Payés des mois après avoir enseigné, et sans protection sociale : le scandale des vacataires à l’université ..

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Par Rachel Knaebel pour BastaMag

Une manifestation contre Parcoursup en 2018. CC Force ouvrière via Flickr.

Des milliers d’enseignants vacataires sont employés par les universités ou recrutés par des formations sélectives pour pallier le manque de postes. Ces enseignants, souvent des jeunes chercheurs, travaillent la plupart du temps sans contrat, sans bulletin de salaire, sont payés avec plusieurs mois, voire un an, de retard. Pire, l’administration les oblige parfois à travailler sous le statut d’auto-entrepreneur. Après des promesses non tenues en 2016, des collectifs se remobilisent. Leur première revendication : être payé au moins tous les deux mois pour le travail réalisé !

Des enseignants payés six mois, voire un an, après avoir commencé à donner des cours à l’Université : cela ne se passe pas dans un pays au bord de la faillite, mais bien en France. « Je travaille depuis début septembre. Aujourd’hui (le 19 février 2019), je n’ai encore reçu aucun salaire pour mon travail. » « L’année dernière, j’ai signé mon contrat bien après avoir donné mes cours, et j’ai reçu mon salaire en novembre 2018, plus d’un an après la majorité des cours », racontent ainsi des jeunes enseignants vacataires de l’université de Strasbourg, dont les témoignages sont recensés par le collectif Dicensus (Défense et information des chercheur.e.s et enseignant.e.s non-statutaires de l’université de Strasbourg). Les enseignants vacataires sont des jeunes chercheurs en cours de thèse, ou qui l’ont terminée, qui sont recrutés pour donner des cours aux étudiants. Enfin, « recrutés » est un bien grand mot au regard de leur situation.

Beaucoup travaillent sans contrat. Ils sont payés à l’heure de cours, sur des missions données au semestre ou à l’année, sans certitude de recommencer le semestre ou l’année suivantes. Le plus souvent, « les enseignants sont payés de quatre mois à plus d’un an après avoir donné leurs cours », précise Clément, de la Confédération des jeunes chercheurs. Cela varie en fonction des universités : « J’ai été vacataire dans plusieurs universités, et les modalités différaient à chaque fois. Ce statut est très ambigu », explique Michel [1], engagé au sein du collectif de Strasbourg.

Enseigner à l’université en tant qu’auto-entrepreneur…

Ces vacataires ont deux statuts : l’un pour les personnes en cours de thèse, l’autre pour celles qui l’ont finie et exercent comme enseignants en attendant d’obtenir, si possible, un poste titulaire. « Les vacataires doctorants sont salariés, mais ils n’ont pas droit au congé maladie ni au congé maternité. Pour les vacataires qui ont fini leur thèse, la règle est qu’ils doivent avoir une activité principale à côté. Souvent, ils ne l’ont pas, alors ils créent une microentreprise et facturent des prestations d’enseignement sous statut d’auto-entrepreneur », rapporte Michel.

Début mai, le Collectif des travailleur·es précaires de l’enseignement supérieur et de la recherche a publié un inventaire des conditions de travail des jeunes enseignants et chercheurs à l’université. Le collectif a recueilli un millier de réponses à son questionnaire entre janvier et juin 2018. « Les résultats de cet inventaire sont alarmants , écrit le collectif. La rémunération des vacataires nécessite de longs échanges avec des administrations, elles-mêmes précarisées. Les vacataires apprennent parfois en cours de semestre qu’ils ou elles ne remplissent pas les critères pour être payé·es. » Le collectif souligne aussi que « de plus en plus d’établissements imposent le statut d’auto-entrepreneur ».

Que ce soit à Strasbourg, Paris, Poitiers… différents collectifs se remobilisent depuis le début de l’année sur le sujet des vacations. À la faculté de sciences politiques de Paris-1 Sorbonne, les vacataires ont décidé, en signe de protestation, de ne pas saisir les notes des enseignements dont ils sont chargés. À Poitiers, les enseignants vacataires avaient aussi décidé d’une « semaine sans précaires » en mars, avec, là aussi, rétention de notes. À l’école de communication et de journalisme de la Sorbonne (le Celsa), les vacataires ont aussi menacé de ne pas communiquer les notes des épreuves de concours d’entrée qu’ils avaient corrigées, s’ils n’obtenaient pas d’engagement écrit et clair de la direction sur le paiement régulier des vacations.

« La chute des recrutements est compensée par un recours massif aux vacataires »

Même dans cette formation prestigieuse et sélective, les conditions de paiement des vacataires sont extrêmement précaires. « Certains vacataires sont au RSA. Et comme nous travaillons sans bulletin de salaire pendent des mois, la CAF déclenche des contrôles systématiquement. Pendant ce temps, le RSA n’est pas versé », rapporte Corinne Lellouche, vacataire au Celsa depuis 2006. « Ce statut de vacataire a été créé à l’origine pour des activités ponctuelles. Quand j’ai commencé, les vacataires étaient de gens avec de bonnes situations qui faisaient cela en plus de leur activité principale. Ce n’est plus le cas. Les nouveaux vacataires du Celsa ne sont plus des journalistes ou des communicants en poste. Ce sont des jeunes précaires qui multiplient les activités et ont besoin d’attestation d’emploi et de bulletins de salaire pour pouvoir faire valoir leur droits au chômage auprès de Pôle emploi. Au Celsa, il y a aujourd’hui 600 vacataires pour 120 titulaires, dont les personnels administratifs. » Si le recours à des intervenants extérieurs pour des cours ou des formations très ponctuels est logique, il semble que les universités et grandes écoles sont de plus en plus nombreuses à abuser de ce statut bancal et ultra-précaire.

Celui-ci n’est pas nouveau. Mais avec les réductions budgétaires et l’augmentation du nombre d’étudiants, la situation devient explosive. À l’université de Strasbourg, selon le calcul établi par Dicensus, entre 2011 et 2017 le nombre d’enseignants titulaires a diminué de 5 % [2]. Dans le même temps, les effectifs étudiants ont augmenté de 18 % de 42 500 à 50 000. « La chute des recrutements est compensée par un recours massif aux vacataires », dit le collectif. À la rentrée universitaire 2018, 1986 postes d’enseignants-chercheurs titulaires ont été ouverts au concours sur toute la France. C’est la première fois depuis dix ans qu’ils sont moins de 2000 à être recrutés. En 2010, les recrutements dépassaient même 3600 nouveaux postes [3]. Entre 2006 et 2016, le nombre d’étudiants passait quant à lui de 1,4 million 1,62 million [4].

Au moins 8000 postes de titulaires « qui passent à la trappe »

Les postes d’attachés temporaires d’enseignement et de recherche (Ater), des contrats destinés aux personnes en cours de thèse ou aux jeunes chercheurs qui viennent tout juste de la terminer, a lui aussi largement baissé. Ces contrats sont à durée déterminée, mais beaucoup moins précaires que les missions de vacations [5] Cependant, « il y a aussi une précarisation des Ater, souligne Clément, de la Confédération des jeunes chercheurs. On voit de plus en plus de contrats d’Ater de six mois seulement. Avant c’était un an renouvelable. » …./….

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Source BastaMag

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Enregistrement à partir de 18h45 au Lieu dit. 6 rue sorbier, Paris 20ème. Buvette sur place.

L’émission sera en ligne dès jeudi 27 juin, à 18h, sur le site de Radio parleur et sur Basta !

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