En attendant la revue de presse que je suis en train de concocter et dans laquelle il y a un récapitulatif des derniers événements égyptiens, voici un petit article très intéressant et plutôt inquiétant, histoire qu’on se tienne au courant. Maintenant, je me pose une question, en regardant l’évolution des émeutes, soulèvements et la manière dont cela se passe, peut-on se faire une idée de ce qu’il risque d’arriver un jour si le pays lui aussi se soulève?
Le Caire, 3 février 2011. Place Tahrir, depuis presque vingt longues heures, quelques milliers de manifestants pacifiques répondent à des attaques d’une rare violence. Comme prévu, des blessés. 1500 selon Al Jazeera. Il y a aussi des morts, 5 selon la même source.
Des médecins volontaires recousent des oreilles déchirées, des crânes ouverts, des cuisses déchiquetées. Ils sont sur place, par terre ou dans les quelques rares ambulances dépêchées sur place. Ils opèrent sous les pierres, les cocktails molotov et les tirs à balles réelles du gouvernement Moubarak.
Pendant toute la journée du 2, et dans la nuit du 2 au 3, les manifestants se relaient de l’arrière au front. Les figures sont épuisées, insensibles aux bruits des balles. Par centaines, des gueules cassées, des têtes gazées, des éclopés, des visages tordus de douleur. Un homme dans un mégaphone maintient sans relâche le moral des troupes. “Troupes”, parce qu’il est maintenant clair que nous sommes en guerre, une guerre incivile.
Des hommes de main du gouvernement sont continuellement arrêtés par les manifestants qui les remettent aux militaires. Ceux-ci portent sur eux des cartes professionnelles qui indiquent qu’ils appartiennent à la police d’Etat. Les cartes sont aussitôt saisies, photographiées et diffusées au monde entier.
Sur place, les mots pour décrire ce qui se passe appartiennent désormais à un autre registre: crime de guerre, crime contre l’humanité, terrorisme d’état, barbarie.
Toute la journée et toute la nuit, les manifestants se déplacent en masse pour protéger tour à tour les accès menacés. Le front véritable est celui de la rue Abdel Moneim Riad qui conduit au musée du Caire. Le gouvernement nous attaque au sol, du toit de certains immeubles et du haut du Pont du 6 octobre.
De hautes barricades de fortune sont erigées pour protéger les manifestants qui n’ont rien d’autre pour se défendre que leur courage et les pierres qu’on leur prépare. Tous les pavés et trottoirs dans la zone du Musée du Caire ont été démontés et réduits à la taille de petites pierres. Munis de barres de métal, une quinzaine de volontaires ont cassé des pierres toute la nuit.
Entre les deux camps, un rideau de flammes et de voitures brûlées. Pour donner du courage aux manifestants, des femmes munies de bâtons jouent des rythmes sur les barrières métalliques de la place.
Vers minuit, l’armée déploie une trentaine d’hommes pour protéger le musée, mais ne s’interpose pas une seule fois dans les combats de la nuit qui se poursuivent encore ce matin 10h00.
Les campagnes de rumeurs et de désinformation sont continuellement nourries par la télévision d’état ou par des SMS envoyés à tous les abonnés Vodafone. Vers 1h00 du matin, on annonce aux Egyptiens dans leurs foyers que la place Tahrir a été vidée de ses manifestants et que la voirie est en train de la balayer.
La télévision d’état explique ensuite que les manifestants sont des agents étrangers, entraînés par le Mossad et payés, chacun, 5000 dollars.
Ce que Moubarak ignore
La détermination de ces manifestants est au-delà de ce qu’il peut imaginer et pour une raison très simple. Ils préfèrent mourir, maintenant, sous les balles que, plus tard, sous la torture. Il est évident pour chacun des manifestants que, si nous perdons la bataille, chacun de nous sera arrêté, harcelé, torturé.
Moubarak ne semble pas comprendre qui, au juste, mène le combat. Il pense encore que ce sont quelques milliers de pauvres gens, ceux qu’il a humilié dans ses prisons ou ceux qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Moubarak pense qu’il sera facile, comme les fois précédentes, de les réduire au silence sans que quiconque ne s’en aperçoive. Mais Moubarak n’a pas mesuré la diversité sociale de ces manifestants unis et déterminés à le faire tomber. Il ne comprend pas que ses mensonges et ses manipulations n’ont, aujourd’hui, aucun effet sur l’opinion internationale ou sur les manifestants sur place. Des étudiants éclairés de familles modestes, des bourgeois, des égyptiens de l’étranger sont là, main dans la main. Certains parlent deux ou trois langues, s’adressent aux presses du monde entier et décryptent, minute par minute, ce qui se passe. Ils déjouent, un à un, les pièges de Moubarak susceptibles de tromper ceux qui nous regardent et qui s’interrogent sur l’avenir démocratique ou non de l’Egypte.
Ce que Moubarak a provisoirement réussiDepuis son allocution télévisée annonçant son départ dans 8 mois, des centaines de milliers d’Egyptiens, et sans doute des millions, ont été convaincu qu’il était maintenant légitime de mettre fin aux manifestations. De leur côté, les manifestants ne sont pas étonnés de cette réaction et ne cherchent même pas à les convaincre du contraire. Ils connaissent trop bien les effets du lavage de cerveau trentenaire et du bourrage de crâne dès la naissance. Ils connaissent aussi la nature profonde du peuple Egyptien. Un peuple qui pardonne toujours, même au pire de ses bourreaux. On entend: «Il est vieux, on ne peut pas l’humilier. Plus que quelques mois et on sera débarassés de lui. Rentrez chez vous maintenant.»
La question
La question de ce 3 février 2011 consiste à savoir si les Egyptiens, après une longue nuit de barbarie, vont enfin comprendre que leur “vieux” n’est pas digne de leur pitié ou, surtout, de leur confiance.
Une mesure efficace pour mettre fin à cette barbarie
Geler les comptes bancaires étrangers du clan Moubarak et des dignitaires de son régime. Toute autre forme de pression risque de n’avoir aucun effet.Pour les manifestants, chaque minute compte.
(scoop.it)
Source: algerie-focus.com