Coluche disait lui: « Homme politique, c’est 10 ans de droit et tout le reste de travers », c’est équivalent mais la manière n’est pas la même, c’est ce que Renaud chantait en disant faire le boulot de Rimbeau avec des mots de bistrot. L’article est clair, on paye des gouvernements pour qu’ils votent des lois (accessoirement), une partie du travail est au final inutile, quand à la mise en application, c’est étonnant que Sarkozy se montre peu efficace pour un omni-président… 😉
Lois jamais promulguées, promulguées mais non appliquées, appliquées bien que pas encore votées, appliquées mais inapplicables… Au petit jeu de lois, les magouilleurs sont rois !
En principe, les lois sont d’abord votées à l’Assemblée nationale et au Sénat. Ensuite, pour la plupart (60% cette année), le gouvernement doit rédiger et publier des décrets d’application – on appelle ça « promulguer » – précisant les modalités de mise en oeuvre. En principe, mais dans les faits…
1/ Lois votées mais non promulguées
Cas d’école qualifiable d’« obstruction gouvernementale ». Quelques chiffres issus du rapport sénatorial publié lundi dernier : sur les 1 605 lois promulguées depuis 1981, 243 sont toujours en attente de suivi réglementaire, la plus ancienne datant de 1984. A croire qu’elles ne servent à rien ? 44% des mesures réglementaires votées en 2001-2002 sont toujours inapplicables, faute de décrets. On se demande bien pourquoi. Même topo pour 33% des mesures votées en 2006-2007. Au total, 284 (17%) mesures votées entre 1997 et 2002 attendent toujours que les gouvernements successifs se décident…
La répartition par session parlementaire est la suivante :
Source : senat.frDeux exemples : Une loi de mars 2000 visait à renforcer la détection des mauvais traitements infligés aux enfants. Une autre de juin 2008, qui avait fait grand bruit à l’époque, imposait des mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux… Deux sujet visiblement secondaires puisque ces lois restent toujours inapplicables.
2/ Lois appliquées avant leur vote
La loi ne pouvant pas être rétroactive (sauf exception), toutes les propositions récentes allant dans ce sens ont été retoquées par le Conseil Constitutionnel. Il y en a (pourtant) qui ont essayé, mais ils ont eu des problèmes… comme Rachida Dati avec son projet de rétention de sûreté, en février 2008. Du coup, reste au Législateur en chef une possibilité : demander aux personnes censées appliquer la loi de faire preuve de docilité, sans l’accord du parlement. C’est le cas de la suppression de la publicité sur France télévisions. A noter : la loi du 20 décembre 2002 de financement de la sécurité sociale pour 2003 a été rendue applicable… en 2007-2008 !
3/ Lois promulguées non appliquées
L’épisode épique du CPE en est un exemple flagrant. Une loi est votée, promulguée, mais on demande aux citoyens de ne pas l’appliquer. Idem pour le pacte de stabilité européen ou les règlements assurant la concurrence libre et non faussée, sur lesquels l’Union Européenne s’est allègrement assise en permettant les plans de sauvegarde de l’économie limités à certaines entreprises sélectionnées sur des critères totalement subjectifs.
4/ Lois contredites par leurs décrets d’application
C’est ce qui s’est passé pour l’amendement PNPP (commercialisation du purin d’orties par exemple), déjà évoqué dans ces colonnes. Le gouvernement a rédigé un projet de décret contraire à l’esprit de l’amendement voté par les parlementaires. Idem pour la loi de modernisation sociale (2002-73). Entre autres.
5/ Lois promulguées, appliquées, mais bancales
La loi du 5 mars 2007 aurait dû faire parler d’elle, mais l’information est passée totalement inaperçue. Votée (et promulguée) suite aux erreurs de l’instruction des procès d’Outreau, elle instaurait 91 pôles censés épauler les juges d’instruction dans les affaires les plus complexes, et elle a été remise en cause pour vice de procédure. Conséquence : des dizaines d’instructions criminelles ont été menacées d’annulation. Autre exemple : pourtant votée pendant l’été 2007, la loi sur le paquet fiscal devait encadrer l’exorbitance des salaires et autres bonus de départ des grands patrons. Nicolas Sarkozy l’avait promis. Les chèques vacances patronaux devaient être soumis à résultat. Mais, malgré la loi, rien n’a changé. Du coup, on s’en remet à des codes éthiques… en toc.
Sans parler de toutes ces ordonnances ou autres décrets pris sans le consentement des parlements… Comme dirait mon garagiste : « est-ce la girouette qui tourne, ou le vent qui change de direction ? »
(Article publié sur le site « Les mots ont un sens »)