Suède: Kiruna, ville minière qui bouge pour ne pas s’effondrer

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KIRUNA (Suède) (AFP) © 2012 AFP Par Camille BAS-WOHLERT

Au nord du cercle polaire, adossée à une colline, en face de la mine qui justifie son existence, Kiruna est malgré un apparent engourdissement en train de se transformer: dans quatre ans, une partie de son centre-ville aura déménagé.

En perpétuel mouvement, la ville a été fondée en 1900 pour accueillir des habitants attirés par la découverte de minerai de fer. Elle en compte aujourd’hui 23.000.

Sa mine est aujourd’hui la plus grande au monde. Avec celle voisine de Malmberget, Kiruna produit suffisamment de fer pour construire plus de six Tour Eiffel par jour.

Ses premiers habitants vivaient au pied du puits. Puis le bourg s’est développé sur la colline.

En 2004, la compagnie publique LKAB a annoncé à la mairie que l’extraction risquait de faire s’effondrer des bâtiments et qu’il fallait déménager. Le gisement, d’une profondeur de quatre kilomètres, est incliné vers les habitations, et son exploitation fait bouger le terrain.

« C’était tumultueux quand nous avons appris ça », raconte à l’AFP Ulrika Isaksson, porte-parole de la mairie. « Un communiqué de presse est parti indiquant que toute la ville devait déménager ».

En réalité, seules les constructions les plus proches, situées dans un rayon d’un kilomètre autour de la mine ce qui inclut la majorité du centre-ville, seront touchées. « C’est seulement 35% de la superficie de la ville », souligne l’adjoint au maire, Niklas Sirén (Parti de gauche).

Les bâtiments vont donc être évacués puis détruits, obligeant à reloger leurs habitants. Certains édifices, associés à la mémoire de la ville, seront démontés puis réassemblés à leur nouvelle adresse comme des Legos.

« Le centre-ville va se déplacer d’environ trois kilomètres vers le nord-est. C’est pratique car toutes les infrastructures sont en place là-bas », explique Mme Isaksson.

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« D’ici quatre ans, ça peut devenir très émouvant » car le déménagement deviendra visible, prévient-elle. L’hôtel de ville et les constructions qui l’entourent seront fermés, et des bâtiments neufs érigés dans le nouveau centre.

Puis ce sera le tour de la gare et de la grand-place. Enfin, d’ici une vingtaine d’années le déplacement de l’église marquera la fin de l’opération.

Ce magnifique bâtiment en bois rouge, aux faux airs de tente lapone, offert par LKAB à Kiruna en 1912, fait la fierté de ses habitants. Le détruire aurait été impensable.

« 2.500 appartements doivent déménager », résume-t-elle, sans parler des hôtels et commerces.

Pour M. Sirén, le déménagement est une chance. « Nous allons construire le meilleur centre-ville possible, vivant, respectueux de l’environnement et moderne », s’enthousiasme-t-il.

Alors que LKAB achète les terrains où il faut raser, la mairie est responsable de l’urbanisme. Elle choisira début 2013 un bureau d’architecte.

Pour l’instant, aucune calendrier précis des travaux n’est disponible. Unique certitude: en 2018, la nouvelle mairie doit être achevée, tandis que l’actuelle laissera la place à un parc.

Dans les rues recouvertes de neige, des habitants se déplacent paisiblement à traîneau. Rien ne laisse penser qu’en 2035 il n’y aura plus un bâtiment à cet endroit.

« On en sait trop peu », constate sans amertume Anja Jakobsson, 51 ans.

« Nous sommes positifs vis-à-vis de la transformation de la ville. Le développement de la mine, ça veut dire que les gens ont du boulot à Kiruna. Mais nous sommes inquiets pour nos finances », ajoute-t-elle.

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« Les gens ont peur de ne plus avoir les moyens », renchérit Martti Kivimäki, diacre assistant. « Ils ne se tournent toutefois pas vers l’Eglise comme en temps de crise », ironise-t-il.

LKAB prévoit de racheter les logements à 125% de leur valeur. « Mais ça ne suffira pas pour une maison neuve », déplore Mme Jakobsson.

L’entreprise donnera aussi un coup de pouce aux locataires. « Mais on ne peut pas subventionner les loyers, sinon on tuerait le marché », explique une représentante de l’exploitant, Ylva Sievertsson.

« A Kiruna, quand on en parle, voilà ce qu’on entend: ‘non, mais on a besoin de la mine’. Et là, plus un mot, la discussion est finie! », s’insurge Timo Vilgats, conseiller municipal (Verts), le seul à remettre en question la nécessité de déplacer une partie de la ville.

Il plaide pour de nouvelles techniques d’extraction du minerai de fer qui éviteraient de déformer le terrain.

Impossible, réplique catégoriquement Mme Sievertsson: soit la mine avance vers le centre-ville, soit elle ferme.

LKAB emploie 2.100 personnes à Kiruna. Ses finances se portent plutôt bien: même si son bénéfice a reculé depuis le début de l’année (-13% sur les neuf premiers mois), sa trésorerie dépasse 8 milliards de couronnes (925 millions d’euros).

Source: Planet.fr

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