Source de l’image: Gaz-de-schiste.fr
Encore une preuve, s’il en fallait, du poison que représente ce gaz de schiste dont on continue, envers et contre tout de nous faire croire que c’est « la » solution économique en terme d’énergie.
Canada : 600 puits abandonnés sont laissés sans surveillance… et fuient !
Des citoyens et des écologistes pressent le gouvernement du Québec de prendre ses responsabilités face aux 600 puits de gaz abandonnés à travers la province, dont une majorité émettraient toujours d’inquiétantes quantités de méthane.
Des regroupements citoyens contre l’exploitation du gaz de schiste et l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) ont convié hier les médias autour d’un forage abandonné à Sainte-Françoise, dans le Centre-du-Québec. Le puits de gaz naturel, foré dans les années 70, n’est plus en opération depuis belle lurette, mais il émet toujours du méthane. Quand on y frotte une allumette, une flamme puissante s’en dégage. Le militant Serge Fortier a même démontré qu’une feuille de papier pouvait prendre feu par la simple combinaison de la chaleur et des émissions de gaz au sol.
Le porte-parole de l’AQLPA, André Bélisle, somme le gouvernement à mettre sur pied une équipe d’inspecteurs pour analyser l’ensemble des puits abandonnés au Québec et d’en identifier les plus polluants.
À l’heure actuelle, impossible de connaître précisément l’ampleur des émissions de gaz qui s’échappent des puits de gaz et de pétrole laissés à l’abandon par l’industrie.
Seuls les 31 puits creusés par fracturation hydraulique dans les dernières années ont été étudiés par le ministère de l’Environnement. De ces 31 puits, 19 auraient besoin d’être colmatés, rapporte M. Bélisle.
Le problème, rappelle-t-il, est que «la très grande majorité» des 600 puits orphelins laissent échapper du méthane, un gaz 36 fois plus dommageable pour l’environnement que le gaz carbonique selon les dernières données du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.
Le méthane associé aux gisements de gaz de schiste risque au surplus de polluer les nappes phréatiques, martèle André Bélisle.
Le laxisme du gouvernement dénoncé
L’écologiste dénonce le laxisme des gouvernements qui se sont succédés depuis 2010, alors que le gaz de schiste suscitait la convoitise de l’industrie gazière. Même si l’exploitation du schiste est au neutre au Québec, M. Bélisle plaide qu’«il y a urgence à réduire nos émissions de gaz à effet de serre. On ne peut pas juste fermer les yeux sur un historique [de puits] en se disant que ça équivaut à des pets de vache. C’est un gros troupeau, quand même, 600 puits ou forages.»
M. Bélisle fait référence à la «vieille farce» de l’ancienne ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, qui avait affirmé que les émissions de gaz des puits forés au Québec avaient le même impact qu’un «pet de vache».
«D’une certaine façon, elle était dans le champ, comme les vaches. D’une autre façon, elle avait raison, parce que les vaches émettent du méthane quand elle pètent», a lancé hier André Bélisle.
«Le gouvernement a traité ça comme des pets de vache. Il s’en foutait, on nous disait « Il y a rien là ». En bout de ligne, c’est le contribuable qui va payer pour. Quand on comptabilise les problèmes liés au réchauffement planétaire, ce n’est pas juste la calotte glaciaire dans le pôle Nord. Les problèmes de réchauffement climatique sont extrêmes et causent plus de dommages ici-même chaque année», a-t-il poursuivi.
En plus d’une analyse poussée des puits et forages, l’AQLPA demande au gouvernement d’abandonner définitivement la filière du gaz du schiste.
Source © La presse.caTrouvé sur Les Brindherbes
Ben oui ça fait des mois que Marc Durand en parle. Par exemple dans cette interview (c’est un peu long, mais je ne me souviens plus où je l’ai trouvée):
A noter qu’il emploie le terme exact de roche-mère et non de
schiste.PORTRAIT & INTERVIEW DE MARC DURAND Ingénieur-géologue, chercheur
indépendant dans le dossier des hydrocarbures de roche-mère
PORTRAIT
En 1968, il obtient son diplôme d’ingénieur-géologue à l’école Polytechnique de Montréal.
Suit une maîtrise, puis un diplôme d’ingénieur de la section spéciale de Géotechnique à
l’Ecole Nationale de Géologie Appliquée à Nancy. Suit une thèse sur la géomécanique des
shales, marnes et argiles du Trias, de multiples participations à diverses associations
professionnelles, une activité de recherche et d’expertise sur les grands travaux d’infrastructure
dans l’île de Montréal, le métro ou le stade olympique entre autres. Sa connaissance des shales
lui a valu d’être nommé témoin-expert lors du forage de tunnels dans ces roches très
particulières. Mais surtout, pendant 25 ans, il a enseigné sa spécialité à l’université du Québec
à Montréal.
Après 25 ans de bons et loyaux services, il a quitté l’université pour une activité d’expert
indépendant, et se consacrer à la bataille contre l’exploitation des shales gazéifères et le
pétrole de roche-mère dans l »île d’Anticosti. Son action consiste à informer les citoyens du
Canada et d’ailleurs : conférences et téléconférences, vidéos, communications et articles. Au
cours des trois dernières années, il a été invité plus de 40 fois au Canada, en France ou en
Pologne. Il collabore avec l’ADSENE depuis sa création en 2011. Son expertise et la netteté
de son propos éclairent chaque fois un débat où la désinformation, trop souvent, tient lieu
d’argument.
INTERVIEW
En deux mots, qu’est-ce que le schiste, et comment le bassin parisien est-il configuré?
Le « schiste » (ou « shale ») est une roche sédimentaire. Dans le bassin parisien ces strates
alternent avec d’autres types de strates sédimentaires dont l’âge est de quelques centaines de
millions d’années. Certaines formations contiennent des hydrocarbures, et présentent du
potentiel, sur le papier du moins, pour d’éventuels forages.
Marc Durand, vous avez pris position publiquement contre l’exploitation des
hydrocarbures de roche-mère. Quel est pour vous, le risque majeur de cette
exploitation?
Je ne suis pas parti d’un a priori pour chercher ensuite des justifications scientifiques. Je
connais la roche et la technique, et c’est pour cela que je m’y suis intéressé.
Sur la facturation hydraulique, le principal point litigieux c’est la très faible efficacité de cette
technique. Elle est de seulement 20 % pour les gisements de gaz de schiste et d ‘à peine 1 ou 2
%, 3 dans les meilleurs cas, pour les gisements d’huile qui sont récupérés grâce à la
fracturation. Malgré la fracturation artificielle, les micro gouttelettes ont beaucoup de mal à
rejoindre le forage. De plus, le débit de production chute très rapidement. Il n’y a que deux ou
trois années d’exploitation rentable, puis les puits sont abandonnés.
Ce qui m’inquiète, ce n’est pas tant le pétrole ou le gaz que l’on exploite, mais c’est de laisser
toutes ces fractures ouvertes avec 95 % du pétrole ou 80 % du gaz en place. On fait comme si,
une fois les ouvrages bouchés, ils pourront tenir éternellement. Mais on sait pertinemment que
cela est faux.
Sur tous les forages, l’industrie est incapable d’expliquer ce qu’il se passe au bout de 15, 20,
ou 30 ans. Ils ont des fuites. Ces problèmes sont connus, y compris sur les ouvrages
conventionnels. Les forages abandonnés libèrent des hydrocarbures et du méthane qui
contaminent les nappes phréatiques. L’industrie n’a aucune solution à offrir pour résoudre ce
problème inédit.
Le phénomène est-il similaire sur les puits avec une fracturation?
Pour les forages avec une fracturation hydraulique, le phénomène est beaucoup plus
important. On parle d’un rapport de un à mille entre les fuites observées sur un forage
classique et sur un forage avec fracturation. Les causes sont les mêmes, mais avec la
fracturation on modifie considérablement le milieu qui enfermait les hydrocarbures. On
augmente considérablement la perméabilité du volume complet d’une formation géologique et
on utilise des centaines voire des milliers de puits pour cela. Alors que dans un gisement
conventionnel, on modifie relativement peu le milieu. On fait un trou, qui descend sur
quelques milliers de mètres, puis on récupère la grande majorité du pétrole ou du gaz. Le
milieu demeure approximativement le même. Dans le cas de la fracturation hydraulique, on
enclenche un processus géologique, la migration du gaz ou de l’huile, sur une masse
considérable de roche qui va se poursuivre pendant des milliers ou des millions d’années. Rien
ne peut le stopper, c’est irrémédiable. Et quand le puits est abandonné, il reste encore 80 % du
gaz ou plus 95 % de l’huile. C’est totalement nouveau, et c’est précisément ce qui pose
problème.
Au Québec, un certain nombre de puits ont déjà été forés et fracturés. Comment se
comportent-ils?
Au Québec, les puits se sont développés dans une région patrimoniale, très habitée, entre
Montréal et Québec. On est venu faire une industrialisation, avec des camions, des tours, des
torchères, des derricks… Les gens se sont posés des questions. Les maires ont donné des
autorisations sans savoir ce que les compagnies demandaient précisément. Personne n’avait
entendu parler de la fracturation hydraulique avant et les autorités ignoraient qu’il fallait 800
camions citernes pour transporter l’eau pour une seule fracturation. Il y avait vraiment un
déficit d’expertise des autorités locales. Le problème, c’est que ce déficit se retrouvait
également au niveau des fonctionnaires gouvernementaux.
Il y a eu une pression populaire pour que le gouvernement aille faire des inspections. Sur les
31 puits forés, 18 avait été fracturés, et les deux tiers présentaient des fuites, malgré le fait que
ces puits soient neufs et en activité, et que les compagnies soient encore sur place.
Mais quand les puits sont, et seront, abandonnés, les fuites qui surviendront seront beaucoup
plus graves et beaucoup plus inquiétantes. Plus personne ne sera là pour les contrôler, et les
compagnies ne sont même plus responsables des puits après leur fermeture. Alors que c’est là
que les problèmes sérieux commencent.
L’industrie affirme que les possibilités de contamination des nappes phréatiques sont
très faibles. Les nappes sont situées à des milliers de mètres au dessus de la roche-mère
et seraient isolées par des couches imperméables. Qu’en est-il?
Ce qui est décrit là, ce sont les conditions naturelles. Dans le cas du Bassin parisien, on a des
couches très argileuses, très imperméables. Il y a d’autres couches, plus sableuses, plus
perméables. Et l’alternance fait un ensemble qui est peu favorable à ce que des fluides
remontent. Sauf qu’en forant et en fracturant on modifie ces conditions.
Les fuites sont inhérentes aux forages. Aux États-Unis, une étude montre que sur 25.000
puits, la moitié présentent des fuites. Les industriels expliquent que le méthane ou le pétrole
ne peut pas traverser les trois couches d’acier qui composent leurs tuyaux. Mais le problème
n’est pas là, le problème, c’est le coulis de ciment qui maintient le tuyau en place. Ce coulis est
très perméable. En fait, il est un million de fois plus perméable que la roche qu’il remplace.
Alors là où il fallait des milliers d’années pour que le méthane remonte, il ne faut plus que
quelques semaines après le forage.
Imaginez une baignoire en fonte. Elle est imperméable. Percez là de 20.000 trous et bouchez
les trous avec du plâtre. A la fin, qu’est-ce qui est important? L’étanchéité naturelle de la
baignoire en fonte ou la présence de 20.000 trous? Combien de temps cela tiendra-t-il? 5 ans?
10 ans? 15 ans?
L’industrie nous assure que des techniques propres peuvent être mises au point. Pensezvous
que de telles techniques verront le jour?
L’industrie fonctionne dans un cadre concurrentiel et réglementaire. C’est une industrie
d’extraction qui respecte des normes et qui cherche à maximiser ses profits. Les ouvrages
réalisés par les industriels sont optimisés pour sortir du pétrole. A la fin, il faut que l’ouvrage
soit utilisé pour la fonction exactement inverse. D’un ouvrage d’ingénierie qui extrait, on
voudrait passer à un ouvrage qui maintient sous terre le méthane et les hydrocarbures restant,
simplement en injectant un bouchon de béton sur une vingtaine de mètres. Ce n’est pas
sérieux.
Et comme je le disais, l’industrie n’est jamais responsable du suivi de l’ouvrage. Quand un
exploitant en a fini avec un puits, le sous-sol, donc le puits, retourne dans la propriété
publique. Il y a entre 50 et 150 millions de mètres cubes de roche rendue perméable qui
retournent dans le domaine public, sous la responsabilité de l’Etat. Ce qui signifie que les
problèmes seront gérés grâce aux impôts des citoyens. La compagnie, elle, a pour seule
obligation de restaurer la surface du sol.
La fracturation hydraulique est une vieille technique de l’industrie. Elle est utilisée dans
le conventionnel pour stimuler les puits ou dans la géothermie, sans que cela semble
poser de problème particulier. Pourquoi est-ce différent avec les hydrocarbures de
roche-mère?
C’est exact. Dans la géothermie, c’est la chaleur que l’on pompe et on utilise également de la
fracturation hydraulique. Sauf que la comparaison ne tient pas et est vraiment farfelue. Pour la
géothermie, il n’y a pas de forage dans des strates qui contiennent du méthane. Ça serait même
un facteur de risque très important ! Les types de roches fracturées sont complètement
différents, donc les effets sont également très différents.
L’IRIS (Institut de recherche québécois) a compilé des résultats de recherche qui
montrent que le rendement énergétique de l’exploitation du schiste est excessivement
faible. Avez-vous connaissance de cette étude, et que vous inspire-t-elle?
Cette approche est extrêmement intéressante. Je crois que c’est une des raisons pour s’opposer
aux gisements marginaux. Dans les années 30, avec les premiers puits de pétrole où le pétrole
jaillissait seul il y avait un rendement énergétique de 1:100.
Aujourd’hui, on est plutôt sur des valeurs de 1 pour 10 ou pour 15. Pour les schistes on
approche des valeurs entre 3 et 8 pour les meilleurs gisements. Cela indique en fait une
énorme pollution. Quand il faut brûler une tonne de pétrole pour en récupérer trois, il ne nous
en reste que deux pour notre consommation. C’est un coût énergétique et environnemental
énorme.
Peut-on parler de boom du schiste aux USA?
C’est un boom réel. Le débat aux USA est parti de la nécessité d’avoir une indépendance
énergétique. Les américains sont très sensibles à cette question, ils dépendent de régions du
monde plus ou moins stables pour s’approvisionner.
Cela dit, je doute qu’ils deviennent autosuffisants un jour. Les projections sont faites avec des
données fausses.
On a vu une courbe de croissance avec une multiplication des puits. Aujourd’hui on est à
70.000 puits. Sauf que l’on arrive à un pallier. Même avec les 140.000 puits, on ne doublera
pas la production, et la raison est assez simple : un puits n’est rentable que durant les trois
premières années d’exploitation.
On considère qu’il faut 60.000 nouveaux puits/an simplement pour remplacer la diminution
des débits de production dans les anciens puits. Sur dix ans, c’est donc 600.000 puits
simplement pour maintenir le débit de production de l’année 2012 en référence. Les
projections publiées ici ou là tiennent peu compte de cette réduction de la production des
puits.
C’est une industrie qui « court un peu après sa queue ». Il faudrait que ça soit toujours en
progression. Mais c’est impossible : il y a déjà des signes de plafonnement. Certains, avec des
visions plus pessimistes que moi, parlent d’une bulle spéculative, qui se dégonflerait d’ici trois
ou quatre ans.
Cette industrie est encore relativement récente. Dans le Dakota du Nord, elle n’a pas plus de
cinq ans. Et déjà, beaucoup de puits qui ont franchi le seuil de non rentabilité. On ne fait que
commencer à abandonner les puits les plus anciens, ce qui ne permet pas d’avoir une idée bien
précise des coûts qui seront liés à la gestion des puits à problèmes.
Le 25 octobre, vous serez à Saint-Cyr sur Morin, pour participer à un débat organisé
par l’ADSENE. Qu’attendezvous de ce débat?
J’ai beaucoup d’espoir. Je suis personnellement, disons étonné. Cela fait maintenant trois ans
que je questionne l’industrie sur la durée de vie des puits, sur la perméabilité des ouvrages, sur
les fuites, et je n’ai aucune réponse scientifique ou technique. L’industrie a d’énormes moyens,
donc on peut imaginer que des études ont été faites sur ces questions, mais aucune n’a été
publiée.
Je voudrais qu’on apporte des réponses techniques satisfaisantes. L’industrie se limite à mettre
en avant la création d’emplois et les autres retombées économiques ; jamais ils ne traitent des
questions sur l’étanchéité des ouvrages ou la pérennité des puits, qui pourtant représenteront
des coûts environnementaux et également des impacts économiques négatifs à moyen et long
termes.
On pourrait penser à l’existence d’une directive donnée à leurs géologues: ils ne s’avancent
jamais dans des discussions techniques sur les sujets controversés. Si on arrive à le faire en
France, ce sera une première, car dans le seul débat qu’on a tenté au Québec en juin 2012,
l’industrie n’a pas envoyé pour répondre à mes questionnements des spécialistes géologues ou
ingénieurs. Ce fut un débat entre moi et deux promoteurs qui a eu tendance à tourner assez
court.