Ces installations classées « secret défense » sont elles indispensables ou impensables, si on tient compte de leur vétusté, des incidents à répétition, plus de 1000 pour l’année 2010 ?
PIERRELATTE (Drôme) – Au loin, deux gigantesques tours réfrigérantes et leur panache de vapeur. A l’entrée, pistolet à la ceinture, des gardes contrôlent les accès. Entre les deux, les 650 ha de la plate-forme Areva du Tricastin, plus important site d’enrichissement d’uranium en Europe.
« Ce site intégré unique », classé confidentiel défense, couvre « toutes les étapes de la production », jusqu’au démantèlement des installations nécessaires à la fabrication de combustible pour réacteurs nucléaires civils, expliquent à l’AFP les responsables de la communication de la plate-forme, spécialisée dans la chimie de l’uranium.En bordure du Rhône, entre Drôme et Vaucluse, 3.000 salariés – plus de 7.000 avec les sous-traitants et EDF, qui exploite la centrale nucléaire voisine – sont employés par les six filiales d’Areva présentes sur le site, le coeur du dispositif étant constitué des usines d’Eurodif et de la SET (Société d’enrichissement du Tricastin).
Vacarme assourdissant, chaleur étouffante, couloirs si longs que les employés, vêtus de combinaisons vertes, masque à gaz en bandoulière, s’y déplacent à vélo: l’usine George-Besse I d’Eurodif, désormais en fin de vie, a durant plus de 30 ans assuré jusqu’à « un quart de la capacité mondiale » d’uranium enrichi, par la méthode dite de diffusion gazeuse.
A quelques encablures, flambant neuve, juchée sur une butte anti-inondation, sa façade percée de grosses canalisations aux couleurs vives lui conférant des airs de centre Georges-Pompidou, l’usine Georges-Besse II opérée par la SET prendra peu à peu le relais, enrichissant le minerai par centrifugation, méthode plus économe en énergie.
Egalement présents sur le site, la Socatri – qui avait défrayé la chronique en 2008 lorsque 74 kg d’uranium avaient été répandus dans le milieu naturel – chargée du démantèlement des matériels et du traitement des effluents, ainsi qu’Areva NC, qui intervient sur les déchets, ou encore la Comurhex (transformation de l’uranium en hexafluorure), sans oublier la centrale EDF et ses quatre réacteurs.
Une telle concentration d’activités nucléaires représente-t-elle un risque radiologique particulier ?
« Vous savez, la radioactivité est présente à l’état naturel », minimisent invariablement les interlocuteurs sur place, rappelant par ailleurs que l’uranium ne devient hautement radioactif qu’après avoir été irradié dans un coeur de réacteur.
Le véritable risque admis est plutôt chimique: l’hexafluorure d’uranium, gaz à partir duquel est produit l’uranium enrichi, est en effet fortement toxique. « Tout le site est organisé à partir de ce risque-là », confirme le Dr Michel Carles, médecin du travail.
Ce que craint Roland Desbordes, président de la Criirad (Centre de recherche indépendant sur la radioactivité), c’est l’accumulation d’éléments radioactifs, la vétusté de certaines installations et « l’effet domino ».
« Indépendamment, c’est faiblement radioactif, mais en activité totale, vu les tonnages, on est en présence de l’équivalent de plusieurs coeurs de réacteurs », affirme-t-il. En outre, « il y a de vieilles installations, pas toujours aux normes anti-sismiques et anti-inondations », selon lui.
Il alerte enfin sur « l’effet domino », dû à la proximité d’installations chimiques et nucléaires, lequel verrait un incident sur une partie du site atteindre en cascade des équipements sensibles.
A M. Desbordes qui estime qu' »on a eu beaucoup de chance jusque-là », les autorités du site répondent « respect des normes », « prévention » et « formation ».
© 2011 AFPSource 20minutes