Le printemps s’est décidé, le soleil est revenu et l’envie vous prend peut-être de mettre les mains dans la terre, de prendre l’air et jardiner, fleurir et planter, repiquer ou que sais-je encore qui permet d’entretenir son lien à la nature… lien si vite oublié quand on vit en milieu urbain.
Et comme tout le monde n’a pas la chance d’avoir un balcon ou voilà quelques initiatives et organisations citoyennes auxquelles vous pouvez vous greffer pour jardiner votre ville !
Guerrilla Guardening
Image : Banksy
Cette tribu jardinière opère depuis quelques années déjà un peu partout dans le monde. La « guérilla » fait référence ici à l’idée d’assauts sporadiques pour défendre la nature en ville et lutter contre le bitume. Le terme a été choisi volontairement pour attirer l’attention : « il s’agit d’enfreindre des règles et d’éviter la normalité ; nous ne sommes pas aux armes comme les guérilleros espagnols mais nous reprenons du terrain et nous avons parfois l’impression de nous dresser contre plein de petits Napoléons », explique la branche française du mouvement sur son site. Ils comparent volontiers leur action à une « escarmouche » jardinière, une conquête du cœur et de l’esprit.
Leur mode d’action favori ? Les boules de semences ou bombe de graines (« seed bomb ») : composées d’argile et de compost (complexe argilo humique), elles renferment des semences très utiles pour les semis sur des sols urbains, souvent « secs, minces, compacts ou abandonnés ». Il s’agit aussi d’atteindre les espaces délaissés derrière les clôtures ou sur les toits, et d’utiliser une forme de semis qui ne dessèche pas au soleil et ne risque pas d’être mangée par les oiseaux.
Les premières grenades de graines (réalisées à partir de préservatifs, de graines de fleurs sauvages, d’eau et d’engrais) ont été utilisées par Liz Christy en 1973 à New York pour lancer des « actions de fleurissement sauvage ». La technique utilisée aujourd’hui a été inventée par le japonais par Masanobu Fukuoka, dont la vidéo suivante donne un aperçu de la productivité :
Note // Pour réaliser une bombe à graines, il vous faut…
- 5 doses d’argile rouge
- 3 doses de compost organique sec
- quelques graines par bombe de graine – les graines d’annuelles exposeront plus facilement paraît-il (Dianthus, Nicotiana, Cleomes, Tournesol, Zinnia, Cosmos, etc.)
- 1-2 doses d’eau
Formez le mélange en boules de 2 à 3 cm de diamètre. Une fois séchés, les boules sont prêtes à se propager. Le mieux est de lancer vos boules de graines durant une journée ensoleillée. Attendez que la pluie arrive pour pénétrer suffisamment l’argile, que les graines à l’intérieur germent avec les nutriments et des microbes bénéfiques à leur pousse.
Les Grafters
A San Francisco aux Etats-Unis il y a deux ans est née une organisation somme toute assez proche mais dont l’objectif est de greffer des branches fruitières aux arbres non fruitiers de la ville. En transformant ainsi l’espace municipal arboré en verger signalé par des rubans isolants de couleur, les « greffeurs guérilleros » sont considérés comme des vandales par la municipalité qui estime que les arbres fruitiers nuisent à la propreté des trottoirs, peuvent attirer des animaux et provoquer des problèmes en cas de chute d’un fruit.
Si les autorités désapprouvent toujours leur démarche, Tara Hui et Miriam Goldber, les deux instigatrices du mouvement, continuent pourtant avec une bonne trentaine d’acolytes (en octobre septembre 2012 d’après le LA Times,) de « mettre à la disposition des citadins des fruits nutritifs et savoureux« . Conviées à la 13e biennale internationale d’architecture de Venise pour présenter leur action dans le cadre de l’exposition « interventions spontanées: concevoir des actions pour le bien commun« , les deux femmes souhaitent convaincre le plus grand nombre possible de citoyens.
Une application de cartographie en ligne a été d’ailleurs été réalisée pour faciliter le suivi de leur production illégale (voir aussi leur groupe Facebook).
Les incroyables comestibles
Cela fait bien deux ans maintenant qu’ils sèment à tout va et qu’ils rencontrent un franc succès partout où ils passent. Le mouvement des incroyables comestibles est né dans le nord de l’Angleterre, à Todmorden : l’idée consiste à mettre à disposition de tous, gratuitement, des fruits et légumes.
Derrière cette nourriture à partager, un message : l’abondance est le fruit du partage. « C’est l’autonomie et la co-responsabilité qui conduisent à liberté et la souveraineté de chacun en tant que co-créateur de la Nouvelle Réalité« , peut-on lire sur le site.
En France, comme le montre leur page Facebook, l’ensemble des participants (plusieurs centaines sur l’ensemble du territoires) ont pris l’habitude de se prendre en photo devant la pancarte de leur ville. A Bordeaux récemment les membres n’ont pas hésité à s’installer sur le jardin appartenant au Mac Do du coin.
Pour vous lancer, prenez une jardinière ou un bac à fleur, plantez-y quelques graines et signalez l’existence de ce point de nourriture à partager de la commune avec une affichette d’information librement téléchargé sur le site.
Avec cette logique participative et co-créative qui entend promouvoir une autre économie, les villes deviennent comestibles : « chaque espace vert a une utilité autre que d’être regardé, où chaque espace public laisse place à une appropriation collective et non exclusive, où les espaces « délaissés » ne le sont plus et font l’objet d’une valorisation comestible » affirme le site villecomestible.org qui entend aussi « ramener en ville les arbres fruitiers et les plantes comestibles qui les accompagnent pour les rendre accessibles à tous« .
Plantcatching
Lancé en avril 2012, plantcatching.com est né dans l’esprit de Nicolas Cadilhac afin de mettre en relation les passionnés de jardinage qui possèdent des surplus de plantes avec leurs voisins de quartier qui en recherchent pour agrémenter leur jardin ou leur intérieur. En moins d’un an, le site a déjà permis l’échange et le don de 800 plantes, essentiellement au Québec, mais aussi en Europe. Le site devrait développer des synergies avec le réseau des Incroyables comestibles et cherche à rendre service à toutes les organisations qui souhaiteraient utiliser le site pour promouvoir leurs initiatives citoyennes.
Valérie, fervente utilisatrice de ce site, a déjà effectué 60 donations de plantes et graines: « grande amatrice de jardinage, j’ai une petite cour et un jardin communautaire et j’aime beaucoup essayer des nouveautés alors je change souvent des fleurs de place, et j’en ai souvent qui ne fleurissent pas par manque de soleil. Alors je me retrouvais avec des fleurs en ‘trop’. C’est de là que m’est venue l’idée d’en donner au lieu de les jeter. Je me suis rapidement mise à beaucoup utiliser PlantCatching pour donner et trouver de nouvelles plantes. Et j’ai découvert bien plus que ça! »
Plus que cela, c’est le plaisir de découvrir de nouvelles plantes, de faire des essais, des rencontres, et « de voir que les fleurs que je laisse le matin ne sont plus là le soir quand je rentre. Elles sont parties semer le bonheur ailleurs » affirme-t-elle, mordue par ce principe de partage et de dons de proximité, avec des voisins qu’elle ne connaissait pas avant.
Les jardins partagés
Naturellement, vous pouvez aussi vous investir dans une démarche de jardin partagé. Les premiers jardins partagés ne datent pas d’hier: se regrouper collectivement pour travailler la terre est une pratique qui date au moins du Moyen Âge. Aux États-Unis dans les années 1970, ce sont des centaines de jardins de quartier que l’on voit germer dans les grandes villes. Objectif ? Se réunir pour produire de quoi se nourrir, mais aussi se retrouver sur un terrain commun avec des projets collectifs.
Comme l’explique le réseau du Jardin dans tous ses états (JSTE), c’est par le biais de quelques animateurs sociaux, militants de terrain et autres jardiniers que ces pratiques d’appropriation collective sont progressivement importées en France et se fédèrent dans un collectif d’une dizaine de structures régionales, associatives et coopératives, à la fin des années 1990.
La solidarité, la convivialité, le lien, le partage, et la mixité sociale et culturelle font partie du socle de valeurs de ce réseau qui compte aujourd’hui onze antennes régionales et dénombre pas moins de 400 jardins partagés sur toute la France, même si l’estimation est difficile et que le réseau « préfère semer les jardins partagés et les mettre en relation plutôt que les compter », précise Julien Nadreau, membre du Collectif JSTE.
Sur leur site, jardins-partages.org, vous trouverez la liste des antennes régionales et les coordonnées des personnes à contacter pour trouver le jardin le plus proche de chez vous… ou lancer votre propre dynamique !
Et si vous avez la chance de posséder un jardin, pourquoi ne pas référencer votre lopin de terre sur pretersonjardin.com ou plantezcheznous.comet proposer à un jardinier de venir le cultiver et partager avec vous le fruit de la récolte ?$
Avec les temps qui courent, la philosophie de Candide aura de plus en plus raison dirait-on, non ?
Anne-Sophie Novel // @SoAnn sur twitter
Source: alternatives.blog.lemonde.fr
J’aime lire la graine de la coopération tout autour de notre belle planète. 🙂
Le changement c’est maintenant 🙂
Ça me plait beaucoup ce genre de bombe végétal. J’y réfléchis depuis un moment. Je vais me lancer à les lancer mais en adaptant les graines pour la montagne. Merci pour l’astuce.
Mis à part les jardins ouvriers/partagés, sous cela est de l’utopie ou du militantisme, mais en aucun cas une solution viable pour s’autoalimenter en ville. Aller implanter des variétés fruitières sur des arbres ornementaux que les employés municipaux tailleront sans savoir…
Ce n’est pas avec quelques plants de tomates sur son balcon qu’on devient indépendant. Il faut vivre en zone rurale pour envisager une indépendance alimentaire.