Le 11 novembre 2011, l’association ACRO 1 a été invitée à effectuer un relevé radiologique indépendant au niveau d’un train de déchets nucléaires stationné dans la gare de bifurcation de Valognes (50), peu avant son départ pour l’Allemagne 2.
(1) Une partie du convoi de déchets vitrifiés (AP/SIPA)
14 wagons et 123 tonnes de déchets nucléaires “ultimes”
Ce convoi était composé de déchets radioactifs dits “ultimes” et donc constitués principalement de déchets HAVL 3 retournant après vitrification dans leur pays d’origine après le processus de retraitement effectué dans les installations de la Hague.
Le retraitement consiste à séparer la partie du combustible qui peut être récupérée (Uranium et Plutonium) des produits de fission et d’activation qui eux, ne sont pas recyclables. Au sein de ces déchets ultimes, les actinides mineurs représentent moins de 0.1% de la masse initiale de combustible irradié 4 alors que, par comparaison, les produits de fission représentent environ 3.5% de la masse de l’inventaire 5.
Estimation de l’inventaire radiologique des colis
Sachant que les 123 tonnes entreposées sur le convoi sont enrobées (vitrifiées) et donc composées de plus ou moins 15% de radionucléides représentant un peu moins de 20 tonnes d’éléments radioactifs, il est possible de déduire “à la louche” que cette masse de déchets ultimes renferme environ 1/2 tonne d’actinides mineurs, principalement du Neptunium-237 6 et de l’Américium-241 et 243 7, trois radionucléides extrêmement radioactifs et de période longue à très longue.
Si l’image comparant les déchets ultimes comme les “cendres” du combustible nucléaire est intéressante, les actinides mineurs nous semblent plutôt représenter les déchets inflammables (goudrons) qui parasitent le phénomène de combustion, des éléments dangereux (les créosotes sont très inflammables) et dont on ne sait vraiment comment se débarrasser totalement dans le cycle de combustion “flamme”.
Au niveau de la dose radiologique, cette quantité minime de noyaux lourds “pèse” pourtant plus que la dose générée par les produits de fission pourtant beaucoup plus importants en masse ; conservons cette notion en tête.
(2) Un technicien IRSN procède à une mesure “Neutron” au contact du wagon de déchets
vitrifiés à l’aide d’un FH-40 et d’une sonde externe “boule” FHT-762 : près de 90 µSv/h ! (ACRO)
Les actinides mineurs, principale source de neutrons “spontanés”
Les Neutrons rapides sont principalement générés de manière spontanée au cours du phénomène de fission “naturelle” 8 s’effectuant au niveau de certains noyaux très lourds 9, des éléments qui tendent à s’agglutiner dans le combustible au fil du processus d’irradiation du combustible ; plus le combustible est irradié (burnup) plus ces éléments se retrouvent “piégés” dans le cycle aval du combustible.
A Valognes, la dose “Neutron” valait deux fois la dose “Photon”
Lors de la journée de mesures du 18 novembre 2011, les équipements utilisés par les différents intervenants (dont l’ACRO) étaient d’accord pour relever un débit de dose Neutronique valant environ le double du débit de dose Photonique (Gamma + X-ray) et ce, quelle que soit la distance par rapport à la source.
A une distance de 10 m des wagons, le débit de dose “Neutrons” s’établissait ainsi à 5µSv/h alors que la dose “Photon” ne représentait qu’environ 2.5 µSv/h. Au contact de la paroi des wagons (remarquons en passant les ouïes de ventilation nécessaires car les déchets ultimes ‘”chauffent” encore), le débit de dose “Neutrons” moyen atteignait environ 100 µSv/h.
(3) 88.9 µSv/h (Neutron) selon le relevé effectué par le technicien IRSN au contact du wagon
Mais alors, pourquoi diable n’évoque-t-on jamais la dosimétrie “Neutron” à Fukushima-Daiichi ?
Sur la base de la définition globale de la “dose” radiologique, il est donc possible d’estimer que les doses “Neutrons” sont environ deux fois plus importantes que les doses “Photons” à proximité des déchets ultimes et qu’elles le sont également à proximité du combustible irradié “brut”, le retraitement se bornant à retirer du combustible irradié les éléments les moins radioactifs (les actinides majeurs) par rapport aux produits de fission et aux actinides mineurs.
Il est utile de rappeler également que les blindages et écrans classiques (éléments lourds) protégeant – relativement – les personnels d’intervention des irradiations Gamma ne les isolent absolument pas des rayonnements neutroniques qui les traversent aisément 10 et « diffusent » parfois de ce fait sur des distances assez importantes.
Si cette hypothèse est exacte, il est permis de croire que toutes les communications concernant les débits de dose et donc les doses engagées des intervenants sont minorées à Fukushima-Daiichi d’un facteur de 2/3.
Par exemple, si un débit de dose de 1 mSv/h “Gamma” est évoqué par Tepco, la dose équivalente réelle devrait plutôt s’élever à 3mSv/h 11.
Cette manière de considérer les doses “Gamma” comme strictement représentatives de l’irradiation des intervenants chargés de “liquider” l’accident Japonais nous a toujours fait hurler – ainsi que d’autres qui crient au scandale in petto et qui se reconnaitront peut-être – ; cette manœuvre consiste purement et simplement à truquer des 2/3 les dosimétries figurant au dossier médical des quelques milliers de travailleurs étant intervenu ou intervenant sur encore sur le chantier.
L’un des blindages les plus célèbres de l’histoire des accidents électronucléaires :
celui réduisant la dose efficace mesurée sur certains sous-traitants de Tepco ;
notez que cet écran n’aurait montré que peu d’efficacité si le dosimètre avait été susceptible
de prendre en compte le rayonnement Neutronique, ce dont nous doutons fort !Source et références: Gen4.fr
Bien beau de parler de tout cela, mais il faut aussi parler de Cigéo, pour rester dans le sujet:
A 500 mètres sous terre, les chercheurs testent la fiabilité d’un coffre-fort qui devra résister plusieurs centaines de milliers d’années
La Commission nationale du débat public (CNDP) doit donner ce mercredi 6 février le coup d’envoi du débat sur le futur site de stockage de déchets nucléaires Cigéo, situé entre la Meuse et la Haute-Marne. Pour l’occasion, la ministre de l’Ecologie Delphine Batho s’est rendue lundi à Bure, pour visiter le laboratoire souterrain qui expérimente depuis huit ans les dispositifs de stockage à 500 mètres de profondeur. Le point sur ce projet très polémique.
Où sont entreposés aujourd’hui les déchets nucléaires ?
Les déchets nucléaires ne sont pas stockés au même endroit en fonction de leur nocivité et de leur durée de vie. L’industrie nucléaire, qui doit isoler les déchets le temps que leur radioactivité diminue, peut soit les stocker en surface, soit les recycler, soit les vitrifier, soit les enfouir profondément. La 1ère solution concerne la plus grande partie des déchets, dont la demi-durée de vie est inférieure à 30 ans, et qui peuvent donc être stockés à la surface de la terre.
Durée de radioactivité des déchets nucléaires
En France, il existe deux principaux centres de stockage de surface, qui prennent en charge près de 90% des déchets produits en Hexagone. Il s’agit du centre de l’Aube (déchets de faible et moyenne activité à vie courte), le plus grand au monde, avec une capacité de stockage d’un million de mètres-cubes, et de celui de Morvilliers (déchets de très faible activité).
Les déchets les plus nocifs ou à longue durée de vie -l’uranium 238 par exemple présente une radioactivité de quelques milliards d’années- sont le plus souvent entreposés, compactés ou vitrifiés dans des usines, à la Hague par exemple, en attendant la mise en oeuvre du projet Cigéo…
En 2030, la taille de la « poubelle nucléaire » française atteindra 2,7 millions de mètres cubes, contre 1,2 million en 2010.
Qu’est-ce que le projet Cigéo ?
Ce n’est qu’en 2006 que le législateur français a fait le choix d’enfouir sous terre une partie des déchets nucléaires pour les stocker le temps que leur radioactivité décroisse. (…)
Si le projet voit le jour -il doit être soumis au Parlement en 2015 pour une mise en oeuvre en 2025-, les déchets seront stockés dans des installations souterraines ultra-bétonnées, d’une superficie totale de 15 km2, situées à environ 500 mètres de profondeur. Ici bas, la roche argileuse imperméable a été choisie pour ses propriétés de confinement sur de très longues périodes.
Le premier coup de pioche ne sera pas donné avant 2019, mais un laboratoire grandeur nature -récréant les conditions de la cuve- a été crée il y a huit ans pour éprouver l’étanchéité de l’argile dans le temps. A terme, la cuve en acier et béton renfermant les déchets risque en effet d’être altérée par l’eau et l’oxygène. Seul l’argile fera alors rempart avec les nappes phréatiques.
Pourquoi ce projet fait polémique ?
La question de l’enfouissement des déchets radioactifs est très sensible en raison des risques environnementaux qu’elle soulève. Régulièrement, les écologistes affirment, études à l’appui, que le chantier Cigéo est extrêmement dangereux. Outre les diverses pollutions qui l’accompagneront -transports des déchets, structures d’entreposages etc.- certains experts estiment que la sûreté ne peut-être totalement garantie sur ce site.
Dans des travaux récents, largement repris par EELV, l’ingénieur indépendant Bertrand Thuillier a listé une série de risques liés au projet Cigéo : rejets de gaz et de contaminants radioactifs, risques d’explosion et d’incendie, voire même un risque de réactions en chaîne nucléaire…
Par ailleurs, les écologistes jugent que les garde-fous apportés par le législateur sont insuffisants. Dans sa version actuelle, la loi sur l’enfouissement des déchets met en place le principe d’une réversibilité pendant 100 ans de l’installation, c’est-à-dire que durant toute cette période, il devra être possible de récupérer les déchets enfouis en cas de risque majeur. Il s’agit de laisser aux générations futures le choix de modifier ou d’orienter le processus de stockage. Mais pour les écologistes, une telle réversibilité est loin d’être garantie.
La question du coût risque elle aussi d’émerger dans le débat. Initialement, Cigéo avait été chiffré à 15 milliards d’euros, financés par une taxe sur les installations nucléaires acquittée par EDF, Areva et le CEA. Mais ce chiffre, qui date de 2005, pourrait être revu à la hausse. Il y a un an, la Cour des comptes avait plutôt évoqué une fourchette pouvant aller jusqu’à 35 milliards d’euros. De quoi là encore donner du grain à moudre aux détracteurs du tout nucléaire.
C’est à toutes ces questions que le gouvernement Ayrault s’est promis de répondre en lançant un grand débat sur le projet. Qu’il ne compte toutefois pas remettre en cause… Dans une interview au Républicain Lorrain, Delphine Batho affirme en effet que le stockage à Bure est la solution « la plus sûre »…
Pour en savoir plus sur la gestion de déchets avec le site de l’IRSN, cliquer ICI
Un article de Julie de la Brosse, publié par lexpansion.lexpress.fr et relayé par SOS-planete
Je vais éviter d’en remettre une couche avec « la France contaminée« , reportage édifiant sur les nombreux déchets nucléaires enfouis un peu de partout en France sans que la population n’en soit informée. Je vais plutôt vous proposer ce troisième article, toujours en rapport avec le nucléaire et sur la protections des enfants à Fukushima:
La vie quotidienne début 2013 au Japon : comment protéger ses enfants de la radioactivité ?, par Marc Humbert
Je suis revenu du Japon, fin août 2012 après un séjour de 4 ans et je viens d’y passer une quinzaine de jours entre la mi-décembre et le début janvier. Les populations d’une grande partie de l’Est du Japon donnent l’impression de vivre comme si la radioactivité n’existait pas, mais quand on quitte les routines quotidiennes et que les langues se délient, on perçoit l’immense angoisse de fond et la profonde opposition à la remise en marche d’une production d’énergie nucléaire. Les sondages évaluent cette opposition à plus de 60%. Quand on en rencontre des familles jeunes avec enfants, le malaise est pire et les mamans vivent très mal cette situation, surtout si elles sont restées à moins de 100 km de la centrale. Même en vivant plus loin, comme nombre de celles qui habitent à Tokyo, elles s’inquiètent pour leurs jeunes enfants. Je vous livre ci-après quelques témoignages directs et d’autres lus dans les journaux et transcrits depuis mon retour.
« J’ai cru que j’allais perdre la tête » se souvient Minaho KUBOTA, en répondant à un interview récent, publié le 31 décembre par le Japan Times. Aussitôt après la menace radioactive elle est partie se réfugier très loin, à Naha, sur la principale île de l’archipel d’Okinawa, à 2 500 km de Fukushima. « Je sentais que je n’aurais eu aucune réponse à donner à mes enfants si, une fois grands, ils en venaient à me demander : Maman, pourquoi n’es-tu pas partie ? ». Cette pensée taraude des centaines de milliers de mères au Japon, pas seulement celles qui se trouvaient les jours qui ont suivi le 11 mars à quelques dizaines de kilomètres de la centrale, mais une grande partie de toutes celles qui vivaient dans l’Est du Japon.
Minaho vit aujourd‘hui dans des conditions matérielles facilitées par les autorités locales. Une certaine proportion des 170 000 personnes qui ont quitté leur résidence située dans le département de Fukushima ont pu en solliciter une aide pour se reloger ailleurs, à partir de juillet 2011 (la demande était à faire avant un an, le délai a été prolongé jusque fin décembre 2012). Certaines autorités locales d’accueil offrent également une aide mise en place presqu’aussitôt après le 11 mars. Le département de Fukushima continue d’espérer le retour de ceux qu’il considère comme des délocalisés temporaires et de nombreuses municipalités ont envoyé des courriers à ces familles pour leur demander de revenir, dès que la situation sera redevenue « normale ».
Minaho est aidée par le département d’Okinawa mais elle vit dans des conditions familiales difficiles. Comme la plupart de ces 170 000 évacués, elle est venue sans son mari. Certaines réfugiées en sont d’autant plus meurtries que les pères n’ont pas tout de suite eu la même perception de la situation qu’elles et certaines familles se sont brisées. D’autres se sont rétablies, c’est le cas de cette autre mère venue à Okinawa avec ses deux garçons de 8 et 12 ans. Le père voulait rester dans la région, il travaille comme dentiste à Ibaraki dans un département côtier voisin juste au sud de celui Fukushima. Pendant quelque temps la communication était coupée, mais elle a été rétablie et il vient visiter sa famille assez souvent à Okinawa, et lui envoie de l’argent.
J’ai rencontré beaucoup de cas comme celui-ci, certains pas très loin du département sinistré, comme dans celui de Nagano, juste une centaine de kilomètres au Sud-Ouest, ou beaucoup plus loin – tout en restant sur l’île principale – comme à Kyoto qui est à plus de 500 kilomètres à vol d’oiseau, dans l’Ouest du Japon. Dans le département de Nagano, on m’a raconté le cas d’une famille où le père a déposé, l’automne dernier, une demande de soutien pour rejoindre sa femme et ses enfants, ce soutien lui a été refusé : son épouse en avait déjà obtenu un, dimensionné à la taille de la famille d’alors. Il était resté dans leur petite maison, qu’ils n’ont pas fini de payer, et avait gardé son emploi dans une entreprise locale ; il s’efforçait de décontaminer, croyant à ce qu’en disaient les autorités, qu’il serait possible de décontaminer et de revenir au pays. Hélas, ses efforts – comme ceux des compagnies chargées de la contamination – se sont révélés vains. La décontamination est loin d’être possible : ici et là on réduit le niveau de radioactivité, il se maintient ailleurs voire monte en certains endroits. Il semble même que ces efforts ont contribué à disséminer la radioactivité : les eaux de nettoyage, les débris, feuilles et autres, n’ont pas été systématiquement récupérés et stockés de manière à les empêcher de nuire.
Les conditions familiales ne sont donc pas simples et renforcent la difficulté à décider un départ. Certaines familles ont des problèmes avec leurs parents âgés, ce n’est pas qu’ils craignent pour leur santé en raison des radiations, celles-ci sont potentiellement plus nocives pour les enfants. Mais beaucoup de personnes âgées ont un certain degré de dépendance et il n’est pas possible aux familles d’envisager un départ avec les enfants en laissant derrière eux les grands-parents. C’est aussi une incitation à ce que les mères partent seules avec les enfants et au maintien des pères sur place : ils gardent le logement, ils s’occupent des parents âgés et conservent leur emploi et une source de revenu alors que le taux de chômage est devenu au Japon une réalité (5% quand il était de 2% dans les années quatre-vingt) dans un contexte de faible croissance. Le départ est encore plus problématique pour les agriculteurs pour plusieurs raisons. Une première tient à ce que ceux qui partent reçoivent de la part de ceux qui restent plus de reproches que les citadins. Il leur est reproché d’abandonner le « pays » menacé de disparition, de ne pas respecter les ancêtres, de lâcher les autres et de porter un coup à la communauté locale.
Article complet sur pauljorion.com