POUTINE – AVEC LA LOI SUR LA PÉRIODE DE TRANSITION, L’UKRAINE S’APPRÊTE À SORTIR DE FACTO DES ACCORDS DE MINSK

Par Christelle Néant pour Donbass-Insider

Lors de sa rencontre avec la chancelière allemande, Angela Merkel, le Président russe, Vladimir Poutine a indiqué à son interlocutrice que le projet de loi déposé début août par le gouvernement ukrainien sur la politique du pays pendant la période de transition après la « désoccupation » de la Crimée et du Donbass, viole tellement les accords de Minsk que son adoption équivaudra à une sortie de facto de l’Ukraine hors de ces accords.

Ce n’est pas la première fois que l’Ukraine adopte des lois ou résolutions qui contredisent les accords de Minsk : loi sur la langue ukrainienne, loi sur l’enseignement, et plus récemment la résolution de la Rada décrivant la guerre du Donbass comme un conflit armé russo-ukrainien. Sans parler des projets de loi toujours en attente de vote, comme celle visant à pouvoir interner les citoyens russes dans des camps.

Mais avec cette loi sur la période de transition après la « désoccupation » de la Crimée et du Donbass, on bat des records de violation des accords de Minsk par l’Ukraine, comme l’a souligné Vladimir Poutine.

« Aujourd’hui, j’ai informé madame la Chancelière fédérale qu’un autre projet de loi a été déposé par le gouvernement ukrainien, et si cette loi est adoptée, cela signifiera – veuillez le lire, ce n’est pas un document secret, il est publié sur le site web [de la Rada – note de la traductrice], assurément – cela signifiera le retrait unilatéral de facto de l’Ukraine hors du processus de Minsk », a déclaré Vladimir Poutine lors d’une conférence de presse après son entretien avec Angela Merkel.

«Il n’y a pas seulement une chose contraire aux accords de Minsk, mais tout là-dedans est contraire aux accords de Minsk. Cela signifiera le retrait de facto de l’Ukraine de ces accords », a ajouté le président russe.

Et effectivement quand on plonge dans le texte du projet de loi N° 4327 – sur « les bases de la politique d’État pendant la période de transition » – publié sur le site internet de la Rada (le parlement ukrainien), on comprend mieux les propos du Président russe.

Dès l’article 3, le projet de loi reprend en effet la rhétorique de la résolution de la Rada de mars 2021, et désigne la Russie comme menant une agression armée contre l’Ukraine dans le Donbass. Or, comme je l’avais indiqué à l’époque du vote de la dite résolution, ce point viole totalement les accords de Minsk, qui stipulent clairement que les parties qui doivent négocier la résolution pacifique du conflit du Donbass (c’est-à-dire les parties au conflit), sont l’Ukraine, la RPD et la RPL (Républiques Populaires de Donetsk et de Lougansk, mentionnées dans les accords comme « certains districts des régions de Donetsk et de Lougansk »).

Comme je l’ai déjà dit et écrit de nombreuses fois, si le conflit du Donbass était un conflit armée russo-ukrainien, les accords de Minsk stipuleraient que l’Ukraine doit négocier avec la Russie. C’est logique.

Mais ce projet de loi ne s’arrête pas là en termes de violation des accords de Minsk. L’article 9 concernant le fait que toute personne ayant ôté la vie ou grièvement blessé quelqu’un pendant le conflit (c’est-à-dire presque tous les soldats des milices populaires de la RPD et de la RPL) sera poursuivie en justice et ne pourra être amnistié, viole justement l’amnistie générale prévue par les accords de Minsk (point N°5).

L’article 10 quant à lui, interdisant aux personnes ayant été membres du gouvernement et les hauts fonctionnaires de la RPD et de la RPL, de pouvoir postuler aux élections ou de garder leur poste dans l’administration, viole la note située à la fin du texte des accords de Minsk concernant les mesures qui doivent être incluses dans la loi sur l’autonomie locale dans certains districts des régions de Donetsk et de Lougansk.

En effet, je rappelle que cette note stipule clairement que les personnes liées aux événements qui ont eu lieu dans le Donbass ne doivent être ni punies, ni persécutées, ni discriminées. Or cet article 10 du projet de loi ukrainien est justement une punition, une persécution et une discrimination à l’encontre de ces personnes.

Mais ce n’est pas le seul point qui pose problème. En effet, cette note spécifie aussi que les autorités locales de la RPD et de la RPL participeront à la nomination des chefs des parquets et des tribunaux. Or ce projet de loi viole aussi ce point, puisqu’il stipule que Kiev piochera dans une réserve de fonctionnaires venant d’autres régions d’Ukraine pour occuper les postes laissés vacants par l’éviction forcée des fonctionnaires précédents.

Rien qu’avec tout cela il y a déjà de quoi déclarer que ce projet de loi signe le retrait de facto des accords de Minsk par l’Ukraine. Mais cela ne s’arrête pas là !

En effet, l’article 16 sur les élections locales, stipule clairement que celles-ci ne pourront avoir lieu qu’une fois la « désoccupation » menée. Or les accords de Minsk stipulent clairement que l’Ukraine ne pourra récupérer le contrôle de la frontière avec la Russie dans le Donbass qu’une fois que les élections auront eu lieu. Ce projet de loi viole donc le point N° 9 des accords de Minsk.

L’article 19 qui impose un désarmement des régions « désoccupées » viole quant à lui la note concernant les mesures qui doivent être incluses dans la loi sur l’autonomie locale, qui stipule que des unités de milice populaire seront créées afin d’assurer la sécurité. Or ces unités de milice populaire seront forcément armées pour pouvoir mener leur tâche à bien.

Enfin, l’article 37, sur l’instauration de l’Ukrainien comme seule langue officielle, viole le droit à l’auto-détermination linguistique, prévu dans la note concernant les mesures qui doivent être incluses dans la loi sur l’autonomie locale.

Je rappelle au passage qu’en dehors des délires de réécriture de l’histoire de la guerre du Donbass (il n’y a pas plus d’occupant russe dans la région qu’il n’y a de beurre en branche) par l’Ukraine, la réalité est que le conflit a justement éclaté à cause du retrait par Kiev du statut de langue régionale à la langue russe. Si la population du Donbass, et celle de la Crimée, se sont soulevées contre les autorités ukrainiennes post-Maïdan c’est à cause de leurs velléités d’ukrainisation forcée de régions profondément russophones et peuplées majoritairement de Russes ethniques.

Sans surprise, ce texte viole tellement les accords de Minsk qu’il ne daigne même pas les mentionner, alors que je rappelle que ces derniers sont la seule possibilité pour l’Ukraine de récupérer pacifiquement le Donbass. De là à en conclure que cette loi est prévue pour une récupération par la force, il n’y a qu’un pas que je vous laisse décider de franchir ou pas.

Avec un tel projet de loi dans les cartons en Ukraine, Angela Merkel aura besoin de bien plus que de simples déclarations sur la nécessité de « redonner vie au Format Normandie », ou de trouver un agenda commun pour faire avancer les négociations sur les accords de Minsk lors de sa rencontre avec Zelensky, pour ramener Kiev dans le droit chemin. Car Vladimir Poutine a raison de déclarer que si l’Ukraine adopte cette loi, alors cela signifiera qu’elle sort de facto des accords de Minsk.

Christelle Néant

Volti

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