réacteurs. Le nombre des nouvelles victimes se monte à 14 000, selon le gouvernement. En tout, 160 000 habitants ont fui la région et n’ont pas le droit de rentrer chez eux.

 L’horreur de Fukushima, dont on ne peut imaginer la fin, figure rarement dans les médias de masse nationaux. Longtemps après la catastrophe, la communication concernant tout ce qui touche à Fukushima continue à souffrir d’un déni délibéré, ce qui est très inquiétant. Les Japonais se sont mis à lire le New York Times, le Wall Street Journal ou le Guardian pour évaluer la mesure de la catastrophe qui les frappe. Mais combien de Japonais peuvent lire un anglais d’un tel niveau ? Et pourquoi devraient-ils le faire quand le Japon dispose d’un des systèmes de médias de masse les plus avancés du monde ? Nous avons bien été obligés de nous poser la question : nos médias ont-ils des relations un peu trop confortables avec Tokyo Electric et le gouvernement Abe qui promeut l’énergie nucléaire, omettant de ce fait de publier les nouvelles alarmantes de la catastrophe ? La réponse à cette question rhétorique semble aller de soi.

 Ce n’est que relativement récemment que de terrible nouvelles ont commencé à être diffusées par intermittence au Japon, comme si tout le stress émotionnel refoulé par la nation ne pouvait plus être contenu. On pense ici à l’incroyable confession de Tokyo Electric Company admettant que les réacteurs fondus avaient laissé fuir de l’eau contaminée depuis le premier jour de la catastrophe. L’entreprise a ensuite expliqué pourquoi elle avait tant tardé à publier des informations aussi accablantes : le poison s’était logé au fin fond des eaux souterraines cachées sous les réacteurs. L’entreprise est-elle vraiment incompétente au point de ne pas s’en être rendu compte immédiatement ou bien est-elle remarquablement habile à cacher l’évidence ? De même qu’une passoire en bambou ne saurait retenir l’eau, les efforts pour maîtriser le flot des informations importunes se sont révélés inefficaces.

Comment se débarrasser de l’eau contaminée

 Ni le gouvernement japonais ni Tokyo Electric ne savent comment se débarrasser de l’eau radioactive qui représente aujourd’hui un volume de 500 000 tonnes. Autrement dit 400 tonnes par jour, jour après jour. Cette eau a été utilisée pour refroidir les réacteurs. Pire encore, les eaux souterraines en provenance des montagnes avoisinantes, soit quelque 1 000 tonnes par jour, coulent sous les réacteurs fondus et doivent être pompées et stockées avant de pouvoir s’écouler à leur guise dans les rivières et dans le Pacifique.

 Une partie de cette eau toxique est stockée dans une piscine souterraine, remplie à ras bords, et le reste est entreposé en surface dans de grandes citernes d’acier sur le site de la centrale. Les joints de ces citernes spéciales n’ont pas été soudés, mais vissés. Pourquoi n’ont-ils pas été soudés ? En août 2013, le fabricant des citernes a expliqué qu’il avait dû les faire « rapidement et à bas prix, parce que Tokyo Electric [lui] avait demandé de se dépêcher et de ne pas dépenser trop d’argent. »

 Certaines citernes ont commencé à fuir à cause de la température élevée de l’eau elle-même qui fait fondre les joints et, selon Tokyo Electric, suite à la chaleur inhabituelle de l’été dernier. Comme le refroidissement des trois réacteurs totalement fondus nécessite un flux constant de larges quantités d’eau, il faut sans cesse de nouvelles citernes. Fukushima a besoin de toute urgence de plus d’espace de stockage ou mieux encore, de citernes plus grandes pour recueillir 450 000 tonnes de plus dans les deux années à venir. Les réacteurs fondus devront être refroidis pendant encore au moins 20 ans. Étant donné qu’il n’y a pas suffisamment d’espace de stockage pour ces citernes autour des réacteurs de Fukushima, le gouvernement va-t-il faire jouer son droit d’expropriation pour acquérir des terrains privés au nom de Tokyo Electric ? Si le gouvernement achète ou saisit des terrains privés, les habitants de Fukushima pourraient se révolter.

 Tokyo Electric a un autre problème, plus primaire : une horde de rats affamés. L’an dernier en 2013, l’électricité indispensable pour pomper l’eau de refroidissement a été brutalement coupée, provoquant la panique à Fukushima. Des recherches frénétiques pour trouver la cause de la coupure ont abouti à la découverte d’une boîte de circuit électrique en bois de mauvaise qualité qui contenait des fils entremêlés. La boîte avait été négligemment clouée sur un poteau de bois pour rediriger l’électricité vers les pompes de refroidissement si importantes. Un rat avait rongé les gaines des câbles électriques et s’était électrocuté. Le rat a fait la une des médias en mars 2013. Un mois plus tard, dans une autre boîte en bois, un autre rat suicidaire s’est attaqué aux gaines et a une fois de plus provoqué l’arrêt d’une alimentation électrique pourtant vitale.

 La situation liée à l’eau contaminée n’est pas encore tout à fait sans issue, car l’Autorité de réglementation nucléaire [la NRA] a trouvé une solution : « Chaque goutte d’eau contaminée n’est pas immédiatement dangereuse pour notre santé ; l’eau qui est moins radioactive devrait et doit donc être relâchée en mer, dans l’Océan pacifique. » Dans le même temps, de façon intentionnelle ou pas, de l’eau contaminée s’est écoulée dans le Pacifique depuis le premier jour de la fusion des réacteurs, une réalité que Tokyo Electric a continué à nier jusqu’à récemment.

Mais tout inquiétant que ce soit, tout cela n’est rien par rapport à ce qui a été découvert dans un puits d’observation près du réacteur n°3. Le 11 juillet 2013 en effet, Tokyo Electric a mesuré au fond de ce puits de 30 mètres une concentration de césium  absolument choquante, un million de fois plus létale que le niveau acceptable fixé par la NRA.

 L’eau radioactive reste active pendant des centaines d’années. Le plutonium, produit en abondance dans les réacteurs, reste mortel pendant 25 000 ans. Le démantèlement des réacteurs fondus de Fukushima lui-même prendrait plus de 50 ans et coûterait plus de 30 milliards de dollars. Et l’évaluation est optimiste. Mais le peuple  japonais, vu la désinformation qui règne sur les véritables dangers potentiels de Fukushima, a développé une forme d’amnésie collective, un mécanisme de compensation qui l’aide à vivre avec une sorte de résignation profonde vis-à-vis de l’avenir sombre qui attend le pays.

Lire la suite sur le site source : le blog de Fukushima

20 Commentaires

  1. Ca semble si calme, sur l’image… Putain de société dont on a hérité n’empêche. La plus belle planète, à n’en point douter, de tout l’univers, et la solution sociétale la plus laide qu’on aie pu imaginer créer autour de l’argent…

    C’est triste. D’autant plus que ce n’est que le reflet de la pointe de l’extrémité visible de l’iceberg…

    • +++++homosapiens super destructor court à sa perte vitesse grand V

    • Nos chère journalistes Français sont muets comme des carpes sur Fukushima, il y aurait pas mal de sujet à publier pourtant.Ils ne sont pas aussi libre que sa. A la place ils nous soûlent en parlent tout le temps de politique.
      L’industrie nucléaire voudrait que les Français oublient Fukushima mais c’est une illusion car on cherchera toujours à savoir ce qui se passe là-bas.Et si les piscines s’écroulent ou explosent ils ne pourront plus rien cacher.

  2. Fukushima 3 ans après, rétrospective.

    http://www.youtube.com/watch?v=OMjDs9AawiM

    Revenons-en à la Vie – C.Kaneko Fairewinds 10.04.14

    http://www.youtube.com/watch?v=eIP5Z-hbSUQ

    ♥♥

  3. HIROSHIMA : 65 ans après l’explosion de la bombe H et DETROIT USA 65 après l’explosion d’aucune bombe.

    Voyez vous-mêmes…

    http://www.lactualite.com/blogue-de-jean-francois-lisee/les-images-hiroshima-vs-detroit/

    • Tu te fou de nous avec des images insipides..
      Ou sont les gents ??.
      après 30 ANS ,Tu désinformes et n’est aucunement responsable vus tes post Anti DIEUDO etc,avec toi on s’habitue pour le pire..

      • Ah!
        Vexé le RTBille!
        T’as été augmenté?

        Tu te trompes de personne, celui qui démolit Dieudo, c’est d’abord lui-même sur les vidéos où il prône la charia,
        incite les chrétiens à rejoindre l’islam et encense le régime Iranien, il y montre enfin son vrai visage
        et ce n’est pas moi qui les ai mises en ligne ces vidéos, c’est Tarzan…

        Je comprends que ça t’ennuie qu’il dise ça,
        c’est comme pour L Louis qui s’allie avec les pro-charia…
        Ça t’avait fortement contrarié aussi,
        mais je ne suis pas responsable des actes et propos de ces messieurs,
        trouve-toi donc qqn d’autre à insulter pour épancher ta déception.

    • Hiroshima a l’heure actuel tue encore Itsmie.

      J’ai de bien plus jolie image d’Hiroshima si tu veux.

      Le cout du projet manathan sauverai a lui seul la situation économique de D3.

      • Bien sûr que tout n’est pas résorbé mais Hiroshima est une superbe ville moderne.
        Tout a été reconstruit, le site n’est absolument pas abandonné comme on pourrait le croire.
        Les seules images d’Hiroshima que les gens ont en tête ce sont des ruines alors que ce n’est pas du tout ça!

        Par contre ceux qui ont démoli Hiroshima pourraient se retrouver dans un pays en ruine qq dizaines d’années plus tard…
        C’était juste ça le sujet de mon post…

        • C’est plus clair comme ça^^

          Je ne savais pas qu’il ont développés Hiroshima comme cela.
          Au final la comparaison Japon/Us est intéressante, le gouvernement américains est nuisible pour eux comme pour les autres.

          Mais pour les autres sa va mieux.Enfin non, la vidéo en haut dis que non. Mais pas a cause des américains, cette fois c’est leur erreurs.

          Merde quoi le japon n’aurais jamais du ce mettre au nucléaire quoi. Une petite ile de rien du tout au milieu du pacifique. Près d’une faille sismique majeur…

          Et ils veulent rallumer les centrales…
          Oulala vite faite vous un Hara-kiri mutuel Tepco .

  4. Merci Lecteur pour la vidéo D’1H30 !

    Perso j’ai tenue 16 minute ( les cris de détresse son dur a entendre…) ! La désinformation de TEPCO est juste incroyable, completement fou même !

    Comment ne pas etre bouleversé par leur situation ?

    Moin d’une semaine après le seisme, les medias américains on retrouver dans les filtres a air de voiture a Tokyo. 1000 fois la dose supporter par le corps en Césium 135. (Voir la vidéo)

    On a tellement de chance, meme si les fin de moi son dur pour nous.Meme si on est poursuivie en justice pour la création d’un blog d’information. Meme si des avions nous crache de l’alu pour nous sauver du climat on est chanceux.

    Il faudrait faire un collecte pour envoyer Itsmie au japon…
    Il nous ramenerai de bien belle photos^^
    Et quand il perdera ces cheveux…

  5. tu m’étonne qu’ils ont dit aux gens qu’il pouvaient revenir habiter leurs maisons de toute façon ils creveront quand meme d’un cancer. Quel folie ce nucléaire, et dire qu’ils ont appatter les gens en disant que ca serait l’énergie pas cher et moins de pollution que les centrales à charbon…
    Ecoutez cette chançon des Zoufris maracas, tout simplement géniale
    http://www.youtube.com/watch?v=Zk6m5nXjcEY

  6. Fukushima Daiichi, quelques nouvelles d’une
    catastrophe toujours en cours…
    http://www.criirad.org/actualites/dossier2011/japon_bis/pdf/fukushima-janvier2014.pdf

  7. L’avantage avec les marées noires c’est que le pétrole on le voit… On sait au moins à quoi s’en tenir.
    Combien de tonnes de pétrole déversées dans le golfe du Mexique et combien de tonnes d’eau radioactive déversées dans le Pacifique ? c’est juste pour se faire une idée…

    • Ouai… Mais comme tout fout le camp, même le pétrole du Golfe du Mexique on ne le voit pas, l’essentiel de la pollution est un lourd qui est resté scotché en tapissant le fond marin et… en le stérilisant au passage !

  8. les officiels Japonais reconnaissent une attaque de HAARP.
    https://www.youtube.com/watch?v=PkEbfn2Eyns#t=53
    info en Français via
    http://presselibreinternationale.com/

  9. 3 ans plus tard,j’ai acheté des boites de thon,de maquereaux et des sardines

    n’oubliez pas !
    c’est mardi le jour du soleil Vert,
    barre énergétique fabriqué grâce aux plancton des mers et océans du monde.

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