La BnF accusée de privatiser des oeuvres du domaine public

La Bibliothèque nationale de France a passé des accords avec des sociétés privées pour numériser 70 000 livres et 180 000 disques. Elle est accusée de privatiser et de commercialiser le domaine public. Polémique.

La BnF accusée de privatiser des oeuvres du domaine public
La BnF est sous le feu des critiques pour deux partenariats public-privé concernant la numérisation de ses fonds. REUTERS/Charles Platiau

Dans un communiqué de presse daté du 15 janvier 2013, le Ministère de la Culture et la Bibliothèque nationale de France ont annoncé avoir conclu deux partenariats avec des entreprises privées afin de numériser et valoriser 70 000 livres anciens et 180 000 disques. Les oeuvres concernées par ces accords relèvent en partie du domaine public, et leur exploitation commerciale exclusive pour 10 ans par les entreprises partenaires, prévue par ces accords, suscite de vives réactions: l’Association des Bibliothécaires de France (ABF) s’inquiète ainsi des conditions d’accès aux contenus numérisés, demande la publication des accords et « la suppression de toute clause réduisant la communication des oeuvres concernées à une prestation marchande ».

Le premier partenariat, conclu avec la société américaine ProQuest, éditeur de bases de recherches historiques et culturelles, concerne la numérisation de 70 000 livres anciens datant de 1470 à 1700. Sur ce nombre, seuls 3500 ouvrages choisis par la BnF seront immédiatement accessibles sur Gallica, la bibliothèque numérique française. Le second partenariat, passé avec la société française Believe Digital associée à la société belge Memmon, concerne la numérisation et la valorisation de 180 000 disques 78 et 33 tours, pour la plupart soumis à des droits, et dont seuls des extraits seront disponibles dans Gallica.

Privatisation?

Disposant pour dix ans des droits exclusifs de diffusion des contenus numérisés, les partenaires pourront les commercialiser. Pour Philippe Aigrain, dirigeant de Sopinspace (Société pour les espaces publics d’information) il s’agit d’une expropriation et d’une privatisation du domaine public. Si l’accès gratuit au contenu demeure possible sur le site même de la BnF, il sera cependant payant pour la plupart des institutions culturelles françaises et étrangères, comme pour les particuliers qui ne pourraient se déplacer à la BnF. Pourtant, comme le rappelle sur Actualitte.com le blogueur juriste Calimaq, le Comité des Sages de l’Union européenne recommande que les oeuvres du domaine public ayant fait l’objet d’une numérisation dans le cadre d’un partenariat public-privé soient accessibles gratuitement dans tous les Etats membres de l’Union européenne.

La réponse du gouvernement

Bien que le détail des accords n’ait pas encore été rendu public, le Ministère de la Culture affirme que ces partenariats, passés dans le cadre du Grand emprunt, permettront de revoir à la baisse l’investissement public et d’engranger des revenus pour BnF-Partenariats. Selon Bruno Racine, président de la BnF, la numérisation des 70 000 livres anciens sans partenariat aurait pris 25 ans. Il ajoute que les deux tiers du coût de la numérisation des livres seront assumés par ProQuest, et qu’il est par conséquent « logique qu’en contrepartie, et pendant une période donnée, ils puissent rentrer dans leurs frais ».

Dans l’air du temps

Par temps de crise, il semblerait que le partenariat entre organisme public et entreprise privée soit une option appréciée. C’est ainsi qu’en 2011, la British library avait annoncé un partenariat avec la firme américaine Google concernant la numérisation de plus de 250 000 livres. Il est vrai que dans le cas de cet accord, comme de celui passé par Google avec la bibliothèque de Lyon, les documents numérisés doivent être mis à la disposition du public. Avantage Google?

Source: lexpress.fr

Les commentaires sont clos.