
Par Nexus
Alors que la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture continue d’émettre un avis défavorable à l’enlèvement de plusieurs vitraux de la cathédrale Notre-Dame de Paris, épargnés par l’incendie de 2019, pour les remplacer par des vitraux contemporains, le projet voulu par Emmanuel Macron se poursuit. Un « geste artistique » présidentiel estimé à 4 M€.
◆ Le message trompeur de Rachida Dati
En n’annonçant qu’une demi-vérité, le message posté sur X jeudi dernier par la ministre de la Culture, Rachida Dati, était assez malin en termes de communication politique. À le lire, on pourrait croire que la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA), jusque-là fortement opposée au remplacement de certains vitraux de la cathédrale Notre-Dame par des œuvres contemporaines, a finalement changé d’avis.
« La Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA) a émis à l’unanimité le vœu de : la restauration des vitraux de Viollet-le-Duc dès qu’ils seront déposés ; leur exposition dans un lieu dédié », a ainsi résumé la ministre, en choisissant délibérément d’omettre l’essentiel, à savoir que la commission maintient globalement un avis défavorable sur le projet.

◆ Un projet d’abord jugé « irrecevable » par Bachelot
Retour en arrière. En novembre 2020, alors que la cathédrale est en restauration suite à l’incendie de 2019, Mgr Aupetit, archevêque de Paris, évoque l’idée d’un « geste contemporain » par la création de nouveaux vitraux. Ce à quoi Roselyne Bachelot, alors ministre de la Culture, s’était fermement opposée. « La France a signé la convention de Venise de 1964 qui rend absolument impossibles toute dépose desdits vitraux et leur remplacement par des œuvres modernes. La chose est pour moi irrecevable et contraire aux conventions que nous avons signées », avait-elle déclaré lors d’une audition à l’Assemblée nationale.
◆ Macron revient à la charge en 2023
Alors que le projet semble enterré, il ressurgit soudain le 8 décembre 2023. Lors d’une visite du chantier de Notre-Dame, le président Emmanuel Macron annonce que les vitraux de six des sept chapelles du bas-côté sud de la cathédrale vont être remplacés par des vitraux contemporains, qui feront l’objet d’un concours. Ces nouvelles œuvres permettront d’inscrire « la marque du XXIe siècle » au sein de l’édifice. Selon une dépêche AFP reprise par Le Monde, le chef de l’État répond ainsi à une demande insistante du nouvel archevêque de Paris, Mgr Ulrich.
Les vitraux déposés, signés de l’architecte Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879), seront quant à eux exposés dans le futur « Musée de l’œuvre de Notre-Dame », dont la création est également annoncée lors de cette visite.
◆ Les vitraux de la discorde
La nouvelle a aussitôt suscité un tollé parmi les défenseurs du patrimoine, offusqués qu’Emmanuel Macron veuille remplacer des vitraux restés intacts lors de l’incendie. Par ailleurs, les œuvres de Viollet-le-Duc sont classées « Monument historique », comme l’ensemble de la cathédrale, et ne peuvent, selon eux, être remplacées de manière aussi désinvolte, par le seul fait du prince. Comme Roselyne Bachelot, ils invoquent la Charte de Venise de 1964, dont la France est signataire, bien que ce texte n’ait aucun caractère contraignant.
En tête des contestataires, le journaliste Didier Rykner monte au créneau à travers son média indépendant La Tribune de l’Art et lance, dès le 10 décembre 2023, une pétition en ligne, qui a recueilli à ce jour plus de 288 000 signatures. Cette action est notamment soutenue par l’association Sites & Monuments, très remontée contre le projet.
◆ Rachida Dati défend le projet, la CNPA s’y oppose
En janvier 2024, Rachida Dati est nommée ministre de la Culture. Contrairement à Roselyne Bachelot, elle va défendre le « geste contemporain » voulu par le président. En juillet 2024, elle consulte donc la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture pour avoir son avis sur ce projet. Pas de chance, la CNPA va dans le sens des opposants en rendant à l’unanimité un avis défavorable à l’enlèvement des vitraux de Viollet-le-Duc.
Mais l’exécutif n’en a cure et poursuit le projet. En décembre 2024, l’artiste française Claire Tabouret est désignée lauréate du concours de création de vitraux, en binôme avec l’atelier verrier Simon-Marq de Reims.
◆ Un an plus tard, la CNPA est toujours contre
Ce jeudi 12 juin 2025, la CNPA a donc de nouveau été consultée par la ministre, pour donner cette fois son avis sur les œuvres proposées par l’artiste. Ce que la commission, en toute cohérence, s’est abstenue de faire, rappelant qu’elle avait déjà rendu un avis défavorable à la dépose des actuels vitraux.
Très clairement et pour compléter le message tronqué de Rachida Dati, la CNPA a pris acte de la décision de la ministre de passer outre son avis, tout en émettant le souhait (si jamais le projet devait être mené à terme) que les vitraux de Viollet-le-Duc soient immédiatement restaurés et exposés au public dans un lieu dédié, sans attendre la création d’un hypothétique « Musée de l’œuvre de Notre-Dame ».
◆ Des actions en justice pour tenter d’enrayer le projet
Les détracteurs du projet, eux, n’en resteront pas là et comptent sur la justice pour le stopper en plein vol. Dans un article publié le 12 juin, Didier Rykner souligne qu’« un premier volet [judiciaire] est en cours, qui conteste la légitimité de l’établissement public à être maître d’ouvrage ». « Un second le sera bientôt, poursuit-il, dès la délivrance de l’autorisation de travaux, avec bien sûr une demande de référé-suspension. »
Le fondateur de La Tribune de l’Art estime également que les responsables politiques « devront rendre des comptes sur une telle utilisation des deniers publics dans un temps de restrictions budgétaires tous azimuts ». Le coût de cette « fantaisie contemporaine » est en effet estimé à 4 M€.
Article par Alexandra Joutel
(Image principale par Pixabay)

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« Le fait du Prince » dans toute son horrible splendeur ! Rien que pour cela, il mériterait d’être déposé, sachant que les motifs à cette œuvre d’utilité publique sont légions ! Y compris une pléthore de meurtres avec préméditation, où bien entendu il n’est JAMAIS la main agissante.
Lamentable ! Outre le fait de remplacer des œuvres d’art qui font partie du patrimoine français, comme partie intégrante de la construction de Notre-Dame, il y a aussi l’aspect dépense somptuaire à une période difficile, où il faut économiser le plus possible.
D’ailleurs, il y a des articles du code civil (art 517)
qui parlent des objets intégrés à une construction, qui sont donc devenus des « biens immeubles par destination » et donc ne sont plus des « biens meubles ». Le statut juridique n’est donc pas celui des biens meubles, plus « favorables » au projet de macron.
Là, les biens étant immeubles, y toucher, c’est toucher à la structure même du bâtiment.
Des juristes pourraient s’emparer de cette affaire sur ce point notamment.
https://fiches-droit.com/immeubles-par-destination
Bonjour Biquette; en regardant les réalisations picturales représentant des enfants, de l’artiste choisie pour réaliser les vitraux, Claire Tabouret, qui vit et travaille à Los Angelès, tu pourras peut-être faire un lien avec le personnage pervers qui veut les imposer malgré toutes les désapprobations. Encore une fois la France est humiliée par les actes insensés d’un homme devant lequel, étrangement quand même, beaucoup trop se couchent en ayant perdu leur intégrité, leur humanité.
Bonjour Arkébi, je répondais sur le plan juridique, le seul qui, si la justice faisait son boulot, serait susceptible de l’arrêter. Mais tu as tout a fait raison, les peintures de cette … « artiste » sont d’une totale perversion. Ecoeurant même !
Oui Biquette, je l’avais compris, mais la justice, depuis quelques temps, est plutôt à géométrie variable: avec un compas et une équerre on peut modifier beaucoup de règles, de lois ou ne pas respecter du tout celles existantes.
Vitraux vitreux vite remplacés…… on n’arrête pas une Force qui va, surtout si sur le cheval il n’y a que du vent, comme on dit à Castelnaudary…. mais quel vent !
https://www.youtube.com/watch?v=rS9RlRfTdjM