Bon, les exemples ne sont pas non plus légions, mais il fut pourtant une époque, pas si lointaine, où les stars du ballon rond ne vivaient pas en lévitation dans leur bulle au dessus de la plèbe. Certains se sont ainsi engagés avec tous les risques que cela comporte, contre la junte de Pinochet, pour la démocratie au Brésil ou encore en soutien aux dockers britanniques…
Ils ont marqué l’histoire du football, et pas seulement par leur jeu. Socrates au Brésil, Carlos Caszely au Chili, Robbie Fowler au Royaume-Uni : ces joueurs se sont engagés à leur manière en faveur des opprimés. Les deux premiers contre les dictatures latino-américaines, le troisième en faveur des dockers en grève de Liverpool. A l’heure où le foot est totalement dominé par l’argent et une logique économique malsaine, ces trois portraits nous rappellent qu’une autre conception du football est possible. En partenariat avec Fakir Éditions à l’occasion de la sortie du livre « Comment ils nous ont volé le football ».
Chili : un footballeur contre Pinochet
« Très peu de sportifs se sont fait connaître pour des prises de positions politiques ou sociales. Par peur. Parce qu’ils ont peur qu’on leur fasse payer. C’est d’ailleurs ce qui m’est arrivé. Je continue de payer la note aujourd’hui car j’ai cru à la valeur de la démocratie. » Chili, 11 septembre 1973. La junte militaire renverse par un coup d’État le socialiste Salvador Allende, élu démocratiquement. Durant les dix-sept années de dictature qui vont suivre, un joueur de football s’oppose au régime : le buteur vedette de l’équipe chilienne, Carlos Caszely. Sa notoriété devient une arme politique, d’autant qu’il dispose d’un avantage : il joue en Espagne, lorsqu’il revient au Chili les micros lui sont tendus et il critique ouvertement le régime. « Je n’ai pas hésité un instant à quitter le Chili. Je n’aurais pas pu alors dire tout ce que j’ai dit à l’époque, explique-t-il. J’étais la voix du peuple qui souffrait. »Car les Chiliens manquaient bel et bien de soutien. Même dans le football.
Le Stade de la Mort
En novembre 1973, juste après le coup d’Etat, l’Union Soviétique doit se rendre au Chili pour un match de barrage. Qui devrait se tenir à l’Estadio Nacional, rebaptisé « le Stade de la Mort » : y sont détenus, et torturés, les prisonniers politiques. Impossible de jouer dans ces conditions, estime la fédération russe.
Le journaliste chilien Vladimir Mimica, alors emprisonné, se souvient : « Nous on dormait juste au-dessous de ces tribunes. C’était la grande incertitude, on ne savait pas ce qu’allait être notre avenir, notre destinée. Plusieurs compagnons qui étaient partis à l’interrogatoire ne sont jamais revenus. Beaucoup d’entre nous ne s’étaient jamais vus, mais nous avions tous un dénominateur commun : nous avions soutenu Salvador Allende. »
Gênée, la Fifa tergiverse puis, après une rapide visite, décrète qu’au Chili « le cours de la vie est normal, il y a beaucoup de voitures et de piétons, les gens ont l’air heureux et les magasins sont ouverts ». Quant à « l’Estadio Nacional », la délégation n’y voit qu’ « un simple camp d’orientation ».
L’URSS refuse, néanmoins, de se déplacer. S’ensuit alors le match le plus ridicule de l’histoire : devant quarante mille spectateurs, l’équipe chilienne entre seule sur la pelouse et entame un match sans adversaires ! Au bout d’un moment, Francisco Chamaco Valdes pousse la balle dans le but vide. La Fifa avalisa le score de 1-0 et la qualification du Chili. Carlos Caselzy en garde un goût amer : « Ça a été le show le plus débile qui ait eu lieu. Et j’ai été acteur de ce show. »
Refus de serrer la main de Pinochet
Qualifiée pour le Mondial de 1974 en Allemagne, la sélection chilienne est reçue par le général Pinochet en personne avant son envol pour l’Europe. Carlos Caslezy décide de frapper fort : « D’un coup les portes s’ouvraient et il y avait ce type avec une cape, des lunettes noires et une casquette. Avec une figure aigre. Sévère. Il commence à marcher… Et à saluer les joueurs qualifiés pour le Mondial en Allemagne. Et quand il arrive très près, très près, je mets mes mains derrière moi. Et quand il me tend la main, je ne lui serre pas. Et il y a eu un silence qui pour moi a duré mille heures. Ça a dû être une seconde ? Et il a continué. Moi, comme être humain, j’avais cette obligation parce que j’avais un peuple entier derrière moi en train de souffrir, et que personne ne faisait rien pour eux. Jusqu’à arriver à un moment où j’ai dit stop… Non à la dictature ! Au moins, laissez-moi protester. Au minimum, laissez-moi le dire. Au minimum, laissez-moi dire ce que je ressens. »
Son geste, l’attaquant le paiera très cher. À son retour d’Europe, sa mère lui confie, en larmes, qu’elle a été arrêtée et torturée. Le joueur ne peut y croire : « Je lui ai dit « arrête maman il ne faut pas plaisanter avec ce genre de choses ». Elle m’a montré sa poitrine avec ses brûlures et j’ai pleuré comme un enfant. Ils m’ont fait payer ça sur ce que j’avais de plus cher. Ma mère. »
Le clip thérapie
En 1988, Pinochet organise un référendum pour sa réélection. Carlos Caszely enregistre un clip de campagne, avec sa mère qui témoigne, pour que le peuple vote « non », contre le général. « Ce clip fut une libération pour ma mère. Elle a pu dire les choses publiquement et j’ai senti que ce fut une forme de thérapie », confie-t-il. Cette prise de position, d’une icône nationale, a un grand impact sur les Chiliens. Selon les analystes, elle aurait convaincu près de 7% des indécis à voter « non ». Le 6 octobre, les résultats tombent : 44,01 % des voix aux partisans de Pinochet, contre 55,99 % à ses adversaires victorieux. Caszely l’emporte après les prolongations… [1]
Brésil : Socrates et la démocratie maintenant !
« Au départ, nous voulions changer nos conditions de travail, puis la politique sportive du pays, et enfin la politique tout court. » Ainsi parlait Socrates. C’est que sous la dictature militaire, il a vite compris vite le sens du mot « engagement » : « Quand je suis rentré au lycée à 16 ans, j’ai vraiment ressenti la répression. Il y avait des camarades de classe qu’il fallait cacher, d’autres qui s’enfuyaient. » Diplômé de médecine, il poursuit en parallèle une carrière de footballeur aux Corinthians de Sao Paulo.
Un coach élu par les joueurs
Alors que le club végète, sa présidence échoit, en 1981, à un jeune sociologue, Adilson Monteiro Alves, déjà passé par la case prison. Sa technique surprend : il redistribue les bénéfices et surtout, il demande l’avis des joueurs, les fait choisir eux-mêmes leur coach ! « Dès le début, il nous a expliqué qu’il serait toujours à notre écoute, se souvient Wladimir. Avec Socrates, nous y avons vu l’occasion d’exprimer nos sentiments. Entre nous, on ne parlait pas forcément de politique, mais plutôt de la structure du foot brésilien, qui était très archaïque, avec les pouvoirs très concentrés au niveau de la fédération. Alors, de fil en aiguille, nous avons établi un système dans lequel chaque décision serait soumise au vote et où les simples employés du club auraient le même poids que les dirigeants. On organisait des réunions au siège du club à chaque fois qu’une décision importante devait être prise. »
Ces assemblées réunissent les joueurs, les dirigeants, jusqu’aux chauffeurs de bus. « Nous voulions dépasser notre condition de simples joueurs travailleurs pour participer pleinement à la stratégie d’ensemble du club, raconte Socrates. Cela nous a amenés à revoir les rapports joueurs-dirigeants. Les points d’intérêt collectif étaient soumis à la délibération. »
« Gagner ou perdre, mais toujours en démocratie »
Les résultats suivent. L’équipe remporte deux championnats de suite, en 1982 et 1983. Dès lors, d’autres clubs cherchent à appliquer cette recette magique : Palmeiras et le FC Sao Paulo d’abord. Puis le mouvement gagne Rio et le plus grand club du pays, Flamengo. Mais surtout, le phénomène se propage hors du football. Alors que la publicité apparaît sur les maillots de foot, les Corinthians floquent les leurs d’un simple mot : « Democracia ». Et en 1983, à l’occasion de la finale du championnat opposant les Corinthians à Sao Paulo, l’équipe se présente sur le terrain avec une banderole : « Gagner ou perdre, mais toujours en démocratie. »
« Socrates faisait tout pour qu’on cite notre mouvement en exemple et qu’il s’étende à d’autres sphères de la société brésilienne, rapporte Zenon. Il donnait sans arrêt des interviews et expliquait notre fonctionnement pour que les gens comprennent qu’il était possible d’avoir une vision collective et démocratique des choses, qui allait à l’encontre du système de la dictature militaire, où c’était chacun pour sa gueule. » C’est une émancipation que décrit le capitaine, les joueurs s’exprimant « avec plus de liberté, de joie et de responsabilité. Nous étions une grande famille, avec les épouses et les enfants des joueurs. Chaque match se disputait dans un climat de fête. Sur le terrain, ils luttaient pour la liberté, pour changer le pays. Le climat qui s’est créé leur a donné plus de confiance pour exprimer leur art. »
Poings dressés
Socrates prend directement part au mouvement « Diretas Ja », pour « élections directes maintenant ». Le député Dante de Oliveira a, en janvier 1983, déposé un amendement, afin de permettre l’élection du président de la République au suffrage direct, et s’en est suivie une vague contestataire, des manifestants, par centaines de milliers, défilent dans les principales villes du Brésil. Le régime militaire déclare l’état d’urgence pendant soixante jours.
Socrates et ses compagnons des Corinthians deviennent des figures phares. « Il n’était pas là lors de la confection des panneaux pour les manifestations, mais il donnait de sa personne en assistant à toutes les réunions, en donnant des dizaines d’interviews pour inciter les gens au changement. Durant tout le temps qu’a duré le mouvement, il ne s’est pas entraîné normalement une seule fois. Il se sentait investi d’une mission ». Lors de sa mort, sur tous les stades du Brésil, une minute de silence a précédé les matches. Les spectateurs ont dressé le poing en l’air, comme le faisait le joueur quand il marquait un but. [2]
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Le ballon rond et les bollocks !
Ca pourrait en inspirer certains sûrement.
combien de joueurs aujourd’hui en seraient-ils capables:
AUCUNS..
De toutes façons, plus con qu’un supporter de foot, c’est de la pathologie mentale.
Le foot est l’opium du peuple, enfin d’un certain peuple. C’est devenu une sorte de religion. Il est vrai que lorsqu’on voit le comportement des supporters mais également des joueurs, on se dit que c’est possible effectivement que le foot ça rende très con !
+1
Je plussoie..
Amusant, l’article précédent parlait d’intelligence artificielle, celui ci parle de la stupidité naturelle.