Fukushima, la stratégie de l’oubli

Rien à dire, dans le style, difficile de faire mieux comme article! Donc du coup, il en est incontournable!

Un livre vient de sortir, « oublier Fukushima » (éditions du bout de la ville), faisant un bilan saisissant, décryptant les manœuvres subtiles de communication de Tepco et de l’Etat Japonais, qui tentent de faire oublier la catastrophe toujours en cours.

Les auteurs ont dressé, dans l’émission de Ruth Stégassy, « Terre à Terre » du 20 octobre 2012, un bilan méticuleux destiné à nous éclairer sur la stratégie mise en place par le gouvernement japonais destinée à faire oublier la catastrophe, démontrant que tout avait mis en œuvre pour tenter de rayer de la mémoire collective ce qui s’était passé. lien

Les autorités japonaises ont mis en place un scénario en 5 temps : après la catastrophe, la liquidation (en réalité la non-liquidation), l’évacuation, (en fait la non-évacuation), la réhabilitation, fictive elle aussi, pour aboutir enfin à une tentative de banalisation de l’accident.

Cette stratégie d’oubli semble fonctionner relativement bien auprès des médias, lesquels reprennent sans complexes les infos proposées par les gestionnaires de la catastrophe, avec comme but ultime de le proposer comme modèle pour la prochaine fois.

Il s’agit de faire croire au public docile que la sureté des installations nucléaires est assurée, même lors d’un accident majeur et les médias semblent se contenter de la campagne de communication menée conjointement par Tepco et l’état Japonais.

La CIPR, (commission internationale pour la protection radiologique) organisme qui détermine pour toute la planète les normes acceptables en matière de pollution radioactive pour les travailleurs et les habitants, a modifié, quelques semaines après la catastrophe, les normes fixées auparavant à 1 milliSievert/an et les mettant à 20 milliSieverts/an mais la norme n’empêche pas le danger. lien

Or déplacer ce seuil, c’était offrir au gouvernement japonais la possibilité de ne pas évacuer les millions d’habitants menacés.

Et puis Fukushima apporte une « nouveauté », car contrairement à Tchernobyl, c’est la première fois qu’une catastrophe majeure a été mise sur le compte d’un évènement naturel, même si l’on sait aujourd’hui, que c’est bien suite à une mauvaise gestion de la situation que la centrale a été dévastée. lien

Autre observation que font les auteurs, c’est surtout le tsunami qui a été mis en cause, et non pas le tremblement de terre, ce qui est bien pratique pour Tepco, puisque du coup, il ne leur est pas reproché d’avoir installé toutes leurs centrales sur des failles sismiques. lien

Les exploitants des centrales françaises situées elles aussi sur des failles sismiques devraient s’interroger sur la question. lien

Mais revenons à Fukushima, l’une des questions non résolue à l’heure actuelle concerne le corium : comme l’expliquent les auteurs du livre, ce corium, d’une température de 2500°, s’enfonce inexorablement dans le sol, et on comprend que toutes les tentatives de l’arroser pour le refroidir, sont autant vouées à l’échec que si l’on voulait éteindre un volcan en l’aspergeant d’eau. lien

Ce corium se compose entre autre de 33 millions de « pastilles », (lien) chacune d’elles équivalent énergétiquement à 1 tonne de charbon, soit 257 tonnes de corium, alors que celui de Tchernobyl n’était que de  70 tonnes.

Pour gérer cette situation, on a fait comme à Tchernobyl, (lien) en envoyant 800 000 hommes, équipés de bottes en caoutchouc, et de lances à incendie, ces hommes étant des habitants de ghettos, considérés comme parias jusqu’en 1871, mais qui continuent encore aujourd’hui à être « la chair à canon » pour ce genre d’entreprise, avec un avantage certain, c’est qu’en cas de disparition de ces forçats du nucléaire, personne ne viendra les comptabiliser.

D’ailleurs, ils disparaissent régulièrement des registres de Tepco sans que l’on puisse savoir ce qu’ils sont devenus, sans laisser de trace, vu le niveau délirant de sous-traitance, lequel peut l’être de 6 ou 7 fois…voire même de 10 niveaux, sous la bonne surveillance des Yakusaslien

Quant à l’évacuation, elle n’a pas eu réellement lieu, le choix a été plutôt de définir quel territoire sera finalement, tout comme à Tchernobyl, déserté, et donc interdit : il n’y pas eu de mise en place d’opération d’évacuation, avec utilisation de bus, et la plupart de ceux qui sont partis, sont ceux qui en ont eu les moyens.

Pour éviter l’exode de plusieurs millions de personnes, le gouvernement japonais a donc choisi de déterminer des zones variant entre 3 et 30 kilomètres autour du site, de façon concentrique, sans tenir compte du sens des vents, et de la réelle contamination des sols.

Ils n’ont été en réalité qu’entre 60 000 et 140 000 personnes à partir, allant rejoindre ailleurs des membres de leur famille, mais contrairement au discours officiel, repris par l’AIEA, ils n’ont pas été évacués.

Quant aux personnes qui ont été comptabilisées dans des camps plus ou moins de fortune, ils n’étaient pas tous des rescapés de Fukushima, mais aussi des survivants du tsunami, soit de 60 000 à 80 000 personnes, sans qu’il soit possible de savoir qui sont les uns et qui sont les autres. lien

Plus inquiétant, ces rescapés ont été placés dans des zones situées parfois seulement à 50 km de la centrale accidentée, et ces rescapés ont réalisé que certaines de ces zones pourtant plus éloignées, étaient plus polluées que celles dans lesquelles ils vivaient auparavant.

A titre d’exemple, il existe une ville de 20 000 habitants du nom de Namie, à 10 km du site, qui n’a reçu aucune consigne officielle d’évacuation, et les habitants ont vite compris qu’ils devaient se débrouiller tous seuls.

Le maire de Namie a d’ailleurs accusé les autorités gouvernementales d’avoir organisé une « espèce de meurtre ». lien

Le gouvernement japonais avait pourtant à sa disposition le système « Speedy », qui permet de modéliser par anticipation la dispersion dans l’air des radionucléides. lien

Or les habitants en s’évacuant un petit peu au hasard vont être en réalité confrontés à un danger bien plus grand, car en rejoignant un secteur plus lointain, ils vont se traverser une zone encore plus polluée, ignorant ce que le gouvernement japonais savait, lequel avait seulement prévenus les soldats de l’armée américaine qui s’y trouvaient.

Areva avait pris d’ailleurs les mêmes mesures, donnant l’ordre à son personnel sur place d’évacuer rapidement.

Le gouvernement japonais finira par admettre le principe des « taches de léopard », défini à Tchernobyl, considérant des villages, ou des quartiers de grande ville, pourtant plus éloignées de la centrale, comme des zones tout autant polluées. lien

Or en décidant de considérer ces zones comme définitivement contaminées, ça permet de geler la situation actuelle, comme si la centrale avait arrêté de polluer, alors qu’elle continue de rejeter la radioactivité sans la moindre interruption depuis près de 20 mois.

C’est dans la même logique de mensonge que le 16 décembre 2011, Tepco affirmera que tout est sous contrôle, que les réacteurs ont été refroidis, et que l’on passe maintenant à la phase de « nettoyage », en parlant même de réhabilitation début janvier 2012. lien

Mais tout ça n’est qu’une simple affaire de communication s’appuyant sur un calendrier.

Cette « réhabilitation » va surtout consister à mobiliser les citoyens, et a enlever de la terre polluée, très localement, dans un parc public, au pied d’un toboggan, sur des lieux ou il y a beaucoup de passages, en arrosant par ci, par là, déplaçant simplement la radioactivité d’un point à un autre, enterrant une partie de la terre contaminée dans des zones de forêt. lien

Coté précaution, pour rassurer les populations, des dosimètres ont été mis dans les cartables des enfants, mais les mesures n’empêchent pas le danger. lien

Lorsqu’elles sont significatives, les préfectures demandent aux enfants d’aller jouer plus loin, mais la question de l’accumulation de la pollution dans le corps des enfants n’est pas vraiment à l’ordre du jour alors que la thyroïde du 1/3 d’entre eux a été affectée. lien

On demande aux japonais de mesurer un peu partout, dans leur habitation, les légumes achetés, voire même l’intérieur des réfrigérateurs…façon de diluer l’angoisse. lien

Lorsqu’ils sont conscients d’avoir dépassé la dose admise, ils se rendront lors de leur weekend end, dans des zones moins contaminées, espérant ainsi « équilibrer » les doses reçues dans leur corps.

Ils en viennent même à penser qu’en se mesurant à longueur de journée, ils mourront plus tard que les autres, ceux qui ne se mesurent pas.

Des cet instant, le choix de sensibiliser les citoyens en les poussant à faire leurs propres mesures, déresponsabilise en partie ceux qui tentent de gérer la catastrophe, faisant porter cette responsabilité sur les citoyens.

En attendant, la centrale dévastée continue jour après jour à rejeter la pollution dans l’air, l’eau, et la terre, la piscine du réacteur n°4 contient toujours 514 assemblages dangereux, et le 20 octobre 2012, un incendie s’est déclaré dans l’annexe des unités 1 et 2 de la centrale accidentée. lien

Au Japon, l’oubli ne tient qu’à un fil. lien

Comme dit mon vieil ami africain : « s’il y a des remèdes pour la maladie, il n’y en a pas pour la destinée  ».

L’image illustrant l’article provient de « kibo-promesse.org ».

Merci aux internautes de leur aide précieuse.

Olivier Cabanel

Sites à visiter :

Le blog de Fukushima

Fukushima Diary

Next-up organisation

Blog de Jean Pierre Petit

Site de la CRIIRAD

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machbio

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Source: Agoravox.fr

Auteur: Olivier Cabanel

5 Commentaires

  1. Fukushima, la stratégie de l’oubli

    ha ha ha le plutonium lui ne va pas nous oublier tic tac , tic tac , tic tac …

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