Un rapport accuse le renseignement intérieur d’entraver la justice

Un rapport que La Croix a pu consulter dénonce des dysfonctionnements de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Rédigé par des officiers du renseignement intérieur, il a été remis confidentiellement aux députés du groupe de travail parlementaire sur l’exil fiscal constitué en janvier 2013.

C’est un document d’une sévérité inédite rédigé par un collectif d’officiers de la DCRI, ce « FBI à la française » issu, en 2008, de la fusion entre la Direction de la surveillance du territoire (DST) et les Renseignements généraux (RG) voulue par Nicolas Sarkozy. Rédigé sur 14 pages en style parfois télégraphique, ce véritable audit du service de renseignement, mais aussi de nombreuses autres directions de la police compétentes en matière de délinquance financière, a été remis le 16 février dernier aux parlementaires du groupe de travail sur les exilés fiscaux dirigé par le député socialiste Yann Galut.

banque suisse UBS

Cette note très précise, que La Croix a pu consulter, encourage les élus à interroger, si possible dans le cadre d’une commission d’enquête parlementaire, les anciens et actuels patrons ou responsables de la DCRI (dont Bernard Squarcini, Gilles Gray, Éric Bellemin-Comte…), notamment celles et ceux qui étaient et sont encore chargés du renseignement économique et financier, ainsi que ses chefs du « département sécurité » ou du « groupe action » de la sous-direction chargée du renseignement économique. 

Car les auteurs de la note se livrent à un véritable réquisitoire, révélant d’une part la surveillance étroite opérée par le renseignement intérieur sur l’organisation de la fraude fiscale internationale, notamment celle qui fut organisée en France par la banque suisse UBS, et dénonçant d’autre part la non-transmission à la justice des informations considérables recueillies lors de cette surveillance.

« Pourquoi, après avoir découvert cette infraction pénale (NDLR : celle commise par UBS), la sous-direction K (renseignement économique et financier) de la DCRI ne l’a-t-elle pas dénoncée au procureur de la République (…) ? Pourquoi la sous-direction K a-t-elle axé son travail de surveillance sur les cadres de l’UBS qui dénonçaient le système de fraude plutôt que sur ceux (qui étaient) à l’origine du système ? », peut-on lire dans ce document confidentiel.

service interministériel d’intelligence économique

Plus grave encore, les rédacteurs de la note pointent du doigt « les services extérieurs à la DCRI qui ont travaillé sur le dossier Tracfin (1) » concernant l’organisation de l’évasion fiscale massive de la France vers la Suisse, notamment le service interministériel d’intelligence économique. Selon l’un de ces officiers, « la presque totalité des cadres de la DCRI et de ces autres services de police ou de renseignement, toujours en responsabilité, sont ceux qui ont servi avec zèle le président de la République précédent ».

Résultat, selon eux, « le faible nombre de dénonciations qui émanent des services de renseignement spécialisés dans le domaine économique et financier, notamment ceux de la DCRI, nous incite à réfléchir sur la mission de ces services dont l’inefficacité pénale est injustifiable ». Dès lors, le verdict de ces professionnels est radical : « Ces services se nourrissent des délits qu’ils ne souhaitent pas voir apparaître ou révéler à l’autorité judiciaire pour ne pas amoindrir leur influence, quand le besoin s’en fait sentir. »

une entrave majeure à la justice

Enfin, la note des officiers du renseignement intérieur remise aux élus affirme que le fonctionnement actuel de leur service représente une entrave majeure à la justice. « Il conviendrait de ne plus abusivement protéger le recueil de renseignements économiques et financiers par le “secret défense”, car ce type de renseignements ne menace pas la défense ou la sécurité nationale », écrivent-ils.

Avant de conclure : « Généraliser la classification des activités et des informations recueillies par la DCRI empêche la justice d’avoir à connaître des informations dont elle a rapidement besoin pour ses enquêtes. »

Source: La croix

3 Commentaires

  1. A la base, le problème est probablement juridique : Il doit falloir qu’un juge d’instruction soit saisi pour qu’il puisse diligenter une enquête ? On sait tous que la DCRI a parfois un pied de chaque côté de la ligne (contre-espionnage oblige). Des éléments obtenus hors du cadre légal ne sont pas recevables comme preuve (sauf flagrant délit, et encore c’est délimité).
    La situation actuelle est donc appelée à perdurer aussi longtemps qu’il y aura un flou juridique (et des raisons politiques).

    • Ah ça !
      C’est pour la plèbe belante et moutonnante.

      Un listing reste un listing,……même anonymement reçu!
      Sous cette condition, pour la « justice, la preuve est apportée.
      Il suffit pour cela qu’il soit reconnu vrai et authentique.

      …Entr’autres possibilités.

  2. Depuis leur crèations, les RG n’ont fait que ça!
    …D’où la puissance secrete du « directeur ».
    Depuis toujours!

    Dixit:« Ces services se nourrissent des délits qu’ils ne souhaitent pas voir apparaître ou révéler à l’autorité judiciaire pour ne pas amoindrir leur influence, quand le besoin s’en fait sentir. »

    Pour info historique,
    « Mittérrand le fourbe » avait promis de dissoudre les RG s’il était élu, car il en avait souffert.
    Il le fut (1981) et il changea…uniquement les têtes dirigeantes.
    Trop content de chapeau un service de renseignement/pression politique sur ses opposants et ses…amis.

    PS: Ca doit être un joli bordel depuis la fusion RG/DST. …Pas les mêmes missions et pas la même mentalité!!!

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