Le nombril du monde…….

Comme nous, les Grand singes n’ont pas de saison pour se reproduire, ils font même l’amour toute l’année. Et pourtant, même du temps où on leur foutait la paix, ils ne proliféraient pas, et ce n’était pas qu’une question de taux de mortalité ou de maladies. Nous autres n’avons pas davantage de saisons, mais encore moins de raisons pour nous reproduire. C’est donc sans attendre que les petits oiseaux chantent sur les arbres en bourgeons qu’on s’invente de fausses raisons de procréer pour envahir de nos progénitures les pouponnières, les écoles maternelles et les universités, jusqu’à devenir un fléau planétaire. Homo sapiens est la pire espèce invasive.

L’instinct de reproduction dans la déraison écologique

Envie de gestation, envie de duplication, vraiment ?

…La reproduction est lente. La femelle donne naissance à un seul petit, très rarement deux, et seulement chaque dix ans, tous les sept à onze ans pour être précis. La gestation dure huit mois. Le sevrage intervient vers trois ou quatre mois. L’enfant reste agrippé au ventre maternel jusqu’à l’âge d’un an. L’éducation est très longue et les jeunes restent près de huit ans auprès de leur mère. L’adulte peut vivre jusqu’à 60 ans, son cerveau est gros : jusqu’à 450 cm3… 
Il s’agit de l’orang-outan, un cousin humanoïde s’étant écarté de nous il y a une douzaine de millions d’années et avec lequel on partage 98,5 % d’ADN commun. Il semble impensable d’imaginer les données du disque dur humain s’inspirant de celui du singe, si proche soit-il, pour modérer sa conduite et ne jamais faire plus d’un petit chaque décennie. L’orang-outan, qui signifie « homme de la forêt », fut pourtant longtemps considéré comme un homme par les tribus locales de Bornéo et Sumatra. Pas plus que l’homme ne prendra de leçon d’un anthropoïde, c’est à peine si l’allochtone colonisateur, de sa hautaine culture classique, puisse prêter attention aux considérations d’un Dayak animiste et coupeur de têtes, d’un Mamakou d’un Orang Darat, cueilleur-chasseur naïf qui fait d’un niamouk (un moustique) un esprit vénéré dans lequel il fait bon se réincarner. Donc, l’orang-outan n’est qu’un animal à encager dans les zoos, comme la forêt n’est bonne qu’à devenir contre-plaqué. Certains vils aspects du siècle des Lumières se paient encore très cher. À constater sa proximité génétique, sa physionomie expressive, sa sensibilité et sa grande intelligence, on se demande d’ailleurs pourquoi l’orang-outan ne partage pas notre genre Homo, pourquoi nous l’avons relégué, tout comme les autres Grands singes, au rang animal au même titre que la sardine et l’escargot. La similitude physique ne nous dit rien, nous exigeons une différenciation ontologique par le langage articulé. Certes, les Grands singes ne sont pas aptes à prêcher pas dans le désert…

S’il avait eu voix au chapitre, l’orang-outan nous aurait aidés à préserver le coin de planète qu’il habite. Certaines tribus pensaient que ces hommes avaient été changés en animaux à la suite d’un sacrilège. Selon une légende javanaise, l’orang-outan aurait eu la sagesse de ne jamais parler pour ne pas devoir travailler. Mais l’émouvant singe est désormais victime – à cause de nous – de son faible taux de fécondité. Pour lutter contre la prolifération humaine, il lui aurait fallu faire un petit chaque année et inventer la poudre. D’un effectif évalué à 315.000 à Bornéo au début du XXe siècle, il n’en restait pas 10 % à la fin du même siècle. À Sumatra, le contingent résiduel est de 6 000 sujets. Les forêts humides qu’il habite sont abattues à une cadence effarante et d’autant plus galopante que l’huile de palme sert maintenant à l’élaboration du satané biodiesel, produit écologiquement plus destructeur que n’importe quel autre. À Sumatra et Bornéo, ce sont 4 millions d’hectares forestiers qui ont été convertis en fermes de palme. 6 millions d’hectares supplémentaires sont programmés (16,5 millions pour toute l’Indonésie). Sur l’autel de nos bagnoles, l’orang-outan sauvage est irrévocablement offert à l’extinction. Pardon, nous nous éloignons du sujet…

Quand il sait ce qu’il sait, à quoi peut bien correspondre le geste géniteur de l’humain ? Les Grands singes seraient-ils plus sages que nous ? Pourquoi d’autres grands animaux ne sont jamais aussi prolifiques ? La parentalité nous attendrit à ce point qu’elle nous faire prendre le risque d’un naufrage ? Se reproduisait-on sur le pont du Titanic lorsqu’il prenait l’eau ? Ou alors, c’est par pur existentialisme irresponsable, gratuit, désinvolte, avec œillères, comme ça et pour le fun, se foutant de l’enfant comme de notre première planète, ou de la planète comme de notre premier enfant, c’est du pareil au même. La joie d’être papa-maman est sans commune mesure ! Il ne faut pas faire confiance à un humain, il n’appartient pas à une espèce sérieuse. Souvent, très souvent, trop souvent, on râle pour savoir qui emmènera le rejeton à l’école ou qui le prendra pour les vacances, une fois « déjà » divorcés et avant de remettre le couvert en misant sur un nouveau couple. Chaque femme, chaque homme veut son comptant d’amour sous forme d’embryon. « T’en a bien fait un avec l’autre ! »

En amont de toute réflexion à propos de la conception d’un enfant, se situent habituellement des prérogatives nombrilistes et budgétaires, du type « Attendons d’avoir un bon travail, un plus grand appartement » ou « Profitons d’abord de la jeunesse de notre couple, sortons, faisons la fête ». C’est d’une redoutable maturité d’esprit ! Faut pas faire parents quand on n’a pas le sou ! Avant de devenir parents, les gens feraient mieux de s’initier à d’autres alternatives susceptibles de combler autrement le besoin de procréation. Plutôt que de produire un nouveau « nombril du monde » numéro 6.990.763.881 (chiffre du compteur de l’INED à la minute du jour de relecture de ce texte : 17 septembre 2011, à 10 h 04), s’occuper d’un autre enfant déjà sur Terre mais défavorisé constituerait une belle alternative. Adopter, parrainer, être famille d’accueil, garder les enfants d’autrui sont des positions susceptibles de se substituer en toute légitimité au rôle génétique de mère et de père. Faisons un effort sur nous-mêmes, ne restons pas au ras des pâquerettes ! Pour ceux qui préfèrent la Nature à l’humain (ce n’est pas dissocié !), la préservation du biopatrimoine, le militantisme à la cause animale, la défense des paysages, la reforestation… sont de louables activités aptes à compenser l’instinct de reproduction, légitimant haut la main et justifiant socialement le fait de ne pas avoir enfanté.

À bien y réfléchir, en évaluant le nombre incommensurable de pulsions sexuelles ressenties par un humain au cours de sa vie et en le comparant au bout du compte au nombre dérisoire (mais démographiquement énorme) des naissances qui en résultent, il semblerait que la sexualité serve d’abord à une fonction de lien plutôt qu’à une fonction strictement procréatrice. De là l’erreur considérable des églises et la frustration transmise aux fidèles. Statistiquement, l’O.M.S. rapporte que 100 millions de couples s’engagent dans des relations sexuelles lors d’un jour moyen, soit seulement quelque 3 % de la population planétaire. Ce score pitoyablement bas d’actes sexuels n’induit qu’un million de grossesses grâce aux bienfaits de la contraception et de la stérilité. Pour diverses raisons, 55 % des zygotes ne dépassent pas le stade fœtal et ne parviennent pas à terme et 359.000 y parviennent chaque jour. Moins de 0,4% seulement des unions hétérosexuelles amènent donc à la création de nouveaux humains. La relation de cause à effet est donc proche du zéro. Et pourtant !

Auteur : Michel Tarrier

Source : www.agoravox.fr partagé avec sos-planète

4 Commentaires

  1. L’humain est inconséquent dans tous ses  actes….
    Il a perdu la conscience de son appartenance à la nature et à un tout indivisible et interconnecté… il pense pouvoir faire cavalier seul, grave erreur!
     
    Comment l’animal le plus « conscient » de la planète peut-il avoir un comportement aussi suicidaire? C’est peut-être inscrit dans ses gênes…
     
     

  2. Mouai, allez vivre dans une société de chimpanzés avant de parler de l’être humain comme un être violent et individualiste, quand à son côté invasif, lâchez quelques herbivores sur une jolie île verte et herbeuse sans prédateurs et vous verrez ce qu’il en restera après quelques années, et les plantes aussi sont capables d’envahir un écosystème jusqu’à l’épuisement et la mort des espèces locales.
    La vie est invasive par essence et nous sommes une espèce vivante comme une autre sauf que nous avons conscience des résultats de nos actions (monstrueuses) et il est dans notre intérêt de préserver notre écosystème, c’est une question de survie égoiste. 
    L’être humain peut être écologiste, pas le rat, pas le lapin, pas le frelon asiatique, pas la fourmis aztèque, pas la renoué du Japon,…

    http://www.goodplanet.info/Biodiversite/Especes-invasives
    http://buycott.eu/index.php/Durable-et-equitable/Des-fourmis-invasives.html
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_d'esp%C3%A8ces_invasives

Les commentaires sont clos.