Si la Russie intervient, l’armée ukrainienne devra renoncer à son offensive dans le Donbass

Par Christelle Néant pour Donbass Insider

Dans un article éclairant à plus d’un titre, le média ukrainien Strana a révélé que non seulement l’armée ukrainienne se prépare à une offensive dans le Donbass, mais qu’en plus il existe un plan d’urgence pour arrêter l’attaque si la Russie envoyait sa propre armée intervenir. Cette information n’est ni plus ni moins d’une démystification de sept ans de propagande ukrainienne, qui prétend que l’Ukraine se bat contre la Russie dans le Donbass.

L’article se base sur des sources au sein de l’armée ukrainienne et du ministère de la Défense, et commence par s’interroger sur la réalité de la préparation de Kiev à une offensive contre le Donbass.

Les sources de Strana sur la ligne de front confirment qu’il n’y a plus de cessez-le-feu, ni de retrait des troupes et des équipements. La source dit même clairement que c’est l’Ukraine qui a violé la première cette disposition du paquet de mesures de Minsk, et que la RPD et la RPL (Républiques Populaires de Donetsk et de Lougansk) ne l’ont fait qu’après, en réponse à la violation de l’armée ukrainienne.

« Nos éclaireurs se sont rendus sur les anciennes positions, que nous avons quittées en 2020 dans le cadre du désengagement des troupes. En conséquence, les séparatistes se sont également déplacés et ont occupé leurs anciennes positions. C’est-à-dire qu’en fait, il n’y a plus de désengagement – il n’y a plus deux ou trois kilomètres entre nous et les séparatistes comme avant. La situation est la même qu’en 2018 – il n’y a plus que 400 à 700 m entre les positions », a déclaré à Strana un officier d’une unité située dans le Donbass.

La source de Strana mentionne aussi qu’il y a deux inspections par jour dans les tranchées pour vérifier le stock de munitions, et que l’équipement et les armes sont en bon état. Le quartier général exige des cartes des champs de mines dans la zone neutre, et vérifie l’approvisionnement en carburant, uniforme et nourriture.

Autre preuve de la préparation d’une offensive d’après cette source : le fait que les soldats des unités d’actives n’ont que très peu de permissions. Le genre de chose qui est courant en cas de menace d’attaque, ou de préparation d’une offensive.

Pour vérifier cette hypothèse, Strana se tourne alors vers une autre source, au sein du ministère ukrainien de la Défense, qui affirme que l’état-major a depuis longtemps élaboré plusieurs options pour récupérer les territoires de la RPD et de la RPL, et compte bien utiliser la récente guerre dans le Haut-Karabakh comme modèle.

« Il existe plusieurs options pour le déroulement des événements, en conséquence, plusieurs plans de base sont prêts pour eux. Maintenant, il y a un sérieux avantage du côté des FAU. Il y a plus de personnel, un meilleur armement, un meilleur approvisionnement en troupes aussi. L’état-major général a soigneusement étudié l’expérience de la récente guerre au Karabakh, notamment les actions des drones modernes. Qui sont déjà dans l’inventaire des forces armées. C’est-à-dire que toutes les conditions sont maintenant réunies pour rendre à l’Ukraine une partie importante des territoires non contrôlés. Il suffit d’un ordre du commandant en chef pour lancer une offensive », dit la source de Strana.

MAIS, car il y a un mais dans ce plan un peu trop joli pour tenir la route, si la Russie envoie son armée intervenir alors l’armée ukrainienne devra renoncer à son offensive contre le Donbass et se retirer.

« Dans ce cas, l’offensive des FAU sera arrêtée. Avec un haut degré de probabilité, les troupes devront alors se retirer, afin de ne pas retomber dans des chaudrons », indique la source Strana au sein du ministère ukrainien de la défense.

En d’autres termes, pour que l’offensive de l’armée ukrainienne dans le Donbass puisse marcher, il faut que la Russie n’intervienne pas. Le problème pour Kiev c’est que la Russie n’a pas l’intention de laisser plusieurs centaines de milliers de ses concitoyens mourir à sa frontière sans réagir. Un problème dont est bien conscient la source de Strana.

« Plusieurs grandes unités de l’armée russe sont déployées à la frontière avec le Donbass. Y compris avec des équipements lourds et de l’artillerie. Selon nos estimations, l’armée russe a besoin de moins d’une journée pour être déployée et mise en action dans le Donbass», a déclaré une source du ministère de la défense.

Avec de telles déclarations on est très loin des affirmations grandiloquentes de certains officiels ukrainiens qui nous assuraient que l’armée ukrainienne était de taille à faire face à l’armée russe.

Et puis surtout, sans le vouloir, la source de Strana, ainsi que le média lui-même, viennent de torpiller sept ans de propagande ukrainienne concernant l’agression russe dans le Donbass !

Je rappelle que ça fait sept ans que l’Ukraine crie haut et fort que la Russie a envahi le Donbass, que la RPD et la RPL sont des administrations d’occupation, et que l’armée ukrainienne retient l’armée russe (en gros et pour résumer).

Sauf que ce que nous disent Strana et sa source, c’est que l’armée russe est toujours bien stationnée de l’autre côté de la frontière (voir phrases en gras plus haut), c’est-à-dire en Russie ! J’aimerais que l’on m’explique comment une armée d’occupation peut envahir et occuper un territoire sans s’y trouver !!! Le mythe de l’agression russe contre l’Ukraine, et de l’occupation du Donbass viennent de voler en éclat en une phrase.

Strana vient d’admettre qu’en fait l’armée russe n’est PAS dans le Donbass. C’est d’ailleurs ce qui permet à l’état-major ukrainien de fantasmer sur une future récupération militaire des territoires de la RPD et de la RPL ! Car comme le dit sa source, si la Russie intervient, l’armée ukrainienne devra opérer une retraite pour ne pas finir prise dans un chaudron (comme à Debaltsevo ou Ilovaïsk). Ce qui détruit le deuxième pilier de la propagande ukrainienne post-Maïdan, à savoir que l’Ukraine retiendrait prétendument l’envahisseur russe depuis sept ans !

En fait la source de Strana admet ce que je dis depuis longtemps, à savoir que si l’armée ukrainienne devait réellement affronter l’armée russe, cette dernière gagnerait rapidement. Et donc logiquement si la guerre du Donbass était réellement due à l’invasion de la région par l’armée russe, l’armée ukrainienne aurait déjà dû être totalement exterminée depuis bien longtemps, et la guerre aurait été terminée en quelques semaines grand maximum. CQFD.

La source de Strana ne s’arrête pas là et finit de démonter la propagande ukrainienne actuelle qui affirme que c’est la RPD et la RPL, voire la Russie elle-même qui préparent une offensive contre l’Ukraine, en disant que cela est improbable. La source explique que les milice populaires de la RPD et de la RPL sont trop peu nombreuses pour une offensive, et que pour soutenir une telle action, la Russie devrait envoyer de quoi doubler leurs effectifs soit 20 à 3 000 soldats, ce qui serait tout sauf discret.

Strana en conclut donc que la seule option pour une reprise à grande échelle des hostilités dans le Donbass serait une offensive menée par l’armée ukrainienne. Une offensive qui n’aurait pas pour but de donner la victoire à l’Ukraine, mais d’y entraîner la Russie, de la forcer à intervenir ouvertement afin qu’elle devienne (enfin) une partie au conflit, ce qui justifierait des sanctions assez fortes pour stopper la construction de Nord Stream 2. Ce qui est le scénario que je privilégie depuis un bon moment.

N’ayant pas réussi par la diplomatie, ni par le « tordage de bras » à forcer l’Allemagne à stopper le projet Nord Stream 2, il est fort possible que Washington oblige Zelensky à lancer une offensive dans le Donbass pour obtenir ainsi un levier auprès de Berlin et imposer à Angela Merkel de tout stopper à quelques mois de la fin de la construction.

Et pour cela, le film de Bellingcat à venir sur l’affaire des 33 Russes arrêtés en Biélorussie, qui pourrait « révéler » l’identité de la taupe dans l’entourage du Président ukrainien qui a fait foirer l’opération, est un très bon moyen de pression sur Zelensky (qui n’a pas envie de lancer une offensive vouée à l’échec, car il en porterait la responsabilité).

Sa date de publication initialement prévue le 15 mars (la fameuse date dont avait parlé Dmitri Gordon) a été repoussée à avril. Il faut croire que Zelensky a donné assez de garanties sur son obéissance aux ordres (guerriers) venus de Washington et de Londres pour s’éviter un nouveau scandale majeur. En tout cas pour l’instant…

Christelle Néant

Volti

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