Menacé par la spéculation immobilière, un hôpital résiste en s’ouvrant sur la vie de son quartier (Basta)..

Pour que la solidarité ne soit pas un vain mot, il est important de s’impliquer dans le sauvetage de nos services publics et, l’hôpital dont on connaît les difficultés croissantes, en fait partie. Pour l”exemple, le CHU St Cyprien à Toulouse. Partagez ! Volti

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Par Lisa Giachino (L’âge de faire) via BastaMag

Cet article est tiré du numéro de juin 2019 du magazine L’âge de faire, partenaire de Basta !. Son dossier est consacré aux abeilles et au miel.

Coincé entre coupes budgétaires, gentrification et promotion immobilière, l’hôpital de La Grave, à Toulouse, fait de la résistance. Résolument ancré dans la vie du quartier populaire de Saint-Cyprien, le CHU est défendu bec et ongles par un collectif de personnels, de syndicats, d’associations et d’habitants. Ces derniers défendent « une vision sociale de l’hôpital » à rebours des politiques récentes, ainsi qu’une médecine urbaine de proximité accessible aux personnes précaires. Un centre auto-géré, qui oriente les patients les plus vulnérables vers des services de l’hôpital, s’y est même établi. Reportage.

Toulouse, rive gauche. Christine Torrent n’a pas choisi au hasard le lieu de notre rendez-vous. Les anciens abattoirs, transformés en 1995 en musée d’art contemporain, incarnent l’évolution de son quartier, Saint-Cyprien. « Quand j’étais petite, on avait honte de dire qu’on habitait là. C’était complètement insalubre. Et maintenant, à notre grand désespoir, on est devenu un quartier à la mode », résume-t-elle.

Cette ancienne directrice de MJC est fière du musée, dont elle a suivi de près la naissance. Pourtant, elle n’oublie pas ce qu’était le quartier dans son enfance, il y a un demi-siècle. Quand on marche à ses côtés, l’histoire se superpose au présent. Et l’histoire qu’elle raconte est celle de vies pauvres économiquement, mais riches de sensations, de moments collectifs, et de choses à la fois savoureuses et répugnantes, « qu’on ne peut plus faire aujourd’hui ». Exemple : « Entre le sang qui coulait des abattoirs et les déchets de l’hôpital, je vous dis pas les gros poissons qu’on pêchait ! »

« Ce qui nous énerve, c’est qu’ils pensent qu’ils peuvent construire sans nous »

Longtemps, la rive gauche est restée un lieu de rebut pour Toulouse. Les fortifications, puis les digues, ne protégeaient que la rive droite. « Dès le Moyen Âge, les bourgeois qui faisaient commerce étaient dans le cœur de la ville, tandis que s’accumulaient ici les gens qui ne pouvaient pas payer la dîme, explique Christine. Jusqu’à mes 30 ans environ, le quartier est resté en l’état. Petite, j’allais à la douche municipale. » Les parents de Christine font partie des nombreux républicains espagnols qui se sont réfugiés à Toulouse, et ont été envoyés rive gauche.

C’est selon elle de cette histoire populaire que le comité « Saint-Cypr’ Quartier libre » tire sa puissance militante. « On a plus de 600 adhérents de tous les âges. Nous sommes les queues de comète de luttes successives qui ont formé des tempéraments. » Présidé par Christine, le comité porte « plein de petites actions, dans lesquelles les gens s’impliquent sur un temps donné ». Il est aussi très engagé sur les questions d’urbanisme. « Ce qui nous énerve, c’est qu’ils pensent qu’ils peuvent construire sans nous. Plusieurs fois, on les a obligés à revoir des projets ! »

Revendiquer des espaces publics ouverts et conviviaux

Sur le chemin de la digue qui protège désormais la rive gauche, Christine partage quelques-unes de ces victoires avec des touristes croisés par hasard. L’une de ses grandes fiertés concerne le port fluvial Vigueurie : une simple cour pavée, nue. « On n’a pas voulu de théâtre, dit-elle. On veut des espaces publics simples, où on fait ce qu’on veut : bals, projections… » Attachés à ces lieux de liberté et de convivialité gratuite, les habitants ont aussi empêché le réaménagement d’une place qui aurait supprimé boulodrome et bancs publics.

L’une des grandes luttes actuelles concerne l’hôpital de La Grave : six hectares de bâtiments et de jardins qui forment un étrange territoire. On y pénètre officiellement en passant sous une arche du pont Saint-Pierre, qui se prolonge sur la terre ferme après avoir enjambé la Garonne. Mais on peut tout aussi bien se retrouver sans le faire exprès dans cette enclave appartenant au Centre hospitalier universitaire (CHU).

Les bâtiments de briques rouges, beaux mais souvent vétustes, sont rangés derrière la chapelle Saint-Joseph et son célèbre dôme, vedette des cartes postales de Toulouse. Certains sont classés monuments historiques, et l’une des cours intérieures porte la marque de l’inondation de 1875 qui avait dévasté le quartier. D’autres constructions éparpillées sont moins glorieuses, ce qui n’empêche pas le site d’accueillir une diversité de services médico-sociaux : la halte santé, qui héberge des SDF ayant besoin de soins légers ; la permanence d’accès aux soins (Pass), pour les personnes qui n’ont pas encore ouvert de droits à la sécurité sociale ; le centre de santé sexuelle… Fidèle à son histoire, au cours de laquelle il a reçu [1] les pestiférés, les pauvres et les prostituées, l’hôpital de La Grave accueille les populations les plus vulnérables.

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Lisa Giachino / L’âge de faire via BastaMag

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