Guerre des étiquettes : les lobbys avancent, pas la transparence

Savoir ce que contiennent nos assiettes, ne fait pas les affaires des lobbys de l’alimentaire. Il vaut mieux parfois ne pas savoir, sinon ça mettrait en danger ceux qui nous concoctent de « bons petits plats »…………………


Au nom de la compétitivité, et de « l’intérêt supérieur du consommateur » bien sûr, le lobby européen de l’agro-alimentaire mène une lutte acharnée pour contrôler le contenu et l’apparence des étiquettes. L’idée : maintenir une bonne dose d’opacité.

Vous vous souvenez peut-être de la bataille perdue l’an dernier par les associations de défense des consommateurs à Bruxelles. Le parlement européen avait refusé en première lecture le système d’étiquetage dit « des feux de signalisation » :

  • le feu vert désignait un produit bon d’un point de vue nutritionnel,
  • le feu orange, un produit moyen,
  • le feu rouge, de la « junk food ».

C’était certainement trop clair pour les consommateurs, et donc trop menaçant pour les industriels.

Comme les meilleures histoires ont toujours une suite, voici le deuxième chapitre : à partir de juillet, les emballages les plus petits devraient être exemptés d’étiquetage
nutritionnel. Une exemption d’autant plus réjouissante que les portions
individuelles se multiplient.

Dans un regain d’enthousiasme, la Confédération des industriels de l’agroalimentaire (CIAA), chargée de représenter leurs intérêts à Bruxelles et dans les institutions internationales, s’en félicite.
Des caractères hauts d’1,2 mm, c’est trop
Mais le lobby aimerait bien qu’on fasse encore quelques efforts. Il trouve par exemple scandaleux que la loi impose une taille minimum pour les mentions nutritionnelles obligatoires.

Aujourd’hui, les caractères doivent mesurer au moins 1,2 mm de haut. Pour le CIAA, vraiment, si un minima devait être retenu, « il ne devrait pas excéder 1 mm ».

Des lettres d’un millimètre de haut pour un continent peuplé de presbytes (l’âge médian en Europe est de 40,6 ans), voilà qui réduit l’efficacité de la mesure, non ?
Préciser la quantité d’acides gras trans ? Inutile !
Autre point soulevé par le CIAA : l’inutilité de préciser la quantité d’acides gras trans. C’est vrai, à quoi ça sert ? Il n’y en a pas beaucoup… Suivons l’argumentation du lobby :

« Les députés européens ont demandé à ce que les acides gras trans soient listés, demande que les industriels de l’agroalimentaire jugent excessive.

D’après des données scientifiques révélées par l’EFSA [l’agence européenne de sécurité des aliments, ndlr], la consommation totale d’acides gras trans dans la plupart des états membres est aujourd’hui sous le seuil recommandé par l’OMS [Organisation mondiale de la santé, ndlr], soit 1% de l’apport calorique quotidien total.

L’EFSA confirme donc que les acides gras trans ne posent pas de problème de santé publique. Le CIAA soutient le point de vue du Conseil européen, qui pense [contrairement aux eurodéputés, ndlr] que l’affichage des acides gras trans devrait être une démarche volontaire. »

Reformulons ce très bel argument en langage naturel, et non en novlangue de lobbyiste :

« Vous nous avez mis la pression avec les “trans fats” ces dernières années, on a été contraint de changer la composition de nos produits.

Alors ayez confiance, comme dirait le serpent Ka dans “Le Livre de la jungle”, on ne changera jamais nos compositions. Du coup, pas besoin de préciser quoi que ce soit sur les emballages, n’est-ce pas ? »

Une fois cette liberté accordée, c’est sûr, les compositions resteront irréprochables « ad vitam aeternam ».
Trop d’étiquetage tuerait la compétitivité
Un dernier point gêne le CIAA : pourquoi diable indiquer les quantités des nutriments aux 100 g/100 ml ET par portion ? Ça doublonne, ça trouble les braves consommateurs qui n’ont vraiment pas besoin qu’on les perturbe pendant qu’ils font gentiment leurs courses au supermarché. D’ailleurs :

« Comme le prouve une étude récente de la FSAI [Food Safety Authority of Ireland, ndlr], les consommateurs trouvent que les informations nutritionnelles “par portion” sont plus pertinentes, et qu’elles les aident davantage à faire un choix éclairé. »

Ce que le CIAA oublie de préciser, c’est que ces mêmes consommateurs se demandent ce qu’est exactement une « portion » : ce que l’on engloutit, ou ce que l’on est censé manger ?
Les consommateurs veulent contrôler l’origine des aliments
Etonnamment, ce que le CIAA ne cite pas, dans la même enquête de l’autorité irlandaise, c’est le désir massif des consommateurs européens de connaître l’origine géographique de ce qu’ils avalent (74% d’entre eux y sont favorables).

L’origine arrive juste derrière la date limite de consommation dans les informations qu’ils veulent pouvoir trouver sur un emballage alimentaire. Le CIAA, lui, s’y oppose, évidemment. Mais n’allez pas croire que c’est pour pouvoir donner une plus grande marge de manœuvre aux industriels, pas du tout.

S’il s’oppose à un étiquetage trop compliqué, c’est pour défendre la compétitivité des entreprises qu’il représente, et pour porter bien haut l’idéal du marché unique.

Qu’est-ce que vous êtes mesquins, à voir le mal partout !

Photo : viande empaquetée (Joost-ijmuiden/Flickr/CC).

Source rue89

Un Commentaire

  1. La solution….la généralisation des jardins potagers et des groupements de producteurs bio…

  2. Semer, récolter, manger, quel delice, mais attention, cela demande du travail, rien ne pousse tous seul (a part les mauvaises herbes qu’il faut arracher a la main bien sur), mais des résultats concernant les gouts des fruits et légumes inégalables. Si vous pouvez, récupérer un max de vos graines pour l’année d’après. Il faut selectionner sur les fruits le plus gros et meilleurs pour vos graines.

    Et puis parlez en autour de vous, faites des echanges de graines ou plants

    le tout bio si possible, achetez un plant de tomate en supermaché, je crois pas que cela soit génial.

  3. No comment, j’ai déjà beaucoup dit sur le sujet….

  4. Des choses simples pourraient être faites :
    Pourquoi n’y a-t-il jamais de date de récolte sur les fruits et légumes frais ? ( par exemple , les fraises)
    Pourquoi l’origine des produits laitiers est-elle mentionnée sur les prospectus ( origine France, transformé en France) et jamais sur le produit lui-même, ou alors , c’est microscopique…je n’ai rien vu.