Les Russes veulent-ils la guerre avec l’Ukraine ? Et si ce ne sont pas les Russes, qui et pourquoi ?

Source Ukraina.ru traduit par Christelle Néant pour Donbass-Insider

S’adressant aux députés le vendredi 3 décembre, le ministre ukrainien de la Défense Alexeï Reznikov a déclaré que la Russie déclenchera une guerre avec l’Ukraine à la fin du mois de janvier. Ukraina.ru a enquêté pour savoir si les Russes « veulent la guerre » et, dans le cas contraire, qui la veut et pourquoi.

Pour commencer, il serait plus correct de dire « le gouvernement russe », mais on ne peut pas changer les mots d’une chanson. La réponse à cette question de la célèbre chanson d’après-guerre est plus que jamais d’actualité. Et elle a au moins deux réponses. En Russie, ils disent : non, ils ne veulent pas. En Ukraine et en Occident, on dit le contraire : la Russie concentre des troupes à la frontière avec l’Ukraine pour attaquer l’État voisin.

Bien sûr, en Russie, il y a des têtes brûlées parmi les experts et les politiciens qui pensent que la guerre est inévitable et qu’il faut donc « botter le cul de Zelensky et de son équipe » pour éliminer une fois pour toutes « cet abcès sur le corps de l’ancien empire russe ». Mais heureusement, les extrémistes ne font pas la pluie et le beau temps en Russie, contrairement à l’Ukraine, où ils siègent directement au pouvoir – au ministère des Affaires étrangères, au ministère de la Défense et au cabinet du président.

Le ministre ukrainien des Affaires étrangères promet des cercueils à la Russie, le chef d’état-major général rêve d’entrer sur la Place Rouge à bord d’un char d’assaut, et le Président ukrainien ne cesse d’exciter l’intérêt des médias et des politiciens occidentaux avec « l’agression russe », qu’il voit dans le mouvement des troupes russes le long des frontières ukrainiennes.

Ce qui se déplace çà et là en Russie est une question distincte, et nous en parlerons en temps voulu. Ce qui est intéressant maintenant, c’est autre chose. Posons la question non pas de savoir s’il y aura une guerre, mais « pourquoi ? ».

Pourquoi les Russes entreraient-ils en guerre contre l’Ukraine ?

L’axiome selon lequel une telle guerre serait gagnée par la Russie ne semble être contesté par personne à l’Ouest ni même en Ukraine.

Il est vrai qu’un « colonel à la retraite » peu connu a déclaré l’autre jour qu’après les premières salves, « les Ivan russes » détaleraient comme des lièvres. Nous laisserons cette affirmation à sa conscience, s’il en a une, bien sûr. Rappelons simplement que la Russie a gagné la campagne de Tchétchénie malgré un début raté, qu’elle opère avec succès en Syrie et que, contrairement à l’armée ukrainienne, elle est bien armée, bien entraînée et constamment en alerte, ce qui distingue l’armée russe de l’armée soviétique, car les unités de l’armée russe participent régulièrement à des exercices, ce qui, en temps de paix, est l’une des principales conditions de la préparation aux opérations de combat. Par conséquent, la victoire de la Russie, si une telle guerre devait avoir lieu, est un fait indiscutable.

Mais ce qui se passe après une telle victoire est une question plus intéressante. Ou plutôt : pourquoi la Russie voudrait-elle conquérir l’Ukraine ?

Essayons d’examiner tous les arguments plus ou moins connus qui sont principalement énoncés par les soi-disant experts ukrainiens.

Quatre raisons et seulement un véritable motif

1. La Russie veut conquérir l’Ukraine parce que sans Kiev, qui était le centre spirituel de l’Empire russe, la Russie ne peut être un empire à part entière dans son état actuel, affirment les stratèges ukrainiens de canapé.

Cet argument est faux pour deux raisons. Depuis que la Russie est devenue un empire (sous Pierre le Grand), Kiev n’a jamais été le centre spirituel, ou plutôt, était l’un de ces centres. Mais les principaux centres de l’Empire étaient Moscou et Saint-Pétersbourg, où Gogol et Boulgakov, Chevtchenko et Korolev sont venus et sont devenus des chefs spirituels ou de grands scientifiques.

Aujourd’hui, Kiev est le centre de l’anti-russisme, principale idéologie de l’État ukrainien. Par conséquent, la conquérir afin d’obtenir une Ukraine anti-russe (spirituellement et culturellement) en tant que partie de la Russie, est dans ce sens, au moins, stupide et, d’un point de vue pratique, inopportun. Il est clair que tous ces Podoliak, Arestovitch, Nitsoï et Farion n’iront nulle part, mais crapahuteront en cachette et au grand jour, en comptant sur le soutien et les subventions de l’Occident. Depuis longtemps, Kiev n’est plus le centre de l’idéologie russe, mais plutôt le centre de l’idéologie anti-russe. Qui en a besoin sous cette forme ?

2. L’autre argument des stratèges de canapé est encore plus drôle. Ils disent que la Russie va attaquer l’Ukraine pour la conquérir afin d’accélérer la mise en service de Nord Stream 2 et, plus généralement, pour se venger de la guerre du gaz que l’Ukraine mène perpétuellement contre la Russie depuis trente ans.

Tout d’abord, si la Russie voulait vraiment « venger » les guerres du gaz ou, mieux encore, si elle voulait s’emparer du gazoduc, sur lequel l’Ukraine prie depuis 30 ans, elle aurait dû le faire il y a 7 à 10 ans. Aujourd’hui, alors que Nord Stream 2 a été construit, la revanche elle-même n’a aucun sens (elle est, en fait, incorporée dans Nord Stream 2) et personne, à l’exception de l’Ukraine elle-même, n’a besoin de ce gazoduc.

Mais une guerre avec l’Ukraine, si elle est déclenchée par la Russie, pourrait précisément mettre fin à la mise en exploitation de Nord Stream 2 en tant que principale sanction de l’Occident en réponse à « l’agression russe ». En ce sens, au contraire, l’Ukraine est intéressée par une guerre russo-ukrainienne, car elle ramènerait le gazoduc ukrainien à l’état initial demandé.

Pour dire les choses crûment : la Russie n’est certainement pas intéressée par une guerre avec l’Ukraine au sujet du gazoduc, parce qu’à la suite de cette guerre, elle pourrait perdre son tout nouveau Nord Stream 2 inutilisé.

3. Un autre argument souvent avancé dans les médias ukrainiens et les réseaux sociaux est que la Russie veut l’Ukraine parce qu’elle a besoin de ses ressources. Eh bien, la question qui se pose ici est, tout d’abord, de quelles ressources parlons-nous ?

Les migrants, c’est-à-dire les ressources humaines – il y a déjà 2 à 3,5 millions de personnes originaires d’Ukraine en Russie selon diverses estimations, beaucoup ont déjà reçu la citoyenneté. Et si de telles ressources sont nécessaires à l’avenir, rien n’empêche la Russie de les attirer sans guerre.

Si vous voulez parler de l’agriculture, des célèbres tchernozioms ukrainiens, qui produisent de riches récoltes de blé, de tournesols, de courges, de légumes, d’un excellent élevage de bétail, etc. Non, tout cela est vrai ou presque (à l’exception de l’élevage bovin, qui connaît actuellement un certain déclin), mais pourquoi la Russie en aurait-elle besoin ?

Au cours des 10 à 12 dernières années, la Russie est devenue, de manière imperceptible, l’une des nations agricoles les plus prospères du monde, non seulement totalement autosuffisante en matière de denrées alimentaires de base, mais fournissant également les marchés mondiaux en blé et en quelques autres cultures. Et l’Ukraine n’a pas d’autres ressources qui n’existent pas en Russie. Il y a des dizaines de fois plus de forêts et de bois en Russie qu’en Ukraine. Sans parler du gaz et du pétrole, car l’Ukraine ne dispose pas de telles ressources par rapport à la Russie. La Russie dispose de minerai de fer et l’exporte également en quantités beaucoup plus importantes que l’Ukraine.

Il reste dans cette section l’industrie ukrainienne, autrefois l’une des plus avancées d’Europe. Oui, il y a 30 ans, l’Ukraine était une puissance spatiale, avec ses usines dans l’industrie aéronautique et automobile, à Nikolayev il y avait les plus grandes entreprises de construction navale militaire et civile, à Lvov – on produisait des téléviseurs et des bus, à Kharkov – des turbines pour les centrales hydroélectriques et des chars, et ainsi de suite.

Mais le problème pour l’Ukraine est que tout cela appartient en grande partie au passé. L’industrie spatiale, l’avionique et la construction navale sont presque totalement détruites, l’industrie automobile est détruite et l’aviation peut à peine respirer. Comment et pourquoi cela s’est produit est une question distincte, et nous avons écrit à ce sujet à plusieurs reprises.

Une chose est claire : l’Ukraine, en tant que puissance industrielle qui crée non pas des dalles pour l’Occident, mais des produits à valeur ajoutée, c’est-à-dire des navires, des avions et des chars, est pratiquement inexistante et en ce sens, après 30 ans d’indépendance, elle ne présente aucun intérêt non seulement pour la Russie, mais aussi pour l’Occident.

De plus, si une guerre se termine par la victoire de la Russie, le pays victorieux devra rembourser les dettes de l’Ukraine (70-80 milliards de dollars), et si tout ce qui a été volé, pillé et découpé pour la ferraille doit être restitué, au moins 200 à 300 milliards de dollars, ce que la Russie, comme l’Occident, n’a pas, selon les calculs des économistes ukrainiens.

4. Il reste une dernière raison qui pourrait devenir la base d’une guerre entre la Russie et l’Ukraine – une tentative de l’Ukraine de reprendre par la force le Donbass. C’est-à-dire, pour faire simple, le passage du conflit civil léthargique dans l’est à une phase active, c’est-à-dire le début des actions actives des forces armées ukrainiennes contre la population civile avec l’utilisation d’équipements lourds, de Bayraktars, de chars et de Grads.

Commencer et perdre rapidement

Dans ce cas, la Russie sera bien sûr contrainte d’entrer dans un conflit militaire avec l’Ukraine afin d’éviter une catastrophe humanitaire dans le Donbass, où vivent déjà environ un demi-million de ses citoyens.

Mais ce qui importe ici, ce n’est pas seulement la conséquence d’une telle action, mais aussi sa raison. Pour que la Russie entre en guerre contre l’Ukraine, il faut que l’Ukraine lance des actions militaires contre des civils. Il n’y a aucune autre raison de déclencher une guerre qui pourrait obliger la Russie à s’y engager.

Comprenant toutes les conséquences négatives d’un tel développement (sanctions occidentales, isolement de la Russie, effondrement du projet Nord Steam 2), les dirigeants russes ne permettront pas que la Russie entre en guerre, même à la suite des provocations habituelles des unités militaires ukrainiennes. La guerre de la part de l’Ukraine doit alors commencer pour de bon, avec une extermination massive de la population. C’est le seul moyen de forcer la Russie à utiliser ses forces armées pour défendre le Donbass.

Cela est bien compris en Ukraine, à Bankova et Grouchevski, où se trouvent le cabinet présidentiel et le gouvernement du pays. Ainsi, lorsque le ministre ukrainien de la Défense, Alexeï Reznikov, déclare devant la Verkhovna Rada, le vendredi 3 décembre, que la Russie déclenchera une guerre avec l’Ukraine à la fin du mois de janvier, il veut apparemment dire qu’à la fin du mois de janvier, l’armée ukrainienne s’attend à lancer une opération pour reprendre le Donbass par la force.

Les autorités ukrainiennes sont parfaitement conscientes de tout ce raisonnement intrinsèquement monstrueux que nous avons cité plus haut. C’est pourquoi ils prévoient de s’arranger d’une manière ou d’une autre, en transformant le conflit civil en un conflit chaud, pour recevoir rapidement (de préférence dans les premières heures) le soutien diplomatique et militaire international de l’Occident, sinon une défaite honteuse attend leurs forces armées, suivie du refus du vainqueur de soutenir le vaincu, c’est-à-dire une ruine et un appauvrissement encore plus grands du pays avec un soulèvement imprévisible du peuple contre le gouvernement et la fragmentation possible de l’État.

Et c’est là, nous semble-t-il, que réside la principale tâche urgente des autorités ukrainiennes : comment obtenir de l’Occident des garanties de soutien au cas où l’Ukraine elle-même, violant toutes ses obligations internationales, y compris les accords de Minsk, déclencherait une guerre dans le Donbass, à la suite de laquelle le conflit civil se transformerait en une guerre d’extermination russo-ukrainienne.

Cette arrière-pensée du gouvernement ukrainien, qui veut imposer à l’Occident des garanties de sa protection, est bien comprise par les politiciens occidentaux. D’où les exhortations de Victoria Nuland, et de quelques autres politiciens occidentaux moins connus, aux dirigeants ukrainiens à négocier avec la Russie, à établir un dialogue.

Le problème est que les autorités ukrainiennes, à la suite de leurs propres erreurs et incompétences, se trouvent dans un état politique (politique étrangère et intérieure) et économique tel que la seule façon de résoudre tous ou presque tous les problèmes de l’État, qui est dans une impasse historique, est de mener une guerre à court terme, même si elle est perdue, pour laquelle l’Occident accusera la Russie et donnera une fois de plus de l’argent à l’Ukraine pour éliminer les conséquences de la guerre. L’essentiel pour les autorités ukrainiennes est qu’une telle guerre soit de courte durée et limitée au Donbass.

Les deux prochains mois montreront si Zelensky et son entourage peuvent surmonter cette tentation d’une « solution rapide ».

Zakhar Vinogadov

Source : Ukraina.ru

Traduction par Christelle Néant pour Donbass Insider

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