L’affaire Cahuzac va-t-elle faire boule de neige sur tous les pourris ?

Pierre Condamin-Gerbier, ancien cadre de l’établissement financier suisse Reyl et ex-représentant de l’UMP en Suisse, a été entendu jeudi à l’Assemblée nationale par le rapporteur socialiste du projet de loi contre la fraude fiscale. L’ex-banquier dit avoir des preuves selon lesquelles une quinzaine de responsables politiques ont pratiqué l’évasion fiscale.
L’homme affirme détenir une véritable bombe politique : « Il y a d’autres Cahuzac, à gauche, comme à droite »

Le témoignage de Pierre Condamin-Gerbier à France Inter

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Extrait :

« − Jérôme Cahuzac n’est pas le seul homme politique à avoir déposé de l’argent non déclaré au fisc en Suisse ?

C’est certain.

− Qu’est-ce qui vous permet de l’affirmer ?

18 ans d’expérience ! Il y a des Cahuzac à droite, il y a d’autres Cahuzac à gauche. Il y a des Cahuzac sur l’ensemble de l’échiquier politique.
Il y a des Cahuzac qui sont liés non pas simplement à un « simple » enrichissement personnel, mais il y a aussi des Cahuzac qui ont été utilisés par des systèmes, par des partis, par des réseaux. À gauche comme à droite.

− Pour du financement politique ?

Incluant du financement politique.

− Ça vous paraît particulièrement choquant ?

Bien sûr que ça me parait choquant. On peut avoir un jugement moral sur les gens qui ne déclarent pas leur actifs et les cachent à l’étranger, mais dans la plupart des cas, ces gens là ont « l’honnêteté intellectuelle » de rester discret, en tous cas, de ne surtout pas donner des leçons et de rentrer dans le : « Faites ce que je dis, pas ce que je fais. » Là où c’est scandaleux dans le cas de politiques, c’est que ce sont censés être des représentants de la nation, de la République, qui, encore une fois, demandent beaucoup d’efforts, donnent beaucoup de leçons, et quand évidemment ils font tout autre chose, à titre personnel ou au titre de leur parti, ça devient totalement insupportable. Tous établissements confondus il y a certainement plusieurs dizaines d’hommes et de femmes politiques de gauche et de droite français détenant, au ayant détenu, des actifs, ou ayant porté des actifs non déclarés pour d’autres, en Suisse et ailleurs, partout où on a pu trouver les mêmes avantages qu’en Suisse.

− Sur des places off-shore ?

Sur des places off-shore, oui.

− Pourquoi dites-vous que si les investigations progressent dans cette affaire, on peut découvrir « un vrai secret d’Etat », « un vrai scandale républicain » ?

Si effectivement les questions sont bien posées, et que l’on a des gens du côté français comme du côté suisse qui décident de travailler main dans la main sur ces questions, on s’apercevra qu’il n’y a pas qu’un Jérôme Cahuzac. Ce n’est pas juste le mensonge d’un homme. C’est le mensonge d’un système.

− Un système politique ?

Le groupe Reyl et Compagnie, devenu une banque en 2010 © Benoit Collombat
D’un système politique, oui. Maintenant pour qu’on soit aussi très clair, il ne faut pas, non plus, tomber dans l’autre extrême qui est celui du : « Tous pourris. » Il y a énormément d’hommes et de femmes politiques qui n’ont pas du tout recours à ces pratiques. Le but ce n’est pas de jeter l’opprobre général, mais d’être conscient que, néanmoins, à un très haut niveau, et surtout au sommet de la pyramide, ces pratiques ont existé et continuent d’une certaine façon d’exister. Il n’y a pas qu’une motivation fiscale, il y a d’autres motivations du secret qui sont tout à fait détestables.

Finalement, ce ne sont pas les affaires de Monsieur Cahuzac qui sont explosives, ce sont les réseaux communs à beaucoup de ces affaires que l’affaire Cahuzac est en train de soulever. Ce sont les pratiques, les techniques, l’hypocrisie. Ce sont des acteurs qui jouent « les vierges effarouchées » sur les ondes et les écrans de télévision en France, qu’on retrouve « les mains dans le pot de confiture. » C’est en cela que cette affaire Cahuzac est un scandale d’Etat. Non pas parce qu’il s’agit spécifiquement de Monsieur Cahuzac ou que derrière il y a tel ou tel établissement, mais parce qu’on a maintenant sur la table, à la lumière, une pratique dont on s’aperçoit que, contrairement à ce que tout le monde nous a dit, à gauche comme à droite, n’est pas la pratique d’un homme mais la pratique d’un système.

− Est-ce que certaines personnes vous ont conseillé de vous taire ?

Beaucoup de gens m’ont conseillé de me taire, en me disant que ce n’est pas à moi de parler, que ça peut m’amener des problèmes et que ça peut interférer dans ma carrière. Mais à un moment donné, il faut choisir. J’ai aussi envie quand je me regarde dans la glace le matin, ou quand je regarde ma petite fille, d’être en paix avec ma conscience de citoyen.

− Vous avez été menacé ?

Bien sûr.

− C’est-à-dire ?

Vous avez des gens qui interrompent des conversations dans le cadre de projets personnels ou qui vous font passer des messages (jamais eux même directement, courageux mais pas téméraire !), par l’intermédiaire de journalistes, de connaissances communes…

−Quel genre de message ?

On vous fait savoir que vous pourriez avoir une ribambelle de poursuites judiciaires. On pourrait vous fermer beaucoup de portes. Il pourrait arriver des choses à vous-même ou à votre famille… « 

 

Son audition au Sénat le 12 juin dernier

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