Ce qu’on a tendance à oublier, c’est qu’au Japon la catastrophe de Fukushima n’est toujours pas terminée, qu’il continue à y avoir des cancers de la thyroïde, que les fuites au niveau des réacteurs sont toujours nombreuses et incontrôlables, que la contamination est toujours croissante, et que si Tchernobyl fut un problème majeur, Fukushima est devenu un problème planétaire ignoré pour de multiples raisons. Et ce qui va advenir de ceux ayant habité la zone contaminée vont devoir retourner chez eux. Une grosse pensée à toutes ces victimes ignorées…
Ce qui obligera les réfugiés à retourner vivre en milieu contaminé
Un entretien avec Ken Sakamoto qui milite pour le maintien de l’aide au logement
Voici des extraits de la version française d’un entretien avec Ken SAKAMOTO.
Traduction «nos voisins 311»
La version française complète
La version originale de l’entretien, en anglais et japonaisINTRODUCTION à l’entretien
Avec les Jeux Olympiques à l’horizon et pour montrer au monde que le Japon a totalement récupéré du triple désastre qui a frappé la région de Tohoku en 2011, y compris la crise en cours de Fukushima et au-delà, Sinzo Abe et les gouvernements locaux ont clairement indiqué aux dizaines de milliers d’évacués qu’il est temps de rentrer dans leur région d’origine.
Le Japon affirme qu’une quantité suffisante de travaux de décontamination a été réalisée pour que les évacués retournent en toute sécurité sur leurs terres contaminées.
Cependant, beaucoup d’entre eux n’acceptent pas la propagande déployée par les gouvernements locaux et sont réticents à rentrer et ce à juste titre.Afin d’accélérer le processus de retour, le gouvernement a adopté des mesures drastiques, à savoir arrêter l’aide au logement et les autres compensations, à la grande majorité des évacués d’ici la fin mars 2018, les obligeant ainsi à retourner dans leur lieux d’origine.
Malgré une très mauvaise information par les medias japonais, Fukushima a été témoin d’un énorme acte de résistance de la part des résidents; de nombreux citoyens se sont organisés en groupes et associations à but non lucratif, déterminés à lutter contre des réformes exerçant des pressions sur les évacués. Un des leaders les plus dévoués est Ken Sakamoto que j’ai eu le privilège de rencontrer via les réseaux sociaux. Il m’a été présenté par une de mes chères amies d’Evacuate Fukushima福島の子供を守れ,Yukiko Young. M. Sakamoto est un être incroyable et se bat avec tout son cœur et son esprit afin de protéger la vie des enfants et des résidents de Fukushima.
M. Sakamoto a accepté d’être interviewé par nous et nous lui avons promis de diffuser l’entretien autant que possible, et de le partager ; espérons-le, beaucoup plus largement que ce que les media ont fait jusqu’à présent, contre leur gré. Nous sommes tous une plateforme pour transmettre au monde les voix oubliées de Fukushima.
Veuillez lui apporter votre soutien et aussi aux milliers de victimes en lisant cet entretien et en le partageant largement.
A la fin de l’article, vous trouverez les liens où vous pouvez faire un don qui sera de l’aide directe aux victimes. Beaucoup de gens m’ont demandé comment ils pouvaient aider. Voici la solution !Extraits de l’Entretien:
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Nelson :
Qu’est ce qui vous a amené à cette lutte pour protéger les droits des habitants de Fukushima ?Sakamoto :
Jusqu’à présent, beaucoup de citoyens ainsi que les experts, ont fait remarquer l’insuffisance des politiques. Ainsi le gouvernement central et la préfecture de Fukushima se renvoient la responsabilité, ignorent les nombreuses voix du peuple tout en menant une politique d’abandon vis à vis d’une partie de la population, quoique de manière camouflée. En effet, pour protéger les enfants, nous devons défendre nos droits à l’évacuation, et assurer la perennité de leur hébergement est crucial. Telles sont les raisons pour mes actions aujourd’hui.Nelson:
Si je comprends bien, l’aide au logement pour les déplacés se termine à la fin de l’année fiscale 2016 (au mois de mars 2017) pour les zones dont la radioactivité ambiante est au-dessous de 20mSv/an, et à la fin de l’année fiscale 2017, partout où la radioactivité sera en dessous de 50mSv/an.
A la fin de 2018, il n’y aura plus aucune compensation. Qu’est ce que cela signifie pour les milliers de familles qui ont du reconstruire leur vie ailleurs et qui devront recommencer une vie nouvelle ?Sakamoto :
Votre commentaire sur la remise à zéro est tout à fait correct. A mon avis, le gouvernement central a constamment déployé des efforts pour minimiser les dommages de l’accident nucléaire tout en exerçant des pressions sur les médias. On peut presque parler ici d’un contrôle de l’information.La préfecture de Fukushima a mis en priorité la sauvegarde du gouvernement local plutôt que la santé et la vie de ses ressortissants. L’ETHOS qui avait été actif dans les coulisses à Tchernobyl est entré en scène sans tarder à Fukushima, et a recommandé de vivre avec la radiation, prétendant qu’il était là pour protéger la santé des habitants de Fukushima.
Derrière la série des événements, on aperçoit les figures de l’AIEA, de la CIPR et de l’UNSCEAR. Toutefois, j’ai l’impression que l’éducation après guerre a fait des Japonais un peuple docile qui suit les autorités et les média aveuglément. Même si la diffusion de l’accès à l’internet empêche le contrôle complet de l’information, le fait est que les personnes n’ayant pas accès à une information véridique, ne se rendent même pas compte qu’ils sont dupés. Ceux qui ne sont pas conscients de la manigance du gouvernement se laissent abuser à cause de leur discrétion, élément caractéristique du caractère japonais. Parmi ceux qui bénéficient de la ”Compensation” (quoi qu’insuffisante ), beaucoup ne réalisent même pas qu’ils ont été manipulés à ne pas réclamer leurs droits légitimes à cause de leur sentiment de culpabilité vis-à-vis des personnes qui elles sont privées du droit à la “Compensation”. Une partie de sinistrés ont fini par accepter leur situation comme inévitable. C’est dommage.
Toutefois, il existe également des déplacés ayant une forte conscience de leurs droits qui s’élèvent contre cette maltraitance injustifiable.
Le gouvernement central ainsi que TEPCO, les auteurs, non seulement ne reconnaissent pas leur responsabilité pénale mais ils essaient en plus de s’en tirer sans remplir la responsabilité de la “Compensation”. Cela me met en rage. A cause de députés parlementaires sans coeur, à cause du sabotage et de l’absence de prise de décision de la part des administrateurs, les victimes ne peuvent que vivre au jour le jour, et dans la situation où ils se trouvent, ne voient plus que l’option de la mort.
…
Les autorités ne jouissent pas de l’adhésion des sinistrés.Nelson :
Quel est le consensus parmi les membres des familles concernant un tel déplacement? J’ai lu quelque part que 40% ne souhaitent pas rentrer, ce qui est compréhensible. Est ce exact ?Sakamoto :
En ce qui concerne les évacués de la zone d’exclusion où l’ordre d’évacuation a été appliqué, la part de la population souhaitant retourner est d’environ 20%. Ceux qui n’arrivent pas à prendre une décision définitive et continuent la vie de réfugié représentent entre 30 et 40%. Le reste de la population, c’est-à-dire entre 40 et 50%, considère qu’il n’est pas possible de rentrer, et souhaite reconstruire leur vie ailleurs rapidement. Au fur et à mesure que la période d’évacuation s’allonge, la part de la population qui considère qu’il n’est pas possible de rentrer augmente.…
Quant aux auto-évacués (ntr : ceux qui ont quitté des régions en dehors des zones d’évacuation officielles), la grande majorité souhaite demeurer où ils sont, et ce souhait est de la première importance pour eux. Il existe de plus en plus de personnes qui sont rentrées malgré elles pour des raisons financières ou à cause de conflits au sein de la famille. Généralement, les gens ne comprennent pas la situation des refugiés. Aussi, il est difficile de dire combien de refugiés comprennent pleinement la démarche d’arrêt de l’aide de “Compensation” de la préfecture de Fukushima. Dans ce sens, une audition publique est nécessaire, et la préfecture de Fukushima a la responsabilité de s’expliquer.Article en intégralité sur Vivre-apres-fukushima.fr