Les Faucheurs volontaires, un collectif né en 2003 pour « neutraliser » les disséminations de plantes génétiquement modifiées (PGM) dans l’environnement, avaient, en août 2010, détruit un essai de vignes avec porte-greffes transgéniques de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra). Condamnés en première instance, ils avaient immédiatement payé les 57 000 euros de dommages et intérêts que le tribunal avait établi pour l’Inra… mais refusaient leur condamnation au pénal. Le 14 mai 2014, la Cour d’appel de Colmar leur donnait raison et décidait de les relaxer. Dans son jugement, la Cour souligne avec force détails que l’Inra n’étaye pas l’absence d’impacts comme elle le prétend (cf. encadré ci-dessous). Récit d’un procès qui dure depuis presque quatre ans.
15 août 2010 : 70 ceps de vigne transgénique arrachés
Ils étaient une soixantaine de faucheurs volontaires, âgés de 18 à 76 ans qui, en août 2010, avaient entièrement détruit un essai en champs de porte greffe génétiquement modifiés (par transgénèse) réalisé par l’INRA de Colmar [1] afin de résister au virus du court-noué. Pour eux, « la recherche fondamentale sur les OGM doit uniquement s’effectuer en milieu confiné. Elle doit répondre aux véritables besoins de la société et ne pas faire le jeu du marché ». Et de continuer : « Cultiver de la vigne transgénique en plein champ pour l’étude d’une maladie qui ne menace pas la production française, ne visait qu’à l’acceptation sociale des OGM en France ».
Septembre 2011 – un réquisitoire relativement léger
Le 30 septembre, le procureur de la République avait requis trois mois de prison avec sursis pour les non récidivistes et 100 jours amendes à 20 euros pour les six récidivistes. L’Inra, lui, demandait 540 000 euros de dommages et intérêts pour les destructions occasionnées. Interrogée par Inf’OGM, la responsable de la Confédération paysanne d’Alsace nous avait confié que les « Faucheurs étaient sortis plutôt satisfaits de l’audience » et que « les juges avaient bien écouté les arguments mis en avant par les Faucheurs, notamment la remise en cause de la politique de recherche mise en place par l’Inra ».
Octobre 2011 – Jugement en première instance : indemnisation pour l’Inra, sursis et amendes pour les Faucheurs
Le 14 octobre 2011, le tribunal correctionnel de Colmar avait condamné les Faucheurs volontaires récidivistes à des peines de 60 jours-amendes à 20 euros (soit la somme de 1200 euros) et les non récidivistes à une peine de deux mois de prison avec sursis. Quant au préjudice moral, il avait été évalué par le Tribunal au paiement d’un euro symbolique. Enfin, l’Inra bénéficiera d’une indemnisation de 57 000 euros [2].
En préalable de ce verdict, l’Inra avait diffusé à l’ensemble du personnel un message qui précisait : « A cette occasion [le verdict], la direction générale nous demande la plus grande mobilisation pour défendre notre liberté de chercheur en nous affichant clairement en blouse blanche ». La Direction avait organisé, pour les salariés prêts à se mobiliser, une réunion avec le directeur de la communication, Jean-François Launay, la veille du délibéré, « afin de préparer les messages que les uns et les autres seraient éventuellement amenés à diffuser en réponse à des questions de faucheurs ou de journalistes ». Elle était allé jusqu’à préciser dans cette note que « des banderoles avec des slogans clairs sont en préparation et seront à notre disposition ». Curieuse pratique de l’Inra…
Les Faucheurs font appel au pénal mais non au civil
Les faucheurs volontaires, condamnés en première instance, avaient fait appel au pénal mais pas au civil… En effet, ils avaient été condamnés, au civil, à indemniser l’Inra. Ils n’ont pas voulu faire appel de leur condamnation au civil, principalement pour deux raisons : ils craignaient de voir les dommages et intérêts grossir ; et ils souhaitaient surtout voir juger l’affaire sur le fond. Obtenir une relaxe au pénal pourrait faire jurisprudence : ce serait alors une reconnaissance de l’état de nécessité. Les faucheurs ne souhaitaient donc pas « polluer » les débats avec des questions matérielles sur l’ampleur du préjudice subi par l’Inra. Les Faucheurs ont d’ores et déjà payé l’ensemble de la note à l’Inra.
L’Inra a demandé à être partie civile de l’appel au pénal. Une ordonnance du juge, en date du 8 juin 2012, refuse à l’Inra le droit de siéger en tant que partie civile dans cet appel, considérant que l’Institut n’a pas à participer à ces débats, pour des raisons techniques et juridiques. Malgré cette ordonnance, l’Inra avait décidé de plaider sa participation le jour de l’audience, mais la Cour a confirmé sa première interprétation. L’Inra avait fait appel de cette décision devant la Cour de Cassation, qui, le 20 mars 2013 [3] et le 18 décembre 2013 [4], l’avait débouté.
Les Faucheurs soulignent qu’ils ne refusent pas de débattre avec l’Inra, contrairement à ce que cet institut affirme dans la presse. En effet, ils ont agi à visage découvert, de jour, et n’ont pas fui leur responsabilité face à la police.Mars 2014 : le procès en appel : le procureur demande l’annulation des peines de prison avec sursis.
Les 19 et 20 mars 2014, les 54 inculpés ont comparu. Ils ont défendu leur action, par des arguments juridiques, scientifiques et politiques : « Lorsque la démocratie est bafouée à tous les niveaux, il ne reste plus que la désobéissance civile pour se faire entendre », précisent-ils dans un communiqué de presse. Ce procès est une nouvelle occasion pour le collectif des Faucheurs volontaires d’exprimer leur refus radical de toutes disséminations dans l’environnement de plantes génétiquement modifiées. Cette destruction était donc « nécessaire » au sens où ils considèrent qu’ils ont agi « face à un danger imminent ». L’état de nécessité, prévu par le code pénal, a été à plusieurs reprises accepté par un tribunal [5] [6] [7] [8].
Deux éléments méritent aussi d’être mentionnés : d’une part, une certaine illégalité de l’essai. Cet essai est resté en terre malgré l’absence d’autorisation légale du 1er janvier 2010 au 17 mai 2010. Ainsi, pour respecter la réglementation, l’Inra aurait dû le « faucher » lui-même dans l’attente de la nouvelle autorisation. Les Faucheurs ont d’ailleurs porté plainte pour cette illégalité [9]. Plainte, une première fois rejetée, par le ministère publique pour « manque de preuve », mais redéposée depuis auprès du doyen des juges d’instruction de Colmar. Par ailleurs, les Faucheurs soulignent une autre illégalité : contrairement à ce qu’impose le droit européen, en cas d’incertitudes sur certains dangers de tels essais d’OGM dans l’environnement (comme les contaminations ou des recombinaisons virales génétiques découvertes par l’Inra lui-même), leurs mises en place doivent être précédées d’une étude de probabilité d’occurrence de de ces mêmes dangers au moyen d’essais confinés préalables. Ce que l’Inra n’a pas fait. Et comme l’a souligné l’un des l’avocat, « pour qu’il y ait délit, il faut que la parcelle ait été autorisée » en bonne et due forme.
D’autre part, la Cour d’appel a refusé six témoins sur dix, prétextant qu’ils avaient déjà pu s’exprimer lors du procès en première instance. L’avocat des Faucheurs a souligné aux juges qu’il s’agissait d’une atteinte aux droits de la défense. Ont ainsi témoigné Claude Bourguignon, Patrick de Kochko et Christian Vélot.
Si les Faucheurs demandent donc la relaxe, le Procureur de la République a requis des jours amendes – sans les chiffrer – pour l’ensemble des prévenus, amendes qu’il demande de moduler selon les revenus et les récidives. Il laisse donc les montants à l’appréciation des juges. Il a aussi demandé l’annulation des peines de prison avec sursis. Enfin, le procureur ne s’oppose pas à la demande des Faucheurs que cette condamnation ne soit pas inscrite au casier judiciaire B2 [10]. Pour Guilllaume De Crop, un des inculpés, joint au téléphone par Inf’OGM, le réquisitoire est « clément ». Il suppose que comme « les juges étaient à [leur] écoute », le verdict sera allégé par rapport à celui de la première instance.
14 mai 2014 : La Cour d’appel relaxe les 54 Faucheurs volontaires
Allégé… Guillaume de Crop ne croyait pas si bien dire. Il ne s’attendait sans doute pas à un tel jugement : une relaxe en appel ! Une première pour les Faucheurs. Ils avaient déjà été relaxés à plusieurs reprises en première instance, mais les Cours d’appel avaient systématiquement annulé ces relaxes au profit de peines de prison avec sursis et d’amendes. À Colmar, la Cour a reconnu un des arguments des Faucheurs, à savoir que l’autorisation de cet essai délivré par le ministère de l’Agriculture était illégale. Ainsi, ne pouvait être caractérisé le délit de destruction. Cependant, elle a jugé les 54 faucheurs coupables de « violation de domicile », mais ne les a condamnés à aucune peine.
La Cour considère que l’Inra n’a pas conduit une évaluation adéquate
Dans son jugement, la Cour d’appel n’est pas tendre avec l’Inra, ni avec le Haut conseil sur les biotechnologies (HCB). Elle considère que la demande ne correspond pas aux exigences imposées, en terme d’évaluation, par la réglementation européenne. Concrètement, le juge considère que la demande de l’Inra « se contente d’affirmer, sans fournir la moindre donnée scientifique, que l’essai ne générera aucun risque, d’une part, pour l’écosystème, tout en reconnaissant que si une résistance de la plante s’exprimait, il n’est pas à exclure par contre que les populations virales évoluent ; d’autre part, pour la santé humaine, étant uniquement soutenu [sic] “nous n’avons observé aucune anomalie auprès des personnels travaillant au contact de ces plantes depuis 4 ans” ». Le juge considère que ces affirmations ne sont « nullement étayées par le moindre élément alors que les textes susvisés imposent au demandeur de fournir effectivement (…) les éléments d’information permettant d’évaluer l’impact de l’essai ». Il ajoute que le dossier « ne contient aucun renseignement de l’incidence éventuelle sur la dynamique des populations d’espèces dans l’environnement récepteur et la diversité génétique de chacune d’elles » et qu’il « ne contenait aucune analyse réelle des effets négatifs indirects, aucune étude de probabilité de survenance desdits effets négatifs (…) ne faisant qu’écarter ces risques sans aucune démonstration scientifique, retenant seulement que le transfert et la mobilisation de séquences issues des transgènes vers les bactéries du sol sont peu probables ». Il épingle encore l’Inra sur le fait que la demande « précise également (…) que la recombinaison des virus n’a jamais été observée en plein champ avec des plantes transgéniques (…) alors qu’au jour du dépôt de la demande certains scientifiques avaient publié des études ciblant le risque de recombinaison des virus dont celui produit par la plantes GM, ce que l’Inra (…) ne pouvait ignorer » ; et ajoute que l’Inra n’a pas étudié « les conséquences possibles d’une éventuelle propagation des transgènes par des insectes piqueurs ou suceurs [et que] la demande ne contient aucune analyse sur la vérification de la stabilité génétique des organismes modifiés, [(…) et que] l’absence des éléments évoqués ci-dessus ne peut se justifier par le caractère expérimental de l’essai dès lors que ce dernier devait s’effectuer en milieu non-confiné »…
Le jugement conclut donc que « compte-tenu du manque manifeste d’une véritable étude d’impact de l’essai en question répondant aux exigences réglementaires et malgré l’avis du Haut conseil sur les biotechnologies, il y a lieu à faire droit à l’exception d’illégalité invoquée ; qu’en effet, c’est par une erreur manifeste d’appréciation des risques inhérents à l’opération litigieuse que l’autorité ministérielle a autorisé cette dernière »…Suite de l’article sur Infogm.org
Et bée… il semblerait qu’il reste quelques Juges intègres dans ce système « juridique » de dérives constantes…
Espérons qu’ils finissent par reprendre le pouvoir !…
Attendons quand même de voir si il y a Cassation et où cela mènerait…
Ils ne sont pas tous pourris mais il y en a quand meme des biens blettes.
Au vu de l’engouement des moutons j’ai l’impression qu’il y a un ballon de foot dans le pré a coté de la bergerie. 🙂
Le paradoxe de cette justice étant qu’ils ont été acquitter mais ne récupérerons pas les 58.000,00 euros payés au civil.
Donc pas coupables mais payeurs !
Il serait pourtant logique que lors d’une relax au pénal, le jugement an civil soit anéanti !
Je connais un des faucheurs, un répugnant millionnaire, vicieux, gauchiste et ex FM ! faucheur mais pas fauché !