Big Brother existe… et tout le monde se fout de la menace : les raisons de notre étrange anesthésie collective

Alors que la construction par la NSA d’un « super-ordinateur » capable de briser n’importe quel code vient d’être révélée, les opinions publiques semblent de moins en moins se préoccuper de la protection de leur vie privée. Une indifférence qui n’est pas sans rappeler celle des masses apathiques décrites dans « 1984 » par Georges Orwell.

La NSA serait en train de construire un "super-ordinateur" capable de briser n'importe quel code

La NSA serait en train de construire un « super-ordinateur » capable de briser n’importe quel code Crédit REUTERS/Heinz-Peter Bade

Atlantico : La NSA serait en train de construire un « super-ordinateur » capable de briser n’importe quel code. Comment expliquer qu’une telle affaire suscite si peu d’indignation alors que le scandale du Watergate en 1974 avait débouché sur une crise politique historique ?

Thiébaut Devergranne : Plusieurs choses sont déjà à distinguer. Tout d’abord, le scandale du Watergate était celui d’un président américain qui utilisait tous les services dont il disposait pour réaliser des écoutes de journalistes. La logique de la NSA est différente puisque son objectif est d’assurer la sécurité nationale en espionnant ceux qui pourraient y porter atteinte, terroristes inclus. En se rendant compte aujourd’hui de l’ampleur et de la performance des interceptions de données, il n’est pas anodin de voir plusieurs personnes s’interroger sur les mécanismes de contrôle (et leurs efficiences) face à un organisme aussi titanesque. Mis en place dans les années 2000, ce système d’écoutes s’est évidemment légitimé par la peur des populations face à l’éventualité d’une suite d’attentats. Le premier de ces programmes a été baptisé « Total Information Awareness » (« Connaissance totale de l’information », NDLR) et a ainsi été créé en 2002 à la suite des événements du 11 septembre.

Michel Nesterenko : Comme toujours on peut faire dire ce que l’on veut aux statistiques, comme par exemple l’évaporation du chômage, mais on ne peut s’empêcher de remarquer que les récents sondages aux États Unis indiquent une large majorité populaire pour faire cesser les activités de la NSA, chez tous ceux ayant une éducation supérieure. La courbe étant inversée pour ceux qui ont peu où pas d’éducation, qui eux, sont pour un Etat policier et totalitaire pouvant imposer sa volonté aux autres pays étrangers.

Les experts sollicités par le président ont remis un rapport qui recommande la disparition de la NSA en tant que telle, et de muter certains services dans les forces armées. Le monde de l’entreprise est unanime pour la cessation pure et simple de la NSA, compte tenu des dégâts économiques considérables infligés par la NSA, organe du gouvernement américain, aux entreprises américaines qu’elle était supposée protéger.

Jusqu’au New York Times, un média donnant le ton politique national, qui prône, aujourd’hui, le pardon de Snowden en récompense pour sa contribution au débat démocratique national essentiel. Pour le Watergate il s’agissait d’une violation des règles du jeu électoral par le parti Républicain contre le parti Démocrate. Ce sont avant tout les politiques qui ont donné de la voix. Dans la cas de la NSA, il s’agit du peuple et des entreprises contre le gouvernement, les politiques ne se sentant pas mis en cause directement, pour l’instant.

En Allemagne et dans plusieurs pays européens l’exaspération de l’opinion publique est à son comble, certains politiques emboitant le pas. Dans le reste du monde nous voyons des mesures de rétorsion et de défense se mettre en place graduellement. En France en effet, il semble y avoir une apathie largement partagée, les citoyens étant surtout préoccupés par le climat économique déplorable et une majorité politique cherchant à tout gommer au plus vite.

Déjà le scandale Echelon à la fin des années 1990 avait mis la puce à l’oreille de quelques observateurs vigilants, vite relégués au rang de théoriciens du complot. Faut-il en déduire que le plus grand nombre s’est aujourd’hui habitué, à force de scandales, à l’inacceptable ?

Michel Nesterenko : La démocratie n’est pas l’apanage des ignares. C’est pour cela que toutes les grandes démocraties ont développé un système, fort coûteux d’ailleurs, d’éducation universelle et pour tout un chacun. La protection de la sphère privée passe après la sécurité de l’emploi, et en France après les vacances. L’affaire NSA arrive, pour la France en pleine crise économique institutionnelle qui monopolise, avec raison, l’attention des médias  et des citoyens. Les dégâts induits par l’espionnage américain, et celui du gouvernement français qui lui emboite le pas (voir la loi de programmation militaire) ne sont, pour l’instant qu’une lointaine préoccupation.

Les citoyens ne doivent-ils pas par ailleurs se méfier d’une certaine nonchalance, d’aucuns se disant qu’ils ne risquent rien puisqu’ils n’ont, en théorie, rien à se reprocher ?

Thiébaut Devergranne : Il faut savoir que l’utilisateur dispose déjà, de par la loi, de toute une série de droits en la matière. Le problème est que les usagers sont souvent peu scrupuleux à cet égard : quelqu’un qui est assailli de spams (messages publicitaires intempestifs, NDLR) ou voit ses données personnelles utilisées contre sa volonté, ne sait pas exactement comment faire valoir ses droits. Il est difficile cependant de critiquer les citoyens dans le sens où il est particulièrement difficile d’entamer ce type de démarche, souvent longue et coûteuse. Malheureusement, le système actuel n’offre que deux alternatives : être extrêmement prudent à chaque connexion ou disposer d’une somme d’argent suffisante pour supporter d’éventuels procès. Ce propos est valable pour tous les traitements de données personnelles par des entreprises, mais l’est bien moins pour des affaires d’espionnage gouvernemental telles que celles révélées par M. Snowden.

La banalisation progressive du matériel informatique depuis les années 1970 peut-elle expliquer le peu de cas que font aujourd’hui les citoyens des systèmes d’espionnage numérique ?

Thiébaut Devergranne : Le principal problème en la matière est que des systèmes comme PRISM ne portent pas directement et physiquement atteinte aux personnes qui en sont victimes. Lorsque les services de renseignements connectent de façon massive, quasi-totale, nos données personnelles (sites fréquentés, communications…) nous ne le voyons pas, ne le sentons pas, ni ne l’entendons. Une personne pourra éventuellement s’en apercevoir en bout de course, en se voyant notamment refuser sans raisons particulières un poste important (haute fonction publique, nucléaire, sécurité…). En dehors de ce type d’événement, le phénomène reste toutefois entièrement imperceptible.

Dans les années 1970, époque qui a vu naître en France la « loi informatique et libertés » (1978), un scandale alors retentissant avait éclaté autour de « l’affaire Safari » tiré du nom d’un projet d’interconnexions de différentes informations administratives. Cette surveillance massive, qui portait notamment sur les numéros de sécurité sociale, avait été révélée dans le Monde en mars 1974, provoquant un tollé général et débouchant sur la fameuse loi citée plus haut. Si un tel scandale ne se reproduit pas aujourd’hui, cela s’explique justement par une vision totalement différente de l’informatique que celle que l’on pouvait avoir il y a quarante ans. L’époque était celle des gros ordinateurs que seules les institutions d’Etat pouvaient alors posséder et l’usage numérique personnel était inexistant. Actuellement l’informatique est perçu comme un outil positif qui nous rend service, facilite notre quotidien et nos échanges, d’où cette différence de traitement.

Fin de l’article sur Atlantico.fr via Les brindherbes

21 Commentaires

  1. « Dans la cas de la NSA, il s’agit du peuple et des entreprises contre le gouvernement, les politiques ne se sentant pas mis en cause directement, pour l’instant. »

    Ben justement, ça pourrait être en train de bouger … Un sénateur US a demandé par écrit au Général Alexander (patron de la NSA) si son agence espionnait le Congrès … La NSA vient de répondre que les parlementaires « ont le même droit à la vie privée que n’importe quel américain ». PTDR.

    http://www.zerohedge.com/news/2014-01-04/nsa-responds-bernie-sanders-whether-it-spies-congress

    D’un autre côté, il ne faut pas se leurrer non plus. Si la NSA est démembrée, ce ne sera qu’en apparence. Rappeleons quand même qu’à ses débuts, même son existence était un secret : On la surnommait « No Such Agency » (« Pas d’Agence de ce Nom »)

    ZeroHedge a publié de bons papiers sur la NSA, ces derniers temps 😉

  2. Qu’ils viennent chercher dans nos têtes!

    Ils vont pas être déçus!

    LES MOUTONS ENRAGES

  3. HS : Benji, Help ! On n’a pas le post pour les liens …

    Tant pis, je le mets ici :
    La FED embauche des policiers … Eh! Oui, moi non plus je ne savais pas, mais la Banque Fédérale US a sa propre police :

    http://www.zerohedge.com/news/2014-01-04/fed-hiring-lots-cops

  4. Réunion du 17-09-2010.
    Le CNIL impuissant face à la volonté de l’industrie technoscientifique:

    Alex TURK explique: « Ne pas confondre l’intimité et l’innocence »

    1.Chaque chose seule cela va encore.
    2.Compteur EDF intelligent,
    nous sommes dépassés par les applications
    technologiques nouvelles.
    3.Biométrie
    4.La vidéo surveillance
    5.La géolocalisation. « c’est ce qui m’inquiète le plus aujourd’hui »
    Puce RFID, GSM, Carte bancaire, Télé péage, Passe Navigo,
    Téléphone portable, le réseau, Google latitude.
    6.Le plus inquiétant, la nanotechnologie dans les systèmes d’information.
    Dans moins de 10 ans, il sera possible d’installer des systèmes qui,
    verront, qui entendront, qui communiqueront à distance,
    et qui seront d’une taille telle, qu’on ne les verra pas à l’œil nu!!!!
    Je m’inquiète pour mes enfants et mes petits-enfants,
    comment pourra-t-on vivre dans une société dans laquelle vous n’aurez plus
    la garantie de votre incognito ? Je revendique le droit qu’on me « foute » la paix.
    Je ne veux pas qu’on m’entende, je ne veux pas qu’on me voit, et pourtant je ne fais rien de mal, car il est là le problème.
    7. Mes étudiants me disent « Tant qu’on a rien à cacher, il n’y a pas de problème »
    NON, IL NE FAUT PAS CONFONDRE L’INTIMITÉ ET L’INNOCENCE
    Cette notion clé, nous sommes en train de l’oublier…
    8.Il faut que les gouvernements prennent le problème en main,
    et ensuite que l’Union Européenne se saisisse du sujet,
    et que l’Union Européenne rencontre les Américains et les Asiatiques…

    « ECO2013 »: Pourquoi les Américains et les Asiatiques ?

    9.Une grande inquiétude, car le temps démocratique d’élaboration du droit,
    est beaucoup plus lent que le temps de développement technologique.
    10.Dans quelques années, on sera dans une société de surveillance,
    nous allons finir par regretter le bon vieux temps du « big-brother ».
    Que ferons nous contre les « nano-brother ».
    11.Comme nous avons interdit le clonage humain,
    pourrions-nous réfléchir à interdire les nanotechnologies dans les système d’informations ?
    Si non, nous nous « auto-formatrons » par anticipation, et nous rejoindrons un modèle commun,
    puisque nous saurons, qu’on nous écoute, et qu’on nous voit, bref,
    nous serons devenus des CLONES MENTAUX.

    http://eco2013.eklablog.com/de-plus-en-plus-surveille-attention-lcp-a104725030

    • L’UNIVERS nous espionne aussi et personne porte plainte..
      Qui pense en dehors de ce qui nous est attribué comme cerveaux,imaginer est juste la limite car percevoir PLUS est hors de portée,c’est quoi NOUS ?comme au cinéma regarder l’écran…hahahaah.

  5. ho ca ca me rappele un bon film « eagle eyes l’oeil du mal » de 2008, sauf que l’ordi pete un cable!!!ce qui, soit dit en passant n’est pas un mal!

    Et comme l’a dit notre ami w.bush « la dictature c’est pas trop mal, tant que j’en serai le dictateur »

  6. Je leur souhaite bien du plaisir. Un craqueur universel est impossible à obtenir vu la complexité et le nombre quasi illimité des possibilités de clés de cryptage . Pour que leur machin fonctionne il faudrait que tous les messages codés soient générés sous la même clé et qu’ils en aient plusieurs pour procéder par recoupement . Le moyen le plus simple de rendre un déchiffrage presque impossible est d’assujettir la clé à une variable aléatoire ( comme par exemple la température relevée à Paris par météo France le jour du message). Plus on ajoute de variables interactives, plus le déchiffrement est compliqué . Si on rajoute en plus un principe de non scission des mots et de phonétique ( deuxnonciciondémauédfonétiq ) leur bestiole risque de griller qlq processeurs.

  7. L’espionnage ? Bouh Les vilains. J’invite les moutons a suivre ce lien et a réfléchir. En regardant les dates. et a poursuivres les liens sur la wayback machine.
    http://web.archive.org/web/20010218075227/http://www.amnistia.net/news/articles/defiamer/defiame2.htm

    • Merci Thierry92..
      Trop long à lire,comme si savoir la couleur de mon papier chiotte donne l’odeur?
      Savoir tout sur n’importe quoi ,hahaha..

  8. C’est triste, mais le Peuple mondial ne veut pas voir ce qui est devant ses yeux ! Comment peut-il être si aveugle ?

    http://sentinellesdedieu.over-blog.com/

    J’ai écrit un article pour ceux qui dorment !
    http://sentinellesdedieu.over-blog.com/2014/01/mais-quand-le-peuple-du-monde-entier-se-r%C3%A9veillera-t-il.html

  9. en fait en regardant en arriere, on se demande i snowden n est pas le point de depart de leur changement de com, avant c’etait chuuut les gar dicret, dicret, il va tout devoiler!

    maintenant qu’ils voient que c’est mort pour eux, je me demande si il prennent pas le devant pour qu’on les croit pas et que quand il va lacher le morceau on se dise « ho on est au courant, ils nous l’ont dit »

    va tirer le vrai du faux après,
    après tout pour se debarasser des termittes y a qu’a leur foutre un bout de bois plus loin et attendre qu’elle aient fini pour en remettre un, c’est plus simple, c’est con une termitte, si les premieres y vont elles suivront non?

  10. Cet article reflète assez ce que j’ai connu pendant les fêtes de Noël. Au cours de discussions j’ai constaté que personne ne connaissait la loi de programmation militaire et le danger pour l’espionnage de la vie privée. Pire, après avoir expliquer de quoi il était question, deux nièces me répondirent que de toutes façons on était déjà espionné.
    Ca plus d’autres petites choses m’ont un peu ouvert les yeux!

    Je me suis dit que j’avais grand tort de m’inquiéter pour l’avenir de ce pays (je ne suis plus tout jeune) alors même que les jeunes de ma propre famille n’en n’avaient rien à foutre.
    Je crois que la fameuse maxime « carpe diem » ne fut jamais autant vraie qu’à cet instant.

  11. L’hiver froid sur l’Europe se fait attendre on dirait! Emballement du réchauffement? C’est étrange car on a observé en 2013 une étendue de glace dépassant la moyenne des 30 dernières années en Antarctique et l’arctique lui reste très bas dans l’extension de sa banquise.
    A voir si la fonte Antarctique va ou non apporter son froid prochainement, on verrait alors la banquise Arctique s’étendre plus au sud et l’hiver se prolongerait au printemps mais c’est peu probable!
    http://nsidc.org/arcticseaicenews/

  12. Le cloud est de plus en plus utilisé non ? A votre avis qui detient nos données perso ou pro ??

  13. Voici une petite conférence de Alessandro Acquisti à TEDx concernant la vie privée: https://korben.info/pourquoi-le-respect-de-la-vie-privee-est-important.html

    15 minutes très utiles.

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