Le gaz attendu par l’Europe est parti en Egypte

Comme la Russie ne livrera pas plus que la quantité pour laquelle elle s’est engagé, si la météo fait des siennes, pour ceux qui se chauffent au gaz, sortez pulls et chaussettes. Volti

Source Observateur-Continental

La compagnie américaine Chevron, opérateur d’exploitation des plus importants champs de gaz sur le plateau  israélien Léviathan et Tamar, a décidé d’augmenter les exportations en Egypte. Le partenaire de Chevron, l’israélienne Delek Drilling, a soutenu cette décision. Le Léviathan était considéré comme une source de fourniture de gaz en Europe via le gazoduc EastMed. C’est pourquoi la hausse des fournitures de gaz en Egypte privera l’Europe du gaz israélien. De plus, sans les fournitures en provenance d’Israël il est impossible à court terme d’assurer le chargement total du Corridor gazier sud-européen.

Chevron possède 39,7% des actions du gisement Léviathan et 32,5% des actions du gisement Tamar, en étant l’opérateur des deux gisements. Delek Drilling détient respectivement 45,3% et 22% des actions du Léviathan et du Tamar. Les partenaires ont décidé d’investir 235 millions de dollars dans la construction du gazoduc d’exportation afin d’augmenter les acheminements en Egypte. 

Le financement du projet sera assuré à 56% aux frais des membres du consortium. Le reste de la somme sera obtenu grâce aux prêts des banques qui ont déjà fourni les garanties financières nécessaires. 

Fin 2020, l’américaine Chevron a acquis pour 5 milliards de dollars la compagnie Noble Energy, qui était l’actionnaire majoritaire dans les projets pour l’exploitation des gisements Léviathan et Tamar. Après cette transaction, Chevron est devenue l’opérateur des deux gisements, après quoi a été prise la décision d’augmenter les exportations de gaz en Egypte de 44 milliards de mètres cubes. Les fournitures doivent commencer entre juillet 2022 et avril 2023. 

Les exportations de gaz depuis le Léviathan ont commencé en janvier 2020 conformément au contrat dans le cadre duquel Nobel Energy et Delek Drilling se sont engagées à livrer en Egypte 85 milliards de mètres cubes de gaz sur 15 ans. 

La consommation de gaz grandit rapidement en Egypte ces dix dernières années. En 2012, un an après le Printemps arabe, le pays s’est transformé d’exportateur en importateur de gaz. En 2015, la compagnie italienne Eni a ouvert sur le plateau égyptien le gisement Zohr, dont les réserves sont estimées à 850 milliards de mètres cubes. Le gaz extrait à Zohr et les fournitures d’Israël devraient entièrement satisfaire les besoins du Caire. Il est prévu d’exporter l’excédent sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL). Fin 2018, après une interruption de six ans, l’Egypte a relancé les exportations de GNL. Dans le pays se trouvent deux usines de GNL d’une capacité totale de 12,2 millions de tonnes par an, et les ressources locales ne suffisent pas pour les faire marcher à plein régime. L’Egypte a l’intention d’importer du gaz israélien pour faire travailler ses usines et augmenter les exportations de GNL. 

Hormis l’Egypte, le gaz du Léviathan est exporté depuis janvier 2020 en Jordanie dans le cadre d’un contrat qui prévoit des fournitures de 45 milliards de mètres cubes sur 15 ans. 

D’après le dernier rapport de Derek Drilling, qui a été présenté en juillet 2020, les réserves prouvées et probables du Léviathan s’élèvent à 377 milliards de mètres cubes, et encore 270 milliards de mètres cubes se rapportent à la catégorie de ressources prometteuses. 

Le gisement Léviathan était considéré comme une ressource des fournitures de gaz en Europe via le gazoduc EastMed long de 1900 km. Passant majoritairement sous la Méditerranée, ce dernier était censé assurer l’acheminement des hydrocarbures de Méditerranée orientale jusqu’aux pays au Sud de l’Europe, via Chypre et Crète jusqu’en Grèce continentale, puis via le gazoduc Poséidon en Italie ou via l’interconnecteur IGI entre la Grèce et la Bulgarie dans d’autres pays européens. La réalisation du projet est estimée à 6-7 milliards de dollars. 

Début janvier 2020, les dirigeants d’Israël, de la Grèce et de Chypre ont signé un accord sur la construction d’EastMed d’une capacité de 10 milliards de mètres cubes par an avec une perspective d’élargissement jusqu’à 20 milliards de mètres cubes par an. Quelques mois plus tard, les gouvernements de ces trois pays ont ratifié cet accord. 

En décembre 2020, les Etats-Unis ont officiellement soutenu le projet EastMed, car il devait réduire la dépendance de l’Europe des fournitures de gaz russe. Après l’acquisition par Chevron d’actifs israéliens de Nobel Energy, les Etats-Unis songent même à rejoindre le Forum du gaz de la Méditerranée orientale en tant qu’observateur, ce qui apporterait un soutien conséquent à EastMed. 

L’utilité économique de la construction d’EastMed était initialement remise en question en l’absence de réserves prouvées du gisement Léviathan, à cause des dépenses élevées et d’une quantité réduite des fournitures de gaz sur le marché européen. 

Fin 2020, après l’achèvement de la construction du gazoduc transadriatique (TAP), ont commencé les fournitures de gaz azéri via le Corridor gazier sud-européen qui, selon les affirmations des experts occidentaux, deviendra une porte en Europe pour le gaz non russe – non seulement azéri, mais également israélien. Actuellement, vu les ressources réduites, l’Azerbaïdjan est capable de charger le Corridor gazier sud-européen au mieux à un tiers. De plus, la possibilité de le charger entièrement est remise en question. En cas de réalisation réussie du projet d’EastMed, le gaz israélien pourrait assurer son chargement complet. 

Cependant, l’expansion de l’infrastructure d’exportation pour augmenter les fournitures de gaz israélien en Egypte enterrera le projet d’EastMed. Les ressources du Léviathan sont insuffisantes pour acheminer du gaz à la fois au Moyen-Orient et en Europe. En devenant l’opérateur des deux plus grands champs de gaz israéliens, Chevron a opté pour le Moyen-Orient. L’Europe s’est retrouvée privée de la possibilité de recevoir du gaz israélien, alors que le Corridor gazier sud-européen risque de rester insuffisamment chargé à tout jamais.

Alexandre Lemoine

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Volti

2 Commentaires

  1. Bilbao, premier port gazier (GNL) sur la façade Atlantique en Europe, ravitaille le grand sud de la France via l’ex réseau de Lacq dont la jonction se situe au sud des Landes. Bon pari, car avec le GNL, la diversité d’appro permet d’échapper aux aléas divers et variés d’appro en amont. Pas si cons les basques !!

  2. Les Etats-Unis bloquent , par des sanctions sur les compagnies installatrices ( ils ont décidé que ce pipe-line , pourtant situé en dehors de leur territoire, était interdit) , la fin de la construction du pipe-line North Stream dont il ne manque qu’une centaine de kilomètres et qui nous permettrait de recevoir aussi le gaz russe de Gazprom par l’Allemagne .

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