JEREZ DE LA FRONTERA (Espagne) – Une forte odeur d’immondices se mêlait mercredi à celle des orangers dans les rues de Jerez de laFrontera, dans le sud de l’Espagne, où les ordures s’accumulent au vingtième jour d’une grève des éboueurs, marquée par des incendies de conteneurs-poubelles.
C’est la première fois que je vois ça, ça dégoûte de passer par ici, se lamentait Josefa Inestal, 55 ans, près d’un tas de sacs éventrés dans le quartier populaire du Mopu, où des habitants furieux ont brûlé lundi et mardi environ 150 conteneurs qui débordaient de détritus, selon les autorités.
Je croyais rêver hier: d’accord, je vis dans un quartier difficile mais je n’avais jamais vu ça, témoigne Macarena, une étudiante de 21 ans attendant d’entrer dans son cours du soir alors que la nuit tombe à nouveau sur le quartier.
La veille, des habitants ont jeté des pierres, des bouteilles en direction de la police anti-émeutes arrivée lorsque les incendies se sont déclarés, explique-t-elle. Un mineur a été interpellé, selon la mairie.
J’ai vu des rats, des bêtes, je n’ai jamais vécu ça, ça me mine le moral, ajoute l’étudiante en observant au loin les tas de poubelles.
Dans le centre-ville, les quelques rues bordant le bâtiment historique abriant la mairie étaient totalement nettoyées
mercredi. Mais à quelques pas de là, les poubelles s’entassaient dans le vieux centre, bordant une coquette place où s’élèvent orangers et
palmiers.
Depuis le 2 novembre, les employés d’un sous-traitant de la mairie, chargé du ramassage des poubelles, Urbaser, sont en grève illimitée
contre un plan social qui touche 125 emplois, soit 30% du personnel, et inclut des baisses de salaire.Plombée par une dette d’un milliard d’euros, la mairie de Jerez, dirigée depuis mai 2011 par les conservateurs du Parti populaire (PP), succédant aux socialistes, doit se serrer la ceinture et a ordonné de nombreuses coupes dans son budget.
Elle a notamment réduit de 20%, de 25 à 19 millions d’euros, le budget destiné aux entreprises sous-traitées par la municipalité. Avant les éboueurs, le personnel chargé de nettoyer les écoles s’était mis en grève en octobre, protestant pour obtenir le règlement de plusieurs mois de salaires impayés.
Pompiers, égoutiers, les mouvements sociaux passent de profession en profession depuis des mois dans cette ville de 210.000 habitants, célèbre pour son vin, son vinaigre et ses élégantes bodegas mais qui compte environ 34.000 chômeurs dans une région, l’Andalousie, qui affiche un taux de chômage record en Espagne, de plus de 35%, et qui a demandé une aide au pouvoir central de 4,9 milliards d’euros.
Mercredi, une entreprise privée, Tragsa, chargée par la mairie d’assurer le service minimum après les incidents, avait ramassé 30 tonnes
d’ordures vers midi sur les 270 habituellement ramassés chaque jour avant la grève.Pendant que les représentants syndicaux d’Urbaser se réunissaient dans l’après-midi avec la direction, pour tenter de mettre fin au conflit, la
police faisait des rondes dans le quartier du Mopu.Nous ne voulons pas qu’un conflit de travail se transforme en un problème de sécurité citoyenne, a déclaré mercredi à Séville le préfet d’Andalousie, Carmen Crespo, affirmant que la sécurité avait été renforcée afin de garantir le service minimum.
A la mairie de Jerez, on tentait de mettre l’accent sur le coût des incendies dans une ville à l’économie asphyxiée: il s’agit de 150.000 euros rien qu’en conteneurs-poubelles, a déclaré le responsable de la sécurité, Javier Dura.
La situation est chaotique, se désole Jaime, 40 ans, un employé du service public de transports, préférant ne pas donner son nom de
famille.Cheminant rapidement sur un trottoir pavé du centre historique, il poursuit, résigné: la municipalité tente de sortir du trou où on s’est
retrouvés mais cela implique des sacrifices.
AfpVia Real infos