Glanage, cueillette et partage des aliments : mode d’emploi pour éviter le gaspillage

Pour se nourrir à moindre frais à la campagne, arton3756-c79e7éviter le gaspillage en ville ou pour le simple plaisir de trouver soi-même ses repas, le glanage et la cueillette reviennent au goût du jour. Glaneurs des marchés et glaneurs des champs réinventent ce droit d’usage, un peu tombé en désuétude. D’autres font pousser des fruits et légumes en libre-service, dans leur jardin ou les espaces publics. Une véritable philosophie de vie, qui change notre rapport aux aliments, à la nature, à la gratuité et au partage. Devenir glaneur-cueilleur, partager sa nourriture : mode d’emploi.

Cet article a initialement été publié dans la revue Village.

« Chaque année, quand la récolte des pommes de terre est terminée, je vois arriver les glaneurs. Il y a toujours des tubercules qui passent au travers des machines. Plutôt que de les laisser pourrir sur place, je laisse les gens les ramasser à la main. Ce n’est pas un manque à gagner, je vends de gros volumes. C’est plutôt l’occasion de discuter de mon métier », témoigne Éric Fallou, président de la Fédération nationale des producteurs de plants de pommes de terre et agriculteur en Eure-et-Loir. Il est l’un des rares à accepter de témoigner. Car le glanage, autrefois très répandu dans nos campagnes, est devenu tabou. Les agriculteurs sont attachés à la propriété privée. Et les glaneurs craignent d’être assimilés à des précaires. Ce qu’ils sont parfois, mais pas toujours. Glaner permet certes de réaliser des économies, mais aussi de limiter le gaspillage. C’est d’abord une philosophie de vie. Ce droit d’usage, un peu tombé en désuétude, reste à réinventer.

Que dit la loi ?

On distingue le glanage, qui consiste à ramasser ce qui reste au sol après la récolte, du grappillage, qui consiste à cueillir ce qui reste sur les arbres ou dans les vignes. En 1554, un édit royal stipule que le glanage est autorisé aux pauvres, aux malheureux, aux gens défavorisés, aux personnes âgées, aux estropiés et aux petits enfants ! Ce texte est toujours en vigueur, mais on se référera plutôt à l’article 520 du code civil et à l’article R26 du code pénal pour établir un cadre juridique. Un collectif de juristes montpelliérain déduit de ces textes que le glanage est désormais autorisé pour tous, après la récolte et en journée, sauf arrêté municipal contraire. Il reste cependant interdit sur un terrain clôturé. Dans les faits, les propriétaires d’un champ ouvert apprécieront que vous veniez leur demander la permission. Le grappillage, lui aussi, est licite dans les mêmes conditions, mais la jurisprudence l’assimile fréquemment au maraudage, donc au vol. Par précaution, limitez-vous aux fruits tombés ou demandez aux propriétaires. Enfin, le râtelage qui consiste à utiliser un instrument est considéré comme une récolte. Il est donc interdit.

Un réseau pour cueillir

Aujourd’hui, c’est surtout chez les gros producteurs d’oignons ou de pommes de terre qu’on observe encore des scènes de glanage. Mais si l’on veut glaner sain, mieux vaut se tourner vers des agriculteurs bios. Les volumes sont moindres, mais les surplus existent. « Suite au désistement d’un client, j’ai laissé grainer 500 salades sur pied, regrette Sébastien Corneaux, maraîcher bio en Saône-et-Loire. Si j’avais connu un réseau de glaneurs, j’aurais pu faire des heureux. »

Réseau, le mot est lâché. L’association Ondine, spécialisée dans les circuits courts, tente de mettre en place un glanage organisé avec les producteurs bios des Monts du Lyonnais. « Le terme fait peur à la chambre d’Agriculture. Mais on va se lancer sans elle, car les producteurs sont partants, explique Michel Gontier, bénévole à Ondine. Nous allons créer une plateforme internet sur laquelle les paysans pourront indiquer les jours et les lieux de glanage. En bio, on pratique la rotation des cultures. On ne peut pas laisser traîner des patates ou des carottes si l’on veut mettre des épinards ou des blettes. Il faut assainir le sol en récoltant l’intégralité du champ. Le glanage, c’est du temps de gagné pour les agriculteurs ! » Si vous connaissez des maraîchers bios, proposez-leur donc vos services.

Cinq tonnes de fruits !

Beaucoup de fruitiers sont devenus des arbres d’agrément et ont perdu leur fonction nourricière. Lassé de voir pourrir des fruits sur pied dans les jardins et vergers autour de Dijon, Thierry Deiller, fondateur de l’association Relais Planète solidaire, a décidé de les ramasser. « En septembre 2007, j’ai lancé un appel à travers la presse locale. Des dizaines de particuliers m’ont ouvert leur jardin. À l’automne 2009, avec un groupe de bénévoles, nous avons organisé notre première collecte Fruimalin et récolté cinq tonnes de fruits ! » L’expérience s’est renouvelée et Fruimalin est aujourd’hui une activité économique qui salarie une personne à l’année. Les plus beaux fruits – environ 10 % de la récolte – sont donnés au propriétaire du jardin, aux bénévoles qui les ramassent et au secteur caritatif. Le reste est transformé en confitures ou en jus, que l’association vend sur les marchés.

Pour ce faire, le collectif a investi dans un local aux normes, une chambre froide, un pressoir, etc. L’initiative rencontre un vrai succès chez les anciens, soucieux de ne pas gaspiller, et les paysans à la retraite qui disposent d’un verger, mais n’ont plus la force de récolter. Ainsi entretenus, les arbres conservent leur capacité de production. L’association cueille également dans la nature et chez des producteurs bios qui donnent leurs surplus ou les produits recalés au tri. « Notre modèle est reproductible. Avec sept tonnes de fruits et légumes diversifiés par an, on peut créer un emploi », témoigne Thierry Deiller. Soutenus par la Région, en 2014, quatre autres Fruimalin [1] vont se monter en Bourgogne.

Dessiner sa carte de glanage

La nature est un autre lieu de glanage. On parle alors de cueillette sauvage. Francis Nicolas, ancien cadre bancaire à Orléans, n’est pas dans le besoin, mais il adore arpenter la campagne à la recherche de nourriture. En homme organisé, il a reporté sur une carte IGN tous les lieux autour de son domicile où il trouve de quoi se sustenter en fonction des saisons. « Je me promène à vélo. Je suis à l’affût de ce que la nature peut m’offrir. Avec le temps, mon regard s’est aiguisé, explique-t-il. Quand je trouve de la mâche sauvage, j’observe dans quel sens vont les vents dominants et je marche en direction du premier talus. Les graines vont se fixer dessus. Je trouve systématiquement de nouvelles pousses. »

Francis est un adepte des salades sauvages. Il cueille aussi des baies d’églantier, de genévrier, de sureau, des prunelles, des noix, des merises et des pommes qu’il transforme en sirop, en apéritif, en compote et en confiture. Il est également grand amateur de champignons. « Je me nourris pour moitié avec un panier bio acheté à des producteurs, pour moitié avec ce que je trouve dans la nature, confie-t-il. Malgré une économie de plus de 100 euros par mois, ma motivation n’est pas pécuniaire. C’est juste pour le plaisir de cueillir ce que la nature nous donne. » Un conseil, quand vous trouvez un bon coin, indiquez- le sur votre carte et laissez toujours quelques pousses… En prévision de votre prochain passage.

Les bons conseils d’un guide nature

Quand on se promène avec Anthony Charretier, on s’arrête tous les trois mètres. Ici, ce sont de jeunes orties qui attirent son attention. Là, de l’oseille sauvage. Plus loin, du plantain, qu’il délaisse car il l’estime déjà trop dur pour être cueilli. Finalement, il se penche pour ramasser du pourpier. Les feuilles au goût citronné se mangent directement en salade et les tiges plus fermes se cuisent à la vapeur comme des haricots verts. Il termine la balade dans le champ voisin, parsemé de fleurs de mauve. Elles pourront joliment agrémenter une salade, mais s’utilisent le plus souvent en tisane contre la toux.

Sur le chemin du retour, on croise du chénopode blanc, qui se consomme cru ou cuit comme les épinards, et de l’amarante réfléchie dont les graines se préparent comme le quinoa. « Ces deux plantes étaient cultivées dès le néolithique. Aujourd’hui, plus personne ne les connaît, révèle-t-il. On a importé beaucoup de variétés en oubliant ce qui poussait spontanément chez nous. Si l’on plante côte à côte du pissenlit et un pied de tomate, c’est le pissenlit qui pousse le mieux. Normal, la tomate vient des Andes… La nature est un véritable garde-manger pour celui qui sait s’y repérer. On peut même consommer la fameuse renouée du Japon, cette invasive que tout le monde arrache. Je propose des sorties botaniques dans la campagne au grand public. Je suis étonné de voir que personne ne cueille rien. C’est un savoir-faire oublié. »

Cueilleur et animateur nature, Anthony [2] part quotidiennement ramasser une bonne partie de ses repas autour de sa yourte. En vacances dans le Var au printemps dernier, il a juste pris un peu de riz, de l’huile, du sel et du sucre et il a trouvé tous ses repas sur place : asperges sauvages, jeunes pousses de fenouil et de fragon, criste marine au goût de carotte… Avant d’aller glaner, n’hésitez pas à passer une journée avec un guide nature près de chez vous. Vous aurez un bon aperçu de ce que vous pouvez cueillir. À renouveler chaque saison.

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5 Commentaires

  1. février, la pleine période des pissenlits.
    j’en glane tous les dimanches en me promenant.

    je rajoute un oeuf dur écrasé, un oignon, ma petite vinaigrette et c’est parfait!

    • Et avec des lardons grillés, c’est encore meilleur !

    • Il n’y a pas que les pissenlits, les jeunes orties (soupe/salade), nombreux jets d’arbres et ou de plantes sont succulents et très riches en oligoéléments.
      Mais je conseille vivement de prendre garde où vous prélevez, faites cela en dehors des passages d’animaux sauvages (rage) ou d’élevage (urine et déjections), hors des sentiers battus (crachats, urine et déjections), et loin du trafic et exploitations minières (…!). Pour ce qui est des récoltes sur champs (ex : pdt) laissez délaver quelques jours (produits/terre).
      Nombreuses baies sont appréciables en fin d’été et automne, sureau (sirop) tilleul (thé)etc etc …
      Pour le séchage, une ficelle de boucher la plante pas totalement à maturité, tête en bas dans un endroit sec et ventilé. Le micro-onde est à proscrire, privilégiez le four traditionnel ou à chaleur tournante sur décongélation, c’est suffisant.

      • Concernant le séchage et la conservation des fruits; l’autre jour j’ai vu une vidéo d’une dame qui faisait du « fruit leather », un genre de pemmican de fruit ? Ca avait l’air d’être une canadienne ?

  2. c’est pas du glanage , mais du partage.
    connaissez vous l’association « incroyable comestible »

    http://www.colibris-lemouvement.org/revolution/planter-ce-que-nous-mangeons/5-actions-pour-planter-ce-que-nous-mangeons/je-plante

    si quelqu’un passe à castres, cette année ca sera, persil, tomate cerise et sauge et le tout avec plaisir

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