En souvenir de Pierre Azelvandre, l’érudit du mouvement anti-OGM…

Le choix ultime d’un homme parti pour des contrées meilleures. Pour que son combat ne reste pas vain, que la lutte continue. Merci à Loulette.

Un faucheur d’OGM lors du procès à Colmar contre l’Inra – Septembre 2011© Laure Siegel

Sans le relais et l’alerte des militants écologistes de la région, ce décès serait passé inaperçu. Pierre Azelvandre, 49 ans, s’est donné la mort lundi 22 avril, sur une aire d’autoroute haut-rhinoise, le long de la RN 89. Ancien chercheur, titulaire d’un doctorat en biologie moléculaire, il a consacré ces dernières décennies à lutter contre le déni démocratique que représentaient pour lui les cultures OGM. Il est sorti de son anonymat d’érudit solitaire à l’automne 2009, lors d’une action polémique où il avait coupé 70 plants de vignes OGM, un essai mené par l’Institut national de la recherche agricole (Inra) en plein milieu du vignoble.

Quelques semaines après, il a été condamné en appel par le tribunal de Colmar à un mois de prison avec sursis, 50 000 euros de dommages et intérêts, 2 000 euros d’amende et 2 500 euros de frais de justice. Son geste a provoqué une prise de conscience au sein de la communauté viticole de la région, mais aussi un vif débat parmi les tenants de la recherche libre qui revendiquaient de pouvoir travailler en-dehors de toute idéologie. Il n’a pas été soutenu d’emblée par les politiques estampillés Verts de la région, engagés pour certains dans le groupe de travail de l’Inra.

Sa détermination prend sa source dans son parcours professionnel : après une thèse au CNRS, il a travaillé pour une firme de production d’OGM. Il démissionne le jour où il entend son directeur de recherche falsifier des faits scientifiques lors d’une conférence devant un parterre de professionnels.

Après une expérience de formateur d’éducation populaire sur la réalité des organismes génétiquement modifiés, Pierre Azelvandre concentre son énergie à Sausheim dans les années 1990 où il milite « pour que les mairies puissent informer les citoyens des parcelles où sont cultivés les OGM » selon le communiqué hommage de la Confédération paysanne d’Alsace…

Il entame alors le tour de tous les essais en Alsace, saisit la commission d’accès aux documents admnistratifs, puis le tribunal administratif et le Conseil d’Etat. Jusqu’à la CEDH où il obtient un arrêt en 2007 qui rend obligatoire cette publication.

Né d’une mère tchèque et d’un père originaire du Haut-Doubs, il débarque à Colmar à l’adolescence. Joseph Finantz l’a côtoyé à cette époque au cours de musique : « J’étais clarinettiste et lui faisait de la trompette à ce moment-là. » Devenu apiculteur, Joseph le recroise des années plus tard lorsqu’il commence à s’interroger aux enjeux des OGM. Cet ami proche retrace sa pensée : « Il n’était pas partisan de l’arrachage, il a même vivement critiqué José Bové à ce propos. C’était quelqu’un de fondamentalement idéaliste, respectueux des lois. Mais il avait épuisé toutes les voies législatives et il voyait que même son action ne changeait rien, que les essais continuaient sans consultation de la population. Alors il a décidé de couper les plants, mais toujours en scientifique, en emportant les bois coupés contaminés. Il est allé lui-même apporter la nouvelle aux médias et se dénoncer aux gendarmes. »

Un an après, une soixantaine de militants anti-OGM de toute la France ont poursuivi son action, arrachant tous les plants de l’Inra un matin d’août et enterrant définitivement toute expérience dans le vignoble. Le procès en appel est toujours en cours. Jean-Pierre Frick, viticulteur, est un des deux Alsaciens à avoir participé à cette action collective d’ampleur : « L’initiative de Pierre Azelvandre a attiré l’attention sur les aspects troubles de cet essai et nous a poussé à poursuivre ce qu’il avait entamé seul. On lui a proposé de l’aider à rembourser l’énorme somme à laquelle il a été condamné, mais il a toujours refusé, voulait assumer seul ».

Mais l’homme au mode de vie d’ermite n’a pas de quoi rembourser et n’a d’ailleurs jamais eu l’intention de le faire. Sans adresse mail ni téléphone, il subsiste presque sans argent, se déplace toujours à vélo et se passionne pour l’observation des animaux. L’an dernier, expulsé de son logement après une hausse de loyer, il a distribué toutes ses affaires autour de lui pour en laisser le moins possible aux huissiers. Habitué à passer ses journées à la bibliothèque municipale et à cultiver son jardin, la justice l’a poussé à s’inscrire à Pôle emploi, toucher le RSA et trouver du travail. Un système qu’il a fui depuis plusieurs années, dont il ne supporte pas les contraintes, les incohérences et les injustices. Et qui lui pèse de plus en plus…………………….

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Un article de Laure Siegel publié par Médiapart

Dans son communiqué, la Confédération paysanne rappelle « tous ceux qui ont mis toute leur énergie dans la défense de la vie, aux dépens de leur propre vie, parmi lesquels Vital Michalon contre l’énergie nucléaire à Malville, ou Jean-Luc Tournaire contre la vaccination obligatoire contre la fièvre catarrhale ovine . »
Vous pouvez également lire le témoignage hommage de Gabrielle Teissier, qui a côtoyé Pierre Azelvandre au sein de l’association Espoir. Aujourd’hui tous les essais sont au point mort et « il n’y a toujours pas de vigne transgénique dans le vignoble français » selon cette autre contribution sur Mediapart.

Pour aller plus loin, ce reportage sur le procès des 62 faucheurs volontaires en septembre 2011 à Colmar.

7 Commentaires

  1. Quel gachis!

    …Insolite et étrange pour « se donner la mort » le choix d’une aire d’AUTOROUTE, surtout…… pour un cycliste*.

    *) Dixit: « …se déplace toujours à vélo et se passionne pour l’observation des animaux. »

    • Quand on boira notre pinard phosphorescent, dégustera quelques grains de raisins décor bannière étoilée, on aura une pensée pour Pierre.

  2. Paix à son âme, et merci pour les engagements pris afin de nous ouvrir les yeux.

  3. J’ai diffcile à croire qu’une personne qui oeuvre pour le vivant puisse se donner la mort, cela ne sera pas la première fois qu’un résistant au système se serait suicidé enfin c’est ce qu’on veut que l’on croit.
    De toute façon paix à son ame et toute mes condoléances à ses proches et amis.

  4. ce qu’il faut voire dans le cas de cet homme c’est le parcour epouventable qu’il faut subir pour se faire entendre . ça en decourage plus d’un , et je le comprend …. helas .

  5. Black Water appartient à Monsanto,, non?

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