Ce que les sanctions contre l’Iran coûtent à la France

L'élection du modéré Hassa Rohani à la présidence de l'Iran pourrait permettre aux entreprises françaises d'investir de nouveau le marché iranien.

Une euphorie contagieuse ? Si les iraniens fêtent l’arrivée au pouvoir du modéré Hassan Rohani, élu le 15 juin 2013, il pourrait en être de même pour la France, pays qui souffre en silence du déclin des échanges avec la République islamique. Soucieux de ne pas isoler l’Iran, le nouveau président laisse espérer une reprise des relations entre les deux pays. Quatrième partenaire commercial de la République islamique dans les années 2000, la France a chuté en 15ème position depuis la mise en place de sanctions européennes, onusiennes et américaines contre un éventuel programme nucléaire iranien à usage militaire. Nombre d’entreprises françaises ont été contraintes de prendre le large, en dépit de leur implantation parfois ancienne.

Même dans les secteurs qui échappent aux sanctions, comme l’alimentaire, le pharmaceutique ou l’automobile, la France n’encourage pas les échanges. « Ce marché ne fait pas partie de nos cibles pour le moment », indique Catherine Crosnier, porte-parole au Quai d’Orsay. Ses propos reflètent la position très offensive adoptée par Nicolas Sarkozy à l’égard de l’Iran et qui se poursuit depuis l’arrivée du nouveau gouvernement. Entre 2005 et aujourd’hui, les exportations françaises en Iran se sont effondrées, passant de 2 milliards d’euros à 800 millions (-70%).

« D’un point de vue symbolique, cette perte est énorme, estime Sébastien Regnault, chercheur au laboratoire gestion société du CNRS. Avant le quinquennat Sarkozy, nous étions le premier partenaire industriel de la République islamique. C’est la France qui paie le plus lourd tribut de ces sanctions. Les autres résistent mieux, comme les États-Unis qui, malgré une politique sévère à l’égard de l’Iran, ne renoncent pas pour autant à tous leurs intérêts économiques ».

Si les Américains sont les premiers à avoir imposé des sanctions contre l’Iran -notamment avec la loi d’Amato (1996) qui vise les hydrocarbures du pays- ils y poursuivent néanmoins leurs échanges. « Ils vendent beaucoup de produits, comme des ordinateurs Apple, des iPhones et du Coca-Cola, mais c’est difficile à chiffrer puisque ça se fait sous le manteau », ajoute Sebastien Regnault. « Les exportations américaines ont augmenté de 50% ces deux dernières années et les européennes ont baissé de moitié depuis leur embargo sur notre pétrole« , affirme quant à lui Ali Ahani, ambassadeur d’Iran en France. De son côté, Thierry Coville, spécialiste de l’économie iranienne, regrette que « le gouvernement français culpabilise les entreprises qui font des affaires là-bas ».

« DU BUSINESS, PAS DE L’HUMANITAIRE »

Le groupe Danone, présent sur le marché iranien via sa filiale Sahar (produits laitiers) et l’eau minérale Damavand, refuse de s’épancher sur le sujet. Même silence chez Sanofi, qui vend des vaccins et des produits pharmaceutiques en Iran, pays qui a le plus grand mal à importer des médicaments nécessaires à la survie de nombreux patients.

Le groupe Carrefour, lui, nie y être implanté, bien que son nom figure sur le site Internet de la Chambre Franco-Iranienne de Commerce et d’Industrie : « Ce n’est pas nous, mais Majid al Futtaim, un de nos partenaires franchisés. Nos projets communs ne se situent pas dans ce périmètre géographique ». Cette entreprise de Dubaï a ouvert en Iran trois « HyperStar », des supermarchés dont le logo rappelle étrangement celui de Carrefour. Mêmes typographies, mêmes flèches rouges. « Mais ce n’est pas le même nom, donc ça n’a rien à voir », se défend une porte-parole du groupe français de la grande distribution qui préfère taire son nom. L’Hyperstar de Téhéran a d’ailleurs la réputation d’être l’enseigne la plus rentable du groupe, après celui de Dubai.

Le constructeur automobile Renault n’a jamais caché sa présence dans le pays mais reste tout aussi discret. Depuis 2004, il y fait assembler des Logan et des Mégane II Sedan, par le biais d’une joint-venture avec Saipa et Iran Khodro, les deux acteurs majeurs de l’automobile en Iran. En 2011, 93 000 véhicules y ont été vendus. « On est là-bas pour faire du business, pas de l’humanitaire. Il y a un vrai potentiel pour nos voitures qui s’écoulent bien, malgré quelques difficultés de flux financiers et logistiques liées aux sanctions économiques », explique un porte-parole du groupe automobile qui préfère lui aussi l’anonymat. Il fait allusion à la difficulté de rapatrier en France les bénéfices engrangés en Iran. En 2012, l’Union européenne a interdit au secteur bancaire iranien l’accès au réseau Swift (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication), ce qui oblige les opérateurs à user d’étranges méthodes, allant du troc aux montages complexes via le Liban ou la Russie.

« UNE BALLE DANS LE PIED »

Cette même raison a été invoquée en février 2012 par Peugeot pour justifier un départ d’Iran, son premier marché après la France, (458 000 véhicules vendus en 2011). Il y exportait des kits pour des véhicules montés sur place. Selon l’ambassadeur Ali Ahani, le retrait de la marque au lion, présente en Iran pendant 35 ans, serait lié à son alliance depuis février 2012 avec le géant automobile General Motors. Proche du lobby « United Against Nuclear Iran », la compagnie américaine aurait exercé des pressions sur sa partenaire française.

Source et suite de l’article: Le Monde

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