L’OTAN et le Conseil de sécurité de l’ONU
Je pense que c’est le bon moment pour revenir sur la plus grande alliance militaire du monde et de l’histoire de l’humanité : l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Nous allons faire le point à l’aide du livre de Daniele Ganser, « Les guerres illégales de l’OTAN, une chronique de Cuba à la Syrie », sorti en 2016 aux éditions Demi-lune.
Il s’agit ici d’un livre assez académique, l’auteur est un Suisse, enseignant-chercheur en histoire qui a notamment fait sa thèse universitaire sur « Les armées secrètes de l’OTAN » qui a amené à la publication de son livre précédent du même nom et traduit en neuf langues.
Notre livre du jour part du postulat que les guerres qui font les gros titres des médias depuis des années ne sont que très rarement qualifiées d’illégales alors que c’est généralement le cas. Effectivement, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et la fondation de l’ONU en 1945, il y a une interdiction de recourir à la guerre à l’échelle mondiale à deux exceptions près.
- La première est le droit à l’autodéfense qui donne l’autorisation à un pays attaqué de se défendre ;
- La seconde c’est qu’une guerre contre un pays ne peut être entreprise qu’avec un mandat explicite du Conseil de sécurité de l’ONU.
Hormis ces deux cas, toute guerre est interdite depuis plus de 70 ans.
L’auteur constate ainsi que ce sont les pays de l’OTAN, dirigés par les États-Unis, qui ont déclenché le plus de guerres illégales dans une totale impunité depuis 70 ans. C’est logique vu que l’OTAN est surreprésentée au Conseil de sécurité de l’ONU avec ses membres américains, britannique et français. Les deux autres membres étant la Russie et la Chine. Cela veut dire dans la théorie et dans la pratique, ce sont ces 5 pays qui ont en main la paix mondiale sur les 193 autres États membres de l’ONU. Il est intéressant de noter que les 5 pays responsables de la paix mondiale sont dans le même temps les plus gros exportateurs d’armements au monde ; les États-Unis occupant à eux seuls 30 % du marché soit la première position du classement. Ceci pose donc la question du conflit d’intérêt lorsqu’un conflit intervient et que les exportations d’armes de ces cinq membres augmentent dans les zones concernées.
Les institutions de l’Empire ?
L’OTAN a été créée en 1949 à Washington avec 12 membres fondateurs :
- les États-Unis,
- la Belgique,
- le Danemark,
- la France,
- l’Islande,
- l’Italie,
- le Canada,
- le Luxembourg,
- les Pays-Bas,
- la Norvège,
- le Portugal
- la Grande-Bretagne
L’organisation compte aujourd’hui 30 États membres et reste structurellement contrôlée par les États-Unis. Les Européens occupent en général le plus haut poste civil de l’OTAN, celui de secrétaire général qui s’occupe des relations publiques, tandis que le poste de commandant militaire suprême pour le territoire européen est toujours confié à un général américain qui est responsable de la planification, la préparation et la direction de toutes les guerres de l’OTAN.
Il faut savoir que même si on n’est pas membre de l’OTAN des pays comme l’Autriche et la Suisse sont intégrés dans le cadre du Partenariat Pour la Paix qui vise à promouvoir la coopération sécuritaire avec les pays non membres de l’OTAN. La différence entre l’adhésion à l’OTAN et la participation au Partenariat Pour la Paix est aussi ténue qu’une feuille de papier.
Quand l’auteur parle des États-Unis ou de l’OTAN, il parle de l’empire américain qui est tout simplement défini comme la plus grande puissance économique et militaire dans une période historique donnée. Le National Security Council (NSC ou Conseil de Sécurité Nationale) est la structure qui détermine la politique étrangère des États-Unis au service des intérêts de l’oligarchie américaine. Il est composé, entre autres, du noyau dur de l’exécutif américain, le président, le vice-président, le ministre des Affaires étrangères, le ministre de la Défense, le directeur des 16 services de renseignements, le chef d’état-major des armées et le conseiller à la Sécurité nationale.
La guerre illégale de l’OTAN contre l’Iran
Rentrons dans le vif du sujet : nous allons faire la chronologie des guerres illégales de l’OTAN intervenues dès la création de l’alliance militaire.
Commençons par la guerre illégale contre l’Iran en 1953, une histoire bien connue.
L’Anglo-Iranian Oil Company qui deviendra British Petroleum (ou BP) contrôlait l’exploitation pétrolière en Iran depuis 1908. Mais le 15 mars 1951, le Parlement iranien vota une loi de nationalisation qui mit fin au contrôle de l’entreprise anglaise sur le pétrole iranien. En conséquence, les pétroliers britanniques refusèrent d’exporter le brut iranien nationalisé et la Royal Navy mit en place un blocus maritime sans mandat de l’ONU devant les ports du pays, empêchant tout autre État d’exporter le pétrole iranien.
Le Premier ministre Mohamed Mossadegh à la tête du pays fut ensuite renversé par un putsch illégal de la CIA et du MI6 : il s’agit de l’Opération Ajax. Durant cette sédition, le chef de la police de Téhéran a été kidnappé, séquestré et tué par des agents iraniens à la solde de la CIA, des attentats ont été mis en scène pour les attribuer au Premier ministre Mohamed Mossadegh et des soldats et des bandes de rues ont été financés pour faire monter le niveau de violence et permettre le coup d’État.
Nous avons donc ici deux membres de l’OTAN qui, juste après la Seconde Guerre mondiale, bafouaient la Charte de l’ONU tout récemment créée et renversaient un gouvernement démocratiquement élu. Tous ces faits sont tirés de documents déclassifiés des services de renseignement américains. C’est incontestable, même l’ancien président Barack Obama l’a admis !
La guerre illégale de l’OTAN contre le Guatemala
Passons à la guerre illégale contre le Guatemala en 1954. Un an plus tard à peine, nous retrouvons le même scénario, à peu de chose près. Le président Jacobo Arbenz élu en 1951 a commencé à réformer le pays et à distribuer des parcelles non cultivées à près de 100 000 paysans sans terre se mettant ainsi à dos les grands propriétaires terriens de ces biens dont notamment la United Fruit Company qui s’appelle aujourd’hui Chiquita (un des plus grands producteurs de bananes du monde).
Le directeur de la CIA de l’époque, Allen Dulles, était actionnaire de l’entreprise, de même que son frère John Foster qui était quant à lui Secrétaire d’État (l’équivalent américain de notre ministre des Affaires étrangères). Bref, tout un tas d’intérêts de l’élite américaine était en jeu et donc des opérations secrètes ont été mises en place pour déstabiliser le pays. Les États-Unis faisaient capoter leurs achats d’armes à l’étranger (à des pays alliés de l’OTAN en plus) et une guerre finit par être lancée par les États-Unis le 18 juin 1954. Une guerre illégale si on s’en tient à la Charte de l’ONU et de l’Organisation des États américains signée en 1948.
Des bandes armées envahirent donc le Guatemala depuis le Honduras voisin et le changement de régime eut lieu malgré les demandes d’aide du gouvernement guatémaltèque à l’ONU. Le meneur des rebelles payés par la CIA, Castillo Armas, s’autoproclama président du Guatemala le 1er septembre 1954 et mit un coup d’arrêt à la réforme agraire et aux expropriations des terres de la United Fruit Company. Nous étions en pleine guerre froide donc les Américains avaient accusé l’ex-président Jacobo Arbenz de communiste pour se justifier. Il est très important de trouver une bonne excuse.
La guerre illégale de l’OTAN contre l’Égypte
Autre cas en 1956, l’Égypte fut également victime d’une guerre illégale, cette fois-ci menée par Israël (« soutien indéfectible de l’OTAN » sans y être), aidé par la France et la Grande-Bretagne, deux pays membres de l’OTAN, disposant d’un droit de véto au Conseil de sécurité de l’ONU.
L’Égypte ne fut pas du tout protégée par l’ONU. Le président égyptien Nasser a eu l’audace (ou le malheur) à l’époque de reconnaître la Chine communiste et de menacer Israël. L’opération Mousquetaire fut déclenchée contre lui quand il nationalisa la Compagnie franco-britannique, qui contrôlait le canal de Suez où transite le gaz et le pétrole vers le marché européen. Mais l’invasion étrangère visant à le renverser a globalement échoué, ce qui ne la rend pas légale pour autant.
La guerre illégale de l’OTAN contre Cuba
Passons au cas cubain maintenant. Vous avez sûrement déjà entendu parler de la fameuse invasion de la baie des Cochons en 1961 et bien il s’agit d’une guerre illégale.
La révolution cubaine de Fidel Castro n’a pas plu aux Américains, car de tendance soviétique. Qui plus est, le point central du programme révolutionnaire était encore une fois une réforme agraire expropriant des entreprises américaines, couplé à la nationalisation des raffineries pétrolières ce qui poussa les États-Unis à programmer un changement de régime au bout d’un an. C’est notamment le National Security Council, le Conseil de Sécurité Nationale américain, qui émit l’avis d’un coup d’État le 10 mars 1959 lors d’une réunion secrète à la Maison Blanche.
Le président Eisenhower autorisa la CIA à organiser, financer, entraîner et armer des exilés cubains au Guatemala pour saboter la révolution. Le Guatemala qui venait de passer sous son contrôle, nous l’avons vu précédemment. Des bombes incendiaires furent larguées en octobre 1959 sur les plantations de canne à sucre et les usines cubaines. Les lettres de protestations de Cuba au président du Conseil de sécurité de l’ONU n’y changeaient rien, les Américains traitant les allégations des Cubains de désinformations et contre-vérités.
Nous avons généralement les mêmes arguments aujourd’hui. Il faut bien noter que la CIA avait infiltré les médias de masse et agences de presse américaine pour bloquer la publication d’articles indésirables. Les diplomates américains ont également paralysé l’ONU avec des mensonges pour pouvoir effectuer leurs opérations secrètes et à partir de janvier 1959, leur objectif principal était d’éliminer Castro ; il détient d’ailleurs le record des tentatives d’assassinats (638). Entre parenthèses, on n’oubliera pas les complots et meurtres américains réussis contre les dirigeants Patrice Lumumba au Congo, Rafael Trujillo en République dominicaine, Ngo Din Diem au sud Vietnam et René Schneider au Chili, dans les années 60.
L’invasion de la baie des Cochons par des proxys cubains à la solde des Américains fut un échec, car Castro était étonnement bien préparé. Il y avait quand même déjà gouvernement cubain provisoire composé par la CIA qui n’attendait plus que la réussite du putsch pour se mettre en place. L’ingérence américaine avait débuté par une guerre économique avec un embargo sur la commercialisation de sucre et de pétrole de Cuba, en organisant aussi des opérations de sabotage dans les usines, bref tout ce qui pouvait nuire à l’économie cubaine a été utilisé pour provoquer une révolte de la population contre le gouvernement.
Le Conseil de sécurité de l’ONU ne pouvait mettre fin au blocus économique, car le véto américain aurait bloqué toute tentative. Cet embargo a pris fin en 2016 et a donc duré plus de 50 ans. À noter au passage l’annulation du plan Northwood du 13 mars 1962 qui prévoyait de faire sauter des avions et des bateaux du Pentagone et d’organiser des attentats terroristes sur le sol américain pour les attribuer à Castro et permettre ainsi l’invasion de Cuba. Cette opération Northwoord avait été validée et signée par le plus haut général du Pentagone, le chef d’état-major interarmées Lyman Lemnitzer. Cette tentative a finalement été bloquée par le nouveau président Kennedy qui se mit à dos de nombreux généraux haut placés du Pentagone. Kennedy muta Lemnitzer en Europe en tant que commandant suprême des forces alliées de l’OTAN, donc un homme qui a validé l’organisation d’attentats contre des civils de son propre pays. Ce sont des faits avérés, les documents initialement confidentiels ont été révélés en 1998.
Ces circonstances dangereuses ont finalement amené l’URSS à installer des missiles à Cuba en douce en 1962 et quand les Américains l’ont découvert, ils déclenchèrent un blocus naval intégral et unilatéral sans consultation de l’ONU et des alliés de l’OTAN, ce qui était un acte de guerre illégal. L’escalade nucléaire avec l’URSS fut finalement désamorcée par un accord bilatéral.
La guerre illégale de l’OTAN contre l’Indochine
Changeons de continent pour aller en Asie maintenant. Suite à des révoltes sur place, la France a perdu sa colonie d’Indochine qui comprenait le Vietnam, le Laos et le Cambodge. La guerre d’Indochine, à laquelle ont participé les États-Unis, a amené à la victoire d’Hô Chi Minh pour l’indépendance du Vietnam en mai 1954. Le pays était alors divisé entre un Nord communiste sous l’autorité d’Ho Chin Minh et un Sud capitaliste dirigé par Jean-Baptiste Ngo Dinh Diem qui a été mis en place par les États-Unis en 1955 lors d’élections truquées pour bloquer l’expansion communiste.
Ngo Dinh Diem s’est avéré être un homme sanguinaire et finalement contre-productif ; il fut donc éliminé par les Américains, classique, selon les Pentagon Papers, les fameux documents du département de la Défense américain sur la guerre du Vietnam déclassifiés en juin 2011. Inutile de préciser qu’assassiner un président étranger est illégal. D’ailleurs, le président Kennedy avait annoncé le 20 octobre 1963 qu’il retirerait les soldats américains du Vietnam s’il était réélu pour un second mandat. Lui-même sera finalement assassiné 20 jours après le président Diem ce qui amena à une spirale de violence au Vietnam et à une guerre d’agression américaine dans ce pays sans mandat de l’ONU.
Le nouveau président américain Johnson justifia l’intervention armée avec une fausse attaque des Nord-Vietnamiens sur leur contre-torpilleur USS Maddox dans le golfe du Tonkin. En réalité, ce contre-torpilleur n’avait subi aucun dommage humain et matériel. C’était une fausse agression, un conte de fées qui a été monté en épingle par les services de renseignement et par les médias américains.
Le 14 décembre 1964, les États-Unis ont également bombardé illégalement le Laos pour entraver les voies d’approvisionnement d’Hô Chi Minh au nord Vietnam. Le président Nixon arrivant au pouvoir a ensuite bombardé le Cambodge sans mandat ni du Congrès américain ni de l’ONU. On remarquera que toutes les tentatives de médiation des Nations unies ont été vaines durant toute la durée de cette guerre jusqu’à la défaite américaine et son retrait du Vietnam en 1975.
La guerre illégale de l’OTAN contre le Nicaragua
Continuons notre chronologie et retournons en Amérique latine, au Nicaragua. Nous sommes en 1981 et cette fois les Américains n’ont même pas tenté l’intervention directe. Le dictateur Somoza, qui avait aidé les Américains pour entraîner des soldats et envahir Cuba à l’époque de la baie des cochons, s’est fait renverser par le Front sandiniste de libération nationale en 1979, dont faisait partie Daniel Ortega, actuel président du Nicaragua.
Ce nouveau gouvernement développa des relations étroites avec Cuba et les pays du Pacte de Varsovie. C’était donc inacceptable pour les États-Unis qui tentèrent, pour changer, un coup d’État en privilégiant le soutien financier et militaire secret de la CIA vers des proxys appelés les Contras. Il s’agit d’unités paramilitaires réputées pour avoir des méthodes particulièrement violentes de terrorisme, de viol et de mutilations contre des civils, femmes et enfants compris. Et vous ne devinerez jamais comment ces paramilitaires étaient nommés par le pouvoir politique américain : « les combattants de la liberté » ! Cela ne s’invente pas. Entre 1981 et 1985, le Congrès américain a alloué à ces braves gens 70 millions de dollars pour déstabiliser le gouvernement du Nicaragua… non pardon pour les aider à « combattre la pauvreté » avec de « l’aide humanitaire ».
À côté de ça, les Américains vendaient secrètement des armes à l’Iran pour les aider dans leur guerre contre l’Irak de Saddam Hussein et ils réinvestissaient l’argent obtenu pour alimenter le conflit au Nicaragua ; c’est la fameuse affaire Iran-Contra. Tout cet argent envenima le conflit, les Contras étaient même directement formés aux États-Unis par la CIA. Une fois l’affaire découverte, les commanditaires, hauts cadres de l’administration américaine, ont été graciés par Georges Bush père une fois élu à la présidence. Lui-même étant impliqué dans cette guerre illégale contre le Nicaragua.
La guerre illégale de l’OTAN contre le Panama
Autre guerre illégale le 20 décembre 1989, c’est l’invasion du Panama par Bush père sous le nom d’« Opération cause juste » ; pensez à Orwell il faut inverser le sens des mots pour comprendre. Malgré le fait que l’Organisation des États américains (OEA) exigeait de l’ONU que les États-Unis se retirent pour intervention illégale, les trois pays de l’OTAN que sont les États-Unis, la France et le Royaume-Uni bloquèrent le Conseil de sécurité de l’ONU pour renverser l’imprévisible chef d’État Manuel Noriega, qui coopérait avec la CIA jusque-là. Tout ceci pour permettre aux Américains de garder la main sur le canal de Panama qui allait leur échapper.
On va en rester là aujourd’hui, vous aurez la suite demain matin, nous parlons des guerres illégales de l’OTAN en Yougoslavie, en Afghanistan, en Irak, en Syrie, au Yémen, en Ukraine…
Soyez au rendez-vous.
Conseil de ces culs rités de l’OH NUE.
Organisation du traité de l’Atlantique Nord = OTAN
OTAN ne rien faire