Je m’étais posé la question, l’ai posé autour de moi, sur le forum, ai effectué des recherches, et aucune véritable réponse n’avait été trouvée. Et voici donc un élément de réponse, déjà très très instructif, pour ENFIN en savoir un peu plus sur la dette française et ses « propriétaires ».
Qui détient la dette de la France ? Cette question, chaque contribuable français est en droit de se la poser. Ses impôts ne servent-ils pas à payer en partie les intérêts de la dette ? Or, si l’on dispose des quelques informations générales, savoir en détail qui détient les créances françaises et pour quel montant relève du secret extrêmement bien gardé. L’opacité est totale et couverte par la loi. Enquête.
1 317 milliards d’euros. Tel est le montant, fin 2011, de la dette de l’État français. Qui sont ses créanciers ? La dette est-elle concentrée entre quelques richissimes mains ? Ou répartie entre une multitude de petits épargnants, du détenteur d’une assurance vie en Picardie au retraité du Minnesota qui vit des dividendes versés par son fonds de pension ? Les prêteurs sont-ils des spéculateurs, prêts à tout pour faire monter les taux d’intérêt, ou des investisseurs tranquilles ?
« Le savoir permettrait de mesurer les conséquences potentielles d’un défaut de paiement, même partiel. Et de ne pas se retrouver dans une situation de spoliation de petits épargnants », explique Thomas Coutrot, économiste et coprésident d’Attac (Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne). Les banques européennes, et françaises, qui ont bénéficié avant Noël d’un beau cadeau de la Banque centrale européenne – un prêt à 1 % sur plus de 450 milliards d’euros – pour les inciter à acheter de la dette européenne, jouent-elles le jeu ? Pour tenter de répondre à toutes ces questions, il faut suivre le parcours d’un bon ou d’une obligation du Trésor.
42,5 milliards d’euros d’intérêts versés à des inconnus ?
Pour se financer, l’État émet des titres financiers que des investisseurs achètent. Plusieurs types de titres, avec chacun leur échéance et leur taux d’intérêt, sont régulièrement proposés à la vente [1]. C’est l’Agence France Trésor (AFT) qui gère leur mise aux enchères (adjudication). Vingt grandes banques agréées, les « spécialistes en valeur du Trésor » (« SVT », de BNP Paribas à Goldman Sachs, en passant par Natixis, la Deutsche Bank ou la Société générale), sont chargées de les écouler sur les marchés financiers. Elles savent donc à qui elles revendent éventuellement ces titres. Ensuite, obligations et bons du Trésor circulent sur les marchés, mais son détenteur final perçoit chaque année ses intérêts. Ceux-ci totalisaient 42,5 milliards d’euros – la charge de la dette – en 2010. En théorie, on devrait donc savoir à qui ils sont versés.
Sur le site de l’AFT, le citoyen curieux apprend juste que 66 % des détenteurs de la dette sont des « non-résidents ». « En gros, un tiers de la dette est détenu par des investisseurs français, un tiers au sein de la zone euro, et un tiers à l’étranger, en dehors de la zone euro », précise Tân Le Quang, responsable de la communication au sein de l’agence. Problème : « Les non-résidents peuvent être de faux non-résidents, des Français détenteurs d’un portefeuille d’obligations via un paradis fiscal », objecte Michel Husson, de l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires). « Un investisseur saoudien, qui détient de la dette française car il a investi dans un fonds d’investissement à Londres, est comptabilisé comme un investisseur britannique », complète Patrick Artus, économiste à la banque Natixis [2] « Les trois plus gros détenteurs de la dette française sont le Luxembourg, les îles Caïmans et le Royaume-Uni », lance-t-il. Les Îles Caïmans, un paradis fiscal des Caraïbes autant peuplé que Châteauroux (44 000 âmes), pourrait donc ainsi faire basculer le destin des Français ?
La dette, un secret d’État ?
Les enquêtes réalisées par l’Agence France Trésor auprès de ses vingt banques partenaires permettent d’en savoir un peu plus sur les gros acheteurs : principalement des banques centrales, des fonds souverains, des assureurs, des banques commerciales et des fonds de pension. Ce que confirme la base de données financières eMAXX, mise en place par Thomson et l’agence de presse Reuters, qui publient régulièrement la liste« des 50 plus gros détenteurs de dette souveraine française » (hors banques centrales). Nous y retrouvons des assureurs (Axa, Allianz…), des mutuelles (MMA, MAAF, Groupama…), des banques (BNP-Paribas, La Banque postale, ING…) et une multitude de fonds d’investissement, principalement européens. Nous n’en saurons pas davantage : « Ce sont les banques qui voient les flux, pas nous. Les investisseurs en dette souveraine n’ont pas l’obligation de dévoiler leur position », confie Tân Le Quang. Mais pourquoi est-il impossible de savoir qui détient quoi et combien ?
C’est pourtant simple : cette absence de transparence est inscrite dans la loi. « Les textes actuellement en vigueur [3] n’autorisent les conservateurs d’instruments financiers (…) à communiquer aux émetteurs la liste de leurs détenteurs finaux qu’aux seuls émetteurs d’actions, de bons de souscription d’actions ou d’instruments de taux donnant immédiatement ou à terme accès au capital. Par conséquent, l’Agence France Trésor (AFT) ne peut pas identifier précisément les détenteurs [des obligations et bons du Trésor] », répond, en 2010, le ministère de l’Économie et des Finances à un sénateur trop curieux. Traduction : si les entreprises ont le droit de savoir qui sont leurs actionnaires, il est interdit à l’État français de connaître ses créanciers. La dette, un secret bancaire ?
Opacité généralisée
Face à cette opacité, « nous soupçonnons une extrême concentration, confie Thomas Coutrot. On pourrait très bien disposer d’informations statistiques sur la concentration des portefeuilles et la nature de ceux qui les détiennent ». Des chercheurs suisses ont récemment révélé que 147 multinationales, tout en se contrôlant elles-mêmes, possèdent 40 % de la valeur économique et financière des dizaines de milliers de multinationales du monde entier (lire notre article). Il serait étonnant qu’il n’en soit pas ainsi pour les dettes souveraines. Selon les données présentées par la Banque des règlements internationaux (BRI), un organisme géré par 58 banques centrales nationales, les banques étrangères possédaient en juin dernier 13 % de la dette de l’État français. Soit 176 milliards d’euros, dont plus des deux tiers sont entre les mains de banques britanniques, japonaises, allemandes, états-uniennes et suisses. Mais il ne s’agit que d’un euro sur dix empruntés.
Il est pourtant tout à fait possible, en théorie, d’en savoir plus. C’est la société Euroclear France [4], un organisme boursier privé, qui est « le dépositaire central des titres français ». Elle sert d’intermédiaire entre la Banque de France et les détenteurs de titres du Trésor pour leur verser leurs intérêts ou leur pécule quand l’emprunt arrive à échéance. Un peu comme la chambre de compensation Clearstream sert, au Luxembourg, de « péage » entre les transactions financières. Euroclear France sait donc parfaitement qui détient combien à quel moment. Mais la loi l’autorise à ne pas rendre publiques ces données. Pourtant, ce sont bien les citoyens qui paient la charge de la dette.
Ivan du Roy
Photo : Dan Simpson
Notes
[1] Leur échéance de remboursement s’étale d’un à cinquante ans. Leur taux varie entre 1 % et 4 %. Plus l’échéance de remboursement est lointaine, plus le taux est élevé. [2] Le Monde du 23 juin 2011. [3] Notamment l’article L. 228-2 du code de commerce, décret d’application n° 2002-803 du 3 mai 2002 publié au Journal officiel du 5 mai 2002, et l’article L. 212-4 du code monétaire et financier relatif à la nominativité obligatoire [4] Ancienne Société interprofessionnelle pour la compensation des valeurs mobilières (Sicovam).Source: Bastamag.net
Et voici la liste sur les 50 plus gros détenteurs de la dette française suivant Reuters. Au fait, à la 49ème place, est-ce de la paranoïa ou je lis bien le nom de la grande banque JPMorgan?
PARIS, 28 décembre (Reuters) - Voici une liste des 50 plus gros détenteurs de dette souveraine française, selon les données Thomson Reuters eMAXX.Cette liste ne comprend pas les institutions comme les banques centrales, qui n'ont pas à signaler leur portefeuille aux régulateurs.Société Pays1 AXA Investment Managers Paris France2 Allianz Global Investors France SA France3 MMA Finance France4 CM-CIC Asset Management France5 BNP Paribas Asset Management SAS France6 CNP Assurances France7 Amundi France8 Covéa Finance SAS France9 Matmut France 10 AEGON Investment Management B.V. Pays-Bas 11 Fideuram Asset Management Irlande 12 Pioneer Investment Management Irlande 13 Groupama Asset Management France 14 Pacific Investment Management Co. Etats-Unis 15 Suravenir France 16 Natixis Assurances France 17 Swiss Life (France) France 18 MAAF France 19 Natixis Asset Management France 20 Eurizon Capital SA Luxembourg 21 UBS Global Asset Management Suisse 22 Standard Life Investments Ltd Royaume-Uni 23 MACSF France 24 Lyxor Asset Management France 25 Crédit Suisse Asset Management Suisse 26 State Street Global Advisors UK Ltd Royaume-Uni 27 Monceau Assurances France 28 BNP Paribas Investment Partners Royaume-Uni 29 Union Investment Privatfonds GmbH Allemagne 30 BlackRock Global Investors Royaume-Uni 31 Malakoff Médéric France 32 Dexia Asset Management Belgium SA Belgique 33 Scottish Widows Investment Royaume-UniPartnership 34 La Banque Postale Asset Management France 35 ING Investment Management B.V. Pays-Bas 36 ING Investment Management Belgium Belgique 37 Kokusai Asset Management Co Ltd Japon 38 Pioneer Investments Austria GmbH Autriche 39 MACIF Gestion France 40 ERSTE-SPARINVEST Autriche 41 Deka Investment GmbH Allemagne 42 Vanguard Group Inc, The Etats-Unis 43 DWS Investment GmbH Allemagne 44 La Française des Placements FranceInvestissements 45 Legal & General Asset Management France(France) 46 Insight Investment Management Royaume-Uni 47 Halbis Capital Management (France) France 48 KBC Asset Management SA (Luxembourg) Luxembourg 49 JPMorgan Asset Management (UK) Ltd Royaume-Uni 50 BNP Paribas Luxembourg SA Luxembourg (Leigh Thomas, Jean-Baptiste Vey pour le service français)Source: Reuters
ah ah ah,
nul n’est sensé ignorer la loi .
http://fr.wikipedia.org/wiki/Euroclear
Euroclear France n’est pas n’importe quelle société. Il faut savoir que dés que l’on parle de « compensation », on revient très vite à Clearstream et à quelques autres. Ces banques spécialisées, aussi appelées « chambres de compensation » se comptent sur les doigts d’une main. On peut voir l’argent y rentrer, mais on ne sait pas où il ressort.
En ce qui concerne JP Morgan, il faudrait voir si elle ne contrôle pas d’autres sociétés de la liste, avant d’en tirer des conclusions … Et le gros morceau, c’est plutôt Clearstream, à mon avis …
en regardant cette liste on comprend mieux pourquoi les cotisation ne cesse d’augmenter et comment les citoyens remboursent la dette via l’imposition et l’implication de société privé dans cette dette irremboursable
Pour avoir travailler dans le milieu de la finance (une Holding), l’atout d’une chambre de compensation tel que Clearstream ou Euroclear c’est surtout que personne ne viendra se mêler de leurs affaires, elles dispose dune quasi-immunité car proches des Banques centrales et des États eux-même. Elles disposent de marges de manœuvres très importantes, pour ne pas dire totale, et surtout, encore une fois, quand bien même elles franchiraient « les limites », il n’y aurait pas grand monde pour le leur reprocher.
Je crois qu’il y a une légére erreur/imprécision
sur le Blog.
La liste que vous indiquez n’est pas celle des 50 plus gros détenteurs de dette mais celle des 50 plus gros acheteurs à la chambre de compensation Euroclear-France.
Cordialement