Le dépistage précoce du cancer du poumon stoppé, faute d’argent ?

La récente découverte par des chercheurs niçois d’un test de dépistage précoce du cancer du poumon suscite beaucoup d’espoirs. Prudent, le directeur de l’équipe Inserm du CHU de Nice, Paul Hofman, doit maintenant confirmer ses résultats à plus grande échelle. Mais pour l’heure, le chercheur est inquiet : sans financements, ses recherches risquent de tomber à l’eau. Entretien.

C’est une petite révolution. Le cancer du poumon est l’un des cancers les plus meurtriers en raison d’un dépistage souvent trop tardif, à un stade où la plupart des patients ne sont malheureusement plus opérables. Mais un test diagnostic très prometteur mis au point par une équipe de recherche Inserm, dirigée par le docteur Paul Hofman, pourrait changer la donne et sauver de nombreux malades. L’idée : dépister ce cancer très tôt, jusqu’à 4 ans avant qu’il ne soit visible par imagerie. Demain, détecter le cancer du poumon par une simple prise de sang et bien en amont de la maladie, pourrait devenir réalité. Un atout majeur dans la course contre la montre visant à détecter, et donc à traiter, précocement le cancer du poumon, qui rappelons-le tue environ 30 000 personnes chaque année.

L’aventure commence en 2007. « Cela fait plusieurs années que mon équipe Inserm travaille sur les cellules tumorales circulantes [les CTC sont des cellules qui s’échappent de la tumeur pour rejoindre la circulation sanguine]. Au départ, on a choisi de travailler sur les cellules du poumon chez des patients qui avaient un cancer. On a alors trouvé des cellules circulantes qui correspondaient morphologiquement aux cellules cancéreuses. En 2007, j’ai lancé un projet de recherche, dont l’objectif était de réussir à isoler des cellules tumorales circulantes chez des patients à risque de cancer du poumon (patients fumeurs et souffrant de BPCO). Il y avait alors déjà des études qui montraient que ces cellules circulantes étaient détectables avant que le cancer ne soit visible par imagerie. Alors, l’idée était de se dire : pourquoi ne pas les isoler chez des patients à risque de manière précoce ? ».

Filtrer les cellules pour les isoler. Le plus compliqué était de choisir le bon test, celui qui permettrait d’isoler efficacement ces cellules. « Il faut savoir que les cellules circulantes sont des éléments très rares dans le sang. Imaginez que l’on ne trouve que 2 ou 3 cellules tumorales circulantes au milieu de milliards de cellules sanguines ! Et des méthodes pour les isoler, il y en a des centaines à travers le monde. Il fallait donc choisir celle qui nous semblait la plus spécifique. L’intérêt que j’ai trouvé dans le test Iset (Isolation by SizE of Tumors cells), c’est qu’il était basé sur une analyse morphologique des cellules. Sur le principe, il fonctionne comme un filtre qui laisse passer les cellules sanguines mais qui retient à la surface les cellules cancéreuses, qui sont beaucoup plus volumineuses et moins déformables. Ensuite, il suffit de les colorer pour les visualiser. »

Tous les patients ont guéri. La suite, on l’a connait : l’étude est menée sur 168 patients à risque à qui l’on fait des prises de sang régulièrement. Chez 5 d’entre eux, le test Iset isole des cellules tumorales circulantes, il se révèle donc positif. L’ensemble des patients bénéficie ensuite d’une surveillance radiologique une fois par an. Et entre 1 et 4 ans plus tard, un nodule cancéreux apparaît précisément chez les 5 patients dont le test avait été positif. Les 5 patients sont opérés et guérissent. Jusqu’à aujourd’hui, ils n’ont pas eu de rechute.

Le test est d’autant plus intéressant qu’il n’a pas donné lieu à de faux positifs. Car c’est tout le problème des tests prédictifs : angoisser inutilement des patients alors que la maladie ne se déclenche finalement pas. Dans l’étude de Paul Hofman, tous les patients testés positifs ont déclaré un cancer. Quant à ceux dont le test était négatif, l’imagerie n’a pas à ce jour détecté chez eux de nodules cancéreux. Mais pour confirmer ce résultat, il faudrait pouvoir les suivre. Il faudrait aussi pouvoir étendre l’étude à un plus grand nombre de patients et à d’autres centres de recherche français. « Il y a énormément d’attente avec ce test et la semaine dernière j’avais déjà des patients qui attendaient à ma porte pour participer à des études ! « La priorité est toutefois de s’intéresser en priorité aux patients à plus haut risque de développer un cancer pulmonaire : les patients atteints de BPCO et à forte exposition tabagique. On sait en particulier que ces maladies touchent de plus en plus de femme et à un âge de plus en plus précoce. »

Après l’enthousiasme, l’attente. Mais pour l’heure, l’étude du docteur Hofman est arrêtée, faute de budget. « Il faut valider ces bons résultats mais je n’ai pas de financement pour continuer… Même s’il y a eu ce communiqué et que les médias ont largement diffusé l’information, je n’ai pas été contacté par des sources de financement potentielles. Donc je suis bloqué et j’ai bien peur que d’autres équipes s’emparent du projet, notamment en Amérique du Nord. Je crois que le problème, c’est qu’en France on a du mal à financer les projets à risque… Et sans volonté collective malheureusement, le projet risque de tomber à l’eau. Je ne suis pas très surpris car cela se passe souvent comme ça. Il y a un vrai décalage entre médiatisation et la réalité de terrain. Je suis surtout inquiet et je me demande si le projet ne va pas échapper à un développement national… »

Source: Journal des femmes via Sott.net (+vidéo)

 

3 Commentaires

  1. Il n’a qu’à demander aux fabricants de médicaments pour le cancer du poumon de le financer…https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_mail.gif

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