Photo : Le Lion de Palmyre, datant du 1er siècle avant Jésus-Christ, a été détruit par Daech à la pelle mécanique en 2015. Désormais restaurée, cette pièce maîtresse du musée de Palmyre est exposée dans les jardins du musée de Damas. (Photo IVERIS)
Depuis maintenant sept ans, la Syrie est en guerre. Ce pays aimable, tolérant, hautement civilisé que même ses détracteurs ne pouvaient s’empêcher de trouver beau et attachant est d’ores et déjà confronté à un formidable défi, celui de l’après-guerre. Les assaillants barbares venus de cent pays, atlantistes comme islamistes, se sont acharnés à vouloir en détruire les richesses, les infrastructures, les capacités, les monuments, les beautés naturelles afin de le rayer de la carte. Ils ont aussi et surtout tenté de broyer le peuple syrien, d’effacer sa mémoire et son identité afin de l’anéantir.
Avec la complicité d’une soi-disant « communauté internationale » en trompe-l’œil, ils s’emploient maintenant à le priver, autant qu’il sera possible, de toute perspective d’avenir, en lui volant ses droits imprescriptibles : disposer de lui-même, décider, sans ingérence étrangère, de son destin et de son régime politique. Sans pudeur et sans vergogne, les mêmes assaillants ne cachent pas leurs velléités de replacer l’avenir, notamment constitutionnel, de la Syrie sous « tutelle onusienne », c’est-à-dire sous mandat, autant dire sous le joug colonial.
Afin d’effacer l’empreinte géographique d’une Syrie mère de la civilisation (y compris la nôtre), peut-il y avoir un moyen plus efficace que de disperser un peuple et surtout de briser un Etat qui a commis le crime de lèse-majesté ? En effet, au final, l’entreprise est destinée à faire de ce qui fut jadis une grande Syrie un archipel de mini-entités, et de son peuple une mosaïque tribalisée ayant vocation à être vaporisée en une vaste diaspora : dans une première approche, ce crime inqualifiable mérite la double qualification de « politicide » – la dissolution d’un Etat qui dérange – et d’ethnocide – l’anéantissement d’un peuple qui résiste.
C’est ce qui est inscrit dans le « grand dessein » néoconservateur. Ce dernier, notons-le au passage, reviendrait à infliger à la Syrie le destin réservé depuis 70 ans à la Palestine, pan de terre volé sous l’égide du colonialisme triomphant. Le sort des Syriens pourrait alors ressembler à celui des Palestiniens, irrémédiablement spoliés au nom d’une « mission divine ». Le sinistre destin des peuples amérindiens, éliminés de l’histoire, est là pour rappeler de quoi sont capables les colons venus d’ailleurs.
Les dégâts sont immenses, se chiffrant en centaines de milliards de dollars, auquel il conviendrait d’ajouter – mais c’est leur problème – les millions, billions ou trillions dépensés par les « puissances » assaillantes pour conduire leurs batailles « pour la démocratisation ».
Il ne sert à rien d’invoquer les valeurs de la morale, naturelle ou religieuse, le droit international et la légalité onusienne, voire la simple décence, face à des agresseurs sans foi ni loi. On ne peut attendre d’Etats qui s’érigent en gendarmes de la planète tout en se comportant comme des régimes voyous une quelconque logique. Il est paradoxal, après tout ce temps, ces horreurs, ces massacres, ces actes de sauvagerie, cette barbarie, que l’on trouve encore dans le grand Occident « démocratique » tant de défenseurs de l’indéfendable, tant d’admirateurs des djihadistes présentés comme démocrates ou « modérés ». Les intellectuels sont piégés par leur aveuglement initial, les médias sont plombés par l’omerta, les politiques sont otages de leur doxa néoconservatrice, dans l’Hexagone comme dans tout le monde judéo-chrétien.
Pourquoi un tel acharnement, une telle obstination dans le mensonge ? C’est que la Syrie est depuis longtemps dans le collimateur de l’Amérique, de la Grande-Bretagne et d’Israël. La Syrie historique est le centre de gravité du Proche-Orient, le lieu de naissance des trois religions révélées, le cœur battant de l’arabisme, symbole de l’islam moderne et tolérant, siège des premiers califes : un héritage très lourd à assumer, mais qui a assuré à ce « phare de l’Orient » un prestige indéniable auprès des Arabes et une aura de sympathie chez les Musulmans.
Tolérante, multiconfessionnelle, moderne, républicaine, forte de son identité et de sa conscience historique, elle représente ce que les extrémistes de tout bord exècrent par-dessus tout.
Depuis son indépendance et la création d’Israël, la Syrie n’a cessé d’apporter un soutien indéfectible à la cause palestinienne et est toujours apparue comme un Etat rebelle à l’ordre israélo-atlantique. Face au délabrement du monde arabe, la Syrie s’est inscrite dans l’axe de la résistance et elle résiste. Son armée nationale a tenu le coup seule contre tous durant quatre ans, puis, aidée de ses alliés, a entamé la reconquête, s’affirmant au passage comme le principal artisan de l’éradication de Da’esh, malgré les mensonges et prétentions des usurpateurs fanfarons. L’Etat syrien contrôle désormais les quatre cinquièmes du territoire national, ayant mis en échec, par sa résilience, les plans des agresseurs.
Pour ceux-ci, la Syrie de 2018, après tant de batailles et tant d’essais non transformés, constitue une réalité impensable et intolérable. Il faut donc la faire disparaître de la carte, ne serait-ce qu’en l’ignorant. Il convient pour cela de délégitimer l’Etat, présenté systématiquement comme un « régime », ses institutions, sa constitution, son gouvernement, diaboliser son Président, ignorer les volontés de son peuple, les succès de son armée en les attribuant à ses alliés, voire à ses ennemis.
Il faut dénier au Président et à son entourage tout pouvoir, tout rôle à venir, tout droit de véto, et faire en sorte qu’il ne puisse y avoir de solution politique « syrienne » issue d’un dialogue national, sous l’égide de ses alliés et de ses amis. Il faut au contraire que son sort soit décidé par ses ennemis, par la « communauté internationale » aux aguets, par trois Etats représentant 470 millions de personnes soit 6 à 7% de l’humanité, lesquels pestent de ne plus pouvoir imposer leur loi au Conseil de Sécurité
Décidément, le monde est tombé sur la tête puisqu’il n’y a plus de légalité internationale, plus de respect du droit onusien, censé être la bible des diplomates. Les faux gendarmes du monde qui en sont les fauteurs de désordre, les cambrioleurs qui crient au vol, les violeurs de la légalité qui crient au viol, les agresseurs qui s’indignent des agressions de l’armée syrienne, les pratiquants d’ingérences illégales qui s’indignent de l’intervention légale des alliés et partenaires de l’Etat, tout ce beau monde s’agite et manœuvre au grand jour.
Exit les comparses et les forces écran, voilà que les commanditaires et les parrains véritables ont jeté le masque et s’emploient à réaliser ouvertement ce qu’ils ont échoué à faire par procuration durant sept ans. Israël au Sud, l’Amérique et ses affidés européens au nord–est en appui des forces kurdes portées aux nues, la Turquie au nord-ouest contre les projets des Kurdes et tous contre Bachar al-Assad. Le prétexte de la lutte contre Da’esh et le terrorisme apparaît maintenant pour ce qu’il était, une fumisterie que défendent les ennemis de la Syrie légale et à laquelle ne croient plus que les imbéciles.
Jean-Yves Le Drian exige (sic) « le retrait de tous ceux qui n’ont rien à faire en Syrie ». Il ose. Devinez qui sont pour lui ceux qui n’ont rien à faire en Syrie ? Oui, vous avez gagné : l’Iran, le nouveau diable à la mode, le Hezbollah terreur d’Israël, la Russie, les forces « chiites » d’Irak.
Vous savez donc quels sont les pays qui ont à y faire : les trois obsédés du bombardement humanitaire, ceux qui possèdent des armes de destruction massive, violent systématiquement le droit international, soutiennent le terrorisme quand ils ne l’ont pas créé, ceux qui souhaitent piller tranquillement les ressources pétrolières et gazières de la Syrie et de la région : en d’autres mots, l’Amérique et ses fidèles. Pour faire bon poids bonne mesure, ajoutons Israël, ami des « révolutions arabes » qui détruisent les Etats du même nom, la Saoudie, grande démocratie devant l’éternel et spécialiste en constitutions, en droits de l’homme et de la femme, et en tolérance religieuse, la Turquie membre éminent de l’OTAN, ennemie des turcs des montagnes, mais amie des séparatistes kurdes de Syrie ou d’Irak et soutien des djihadistes, le Qatar à condition qu’il continue à acheter tout et n’importe quoi dans notre pays en difficulté.
Pour le reste, la Syrie a tenu bon pendant de longues années, son armée est capable de soutenir les assauts d’Israël et d’abattre les avions qui l’attaquent. Elle est solidement ancrée dans un axe de la résistance résolu et bien coordonné, soutenue par des alliés fiables, à commencer par la Russie. La Syrie n’est pas un figurant, elle est au centre d’une guerre globale. Combien d’Etats auraient résisté comme elle l’a fait ?
Messieurs les « amis de la Syrie », ennemis de son « régime » et de son Président, vous avez maintenu la fiction d’un soulèvement populaire contre un « tyran massacreur ». En quoi cela vous regarde-t-il ? Vous avez d’ailleurs tout faux et le savez bien puisqu’en réalité le pays qui vous obsède est avant tout victime d’une guerre d’agression qui met en danger son existence.
L’Etat syrien a sûrement le droit de piloter les négociations qui décideront de son avenir et de récuser toute ingérence des agresseurs. Il a le droit de refuser vos ingérences, vos plans de partition et vos projets tordus. Les guerres de Syrie sont depuis belle lurette les composantes d’une guerre universelle en passe de devenir « mondiale ». Si cette agression regarde la « communauté internationale », c’est selon les critères du droit international, codifiés par la Charte des Nations-Unies, qu’elle doit être considérée… Là, on comprendra très bien que cette approche, la seule envisageable, vous pose un léger problème. Ce problème n’est pas celui du pays agressé. Il est celui de l’agresseur que vous êtes et qui traite la Syrie comme un « pays ouvert » à toutes les aventures et à toutes les entreprises hostiles.
Messieurs les agresseurs, n’oubliez jamais que votre présence en Syrie est illégitime et illégale, y compris s’agissant de vos barbouzes, de vos conseillers spéciaux ou de vos forces-au-sol. Et s’il y a une présence légitime par excellence, ce n’est pas la vôtre, c’est celle de l’Etat syrien, celle des alliés et partenaires du gouvernement de Bachar al-Assad, dont vous exigiez le départ. S’il y a un retrait qu’impose le respect du droit international, c’est celui des pays qui n’ont rien à faire en Syrie, vos pays.
Michel Raimbaud
Ancien ambassadeur
Professeur et conférencierSource Mondialisation.ca
La source originale de cet article est IverisCopyright © Michel Raimbaud, Iveris, 2018
voila qui est bien parle. mais je crains helas que ces bonnes paroles ne soient vaines a convertir les ignobles porte drapeaux de la deni-cratie occidentale…
Et les radios qui s’empressent de formater les auditeurs en parlant du “boucher de Damas” ! cela m’écœure ! combien de têtes sans cervelles à force de matraquage vont gober cela ? rien que l’expression est ignoble car jusqu’à ce jour ce ne sont que des on-dits, bien distribués, qui jugent ainsi le Président.
Je ne suis ni pour ni contre lui n’ayant pas la connaissance réelle et suffisante de la situation pour en juger sans partialité, mais voir traiter un homme comme un bouc émissaire sans preuves irréfutables et flagrantes me débecte profondément.
Bravo pour cet article.
Il es très utile pour comprendre les enjeux de ce qui se déroule actuellement en Syrie.
Avec tout ce que Hurle les médias chaque jour, le grand public est certainement convaincu de la guerre contre la Syrie, alors que la réalité est différente.
Cet article mérite d’être repris et d’être envoyé (par email ou par courrier simple à tous les petits journaux et les radios locales.
— Une PROPOSITION —
Que chacun de nous, envoie aux responsables de sa commune (aux élus, aux responsables syndicaux, associatifs…) une copie “Papier” de cet article. Je vous assure que cela changerait beaucoup de choses.
Les grands maires s’en ficheront (de toute façon ils connaissent une parie de la vérité mais le cachent), mais la base, celle qui se fait manipuler, c’est elle qu’il faut toucher et lui donner les bonnes informations. Ne négligeons pas l’impact local, même s’il ne s’agit que de quelques personne,s c’est déjà une once de vérité dans un océan de mensonge.
N. B. D’ailleurs, on pourrait répéter cette opération avec d’autres sujets fondamentaux.
Je peux t’assurer que beaucoup de maires de petites communes s’en foutent éperdument, la Syrie n’est pas à leur porte. Et il n’y a pas que les maires, combien de Français pensent la même chose !
Beaucoup, c’est vrai.
Mais pas tous.
Parfois l’information est longue à faire “tilt”, mais quelques-uns un jour ou l’autre vont se poser des questions et commencer à réfléchir.
C’est pour cela qu’il faut continuer à se battre et transmettre les vraies informations. A un moment ou à un autre, la vérité finit par lézarder les murailles de mensonges.
Merci à tous de communiquer cet article par courrier (ou courriel) autour de vous.