Le vol des hirondelles dans le piège de la crise climatique

On en voit de moins en moins chaque année. Partagez ! Volti

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Par Francesco Bilotta pour Il Manifesto via Mondialisation.ca Traduction Marie Ange Patrizio.

Img/Pixabay

En ce printemps marqué par le virus et l’isolement social les hirondelles ont fait leur apparition dans les ciels européens. Après avoir hiverné en Afrique centre-méridionale elles reviennent dans les lieux où elles sont nées pour un nouveau cycle reproductif. Phénomène qui se renouvelle depuis 10 mille ans, au terme de la dernière glaciation avec la formation des zones climatiques actuelles.

La migration des hirondelles est sans frontière, elle met en relation des territoires et écosystèmes distants de milliers de kilomètres. La mystérieuse synchronie spatio-temporelle avec laquelle ce phénomène se manifeste a fait entrer l’hirondelle dans notre culture comme expression de la cyclicité du temps et comme symbole du printemps et de la renaissance. Mais l’hirondelle Hirundo rustic pour rejoindre nos latitudes et les aires reproductives doit parcourir des distances supérieures à 10 mille kilomètres, en franchissant les éprouvantes barrières naturelles du désert du Sahara et de la Mer Méditerranée.

Les trajets migratoires suivis par les hirondelles pour atteindre l’Europe dépendent des aires de provenance et des zones choisies pour la nidification. Les vols les plus nombreux arrivent par le détroit de Gibraltar, d’autres suivent les voies, plus rudes, de la Mer Tyrrhénienne et des Balkans, en utilisant les îles de la Méditerranée comme halte. Elles correspondent aux voies suivies par les êtres humains, parcours marqués par la fatigue et les risques que chaque migrant est obligé d’affronter. Mais les altérations environnementales sont en train de bouleverser le cycle vital et les habitudes millénaires des hirondelles, en déterminant un déclin qui peut devenir irréversible. Les migrations sont le résultat de processus évolutifs complexes qui ont pour but d’améliorer leur capacité de reproduction.

Les hirondelles sont au centre de nombreuses recherches et observations parce qu’elles représentent un modèle d’étude pour comprendre comment est en train de changer le comportement des migrateurs. Une hirondelle qui se déplace depuis l’Afrique pour atteindre l’Europe doit opérer des stratégies complexes : accumuler des ressources énergétiques suffisantes, choisir la juste période pour partir, savoir s’orienter, déterminer le point où s’arrêter. Les changements climatiques et l’altération des écosystèmes vont avoir une incidence sur ces comportements. Les processus de désertification, la compromission de la biodiversité, l’agriculture intensive, l’usage massif des pesticides, l’altération dans les populations d’insectes, la destruction des nids dans les aires de reproduction, la chasse dans les aires d’hibernation, sont des éléments qui déterminent une mortalité plus élevée dans les populations d’hirondelles et la réduction de leur capacité de reproduction. Leur vie moyenne actuellement est de 2-3 ans à cause de la mortalité élevée, avec 6 hirondelles sur 10 qui n’atteignent pas la première année. et ce sont de moins en moins les hirondelles qui font le printemps.

Selon les données les plus récentes, au niveau européen a été enregistrée une diminution de 40% dans les populations d’hirondelles au cours des 20 dernières années, avec une disparition d’environ 6 millions de couples. Selon la Lipu (Ligue italienne de protection des oiseaux), il y a environ 15 millions de couples d’hirondelles qui nidifient en Europe dont presque un million choisit l’Italie. Les couples se forment dans la zone de reproduction après leur arrivée, mais on a recensé des couples qui ont nidifié dans la même zone pendant plusieurs années. Le monitorage effectué sur des milliers d’individus, grâce à l’utilisation d’anneaux et de petits senseurs, a parmi de déterminer les aires de provenance, la rapidité des déplacements, les zones de halte et de reproduction.

Les hirondelles qui nidifient en Italie proviennent principalement de la République Centrafricaine, tandis que les hirondelles qui se dirigent dans le centre de l’Europe proviennent en grande partie du Nigéria et du Cameroun. Ebbaken (Nigéria) est considéré comme “le village des hirondelles”, point de rassemblement de millions d’individus en attente de retourner en Europe. D’autres volées arrivent d’Afrique du Sud pour atteindre l’Europe du Nord, pour le plus long parcours migratoire qu’on connaisse, en traversant la forêt équatoriale, le désert saharien et la Méditerranée. Voyage qui dure environ deux semaines et ne prévoit que des haltes nocturnes, en parcourant chaque jour des distances supérieures à 300 km. Avec la traversée du désert qui pour les hirondelles et pour de nombreux êtres humains n’est pas qu’une métaphore. Le Sahara s’élargit de plus en plus à cause des processus de désertification intéressant le Sahel, où on enregistre une des plus graves urgences climatiques et humanitaires de la planète. La sécheresse dans cette bande a notablement réduit les environnements favorables à la halte des hirondelles.

Pour comprendre comment les oiseaux migrateurs sont en train de réagir aux changements climatiques, les chercheurs de l’Université de Hambourg en 2017 ont analysé les données se référant à une période de 300 ans, en utilisant des notes de naturalistes et observateurs du passé. Il en résulte  que l’augmentation de la température est en train de changer le cycle des saisons, déterminant des variations dans les modalités de migration, des altérations dans les temps de déplacement, des modifications dans la distribution géographique des migrateurs. En outre, il ressort que les oiseaux qui doivent couvrir les plus grandes distances sont les plus touchés parce qu’ils modifient plus lentement leurs comportements. Arriver au mauvais moment a de graves conséquences à cause de l’incidence sur la disponibilité de la nourriture et dans la recherche des sites de nidification.

Selon une étude publiée par la revue Nature Climate Change, les changements climatiques et la pollution environnementale sont en train de modifier le comportement de 80% des oiseaux migrateurs. Les conditions climatiques imprévisibles et les événements extrêmes de plus en plus fréquents les exposent à des migrations anticipées ou retardées, avec la conséquence de ne pas trouver les conditions optimales dans les zones de reproduction. La froid anomal qui a touché l’Italie en mai 2019 a produit une mortalité élevée d’hirondelles à cause des basses températures et de la rareté des insectes. Les transformations de l’environnement agricole, aussi, ont modifié la présence et le comportement des oiseaux migrateurs. Une recherche de 2015 de l’Université Bocconi de Milan en collaboration avec le Parc Adda Sud a fait le point sur l’état de santé des hirondelles dans la plaine du Pô. Les modifications des pratiques agricoles, les cultures intensives, la disparition de prés et de haies, les transformations dans le domaine zootechnique, les interventions sur les constructions rurales ont produit de graves conséquences sur la vie des hirondelles, en réduisant leur nombre de presque 70% en 15 années dans toute l’aire du Parc entre Lodi et Crémone.

Les hirondelles, reconnaissables à leur tâche rouge sous la gorge et à leur queue bi-fourchue, s’établissent de façon prévalante dans les zones rurales où une plus grande disponibilité d’eau favorise la présence d’insectes, et elles nidifient dans les fermes, étables, fenils et porches des maisons. Dans les villes prévaut la présence des martinets qui sont de dimensions plus importantes par rapport aux hirondelles, et nidifient dans les édifices urbains. Un nombre plus limité est représenté par les hirondelles de fenêtre, plus petites que les hirondelles et appartenant à la même famille.

Ces différences étant faites, il faut souligner le rôle important que les hirondelles jouent dans les écosystèmes pour l’activité de contrôle de nombreux insectes nuisibles. 90% de leur régime est constitué d’insectes (mouches, moustiques, sauterelles, pucerons), tout en épargnant les pollinisateurs (abeilles). Un couple d’hirondelles pendant la saison de reproduction (avril-septembre) est en mesure de capturer 6 mille insectes par jour, pour un total de 150 mille insectes dans la période. Dans une aire urbaine de dimensions moyennes, une population de 10 mille individus, entre hirondelles, martinets et hirondelles de fenêtre, peut arriver à éliminer pendant les mois de reproduction jusqu’à 63 tonnes d’insectes.

Aucun insecticide n’est capable de jouer la même fonction. Quand l’automne arrive l’horloge biologique des hirondelles active des signaux internes pour indiquer qu’il est temps de repartir. Les hirondelles se réunissent en formant des volées de milliers d’individus pour retourner en Afrique, avec la trépidation de celui qui va affronter un long voyage. Elles reviendront au printemps suivant si nous savons les protéger.

Francesco Bilotta

Source Il Manifesto via Mondialisation.ca

https://ilmanifesto.it/rondini-in-volo-quel-fenomeno-delle-migrazioni/

Copyright © Francesco Bilotta, Mondialisation.ca, 2020

Volti

7 Commentaires

  1. Sinon vous avez-vu ce documentaire à la TV sur des Africains qui capturent les hirondelles pour les vendre et les manger ?

  2. C’est très intéressant. Oui il y en a de moins en moins et il faut parfois pulvériser par avion des produits toxiques pour éliminer les moustiques ! Encore du grand n’importe quoi ! Au lieu de protéger ces merveilleux oiseaux, si bavards et si familiers, faisant le scandale des chats quand ils leur passent au ras de la moustache !

  3. Par chez moi en Belgique, j’en vois beaucoup plus qu’il y a quelques années.
    Elles semblaient avoir presque disparu de la région mais quel bonheur de les revoir en plus grand nombre.
    Je pensai que cela s’expliquait par une meilleure prévention depuis quelques années.
    Je vois aussi beaucoup plus de rapaces qu’il y a 10 ans.

    • Pour les rapaces je confirme, il n’y a bientôt plus que ça sur la planète https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_cool.gif

      M.G.

    • – T’en a de la chance. Par chez moi(en Lorraine) c’est une catastrophe, il n’y en a quasiment plus !https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_wacko.gif

      J’ai enlevé un carreau pour qu’elles puissent rentrer dans mon garage(une ancienne grange. Avant j’en avais plein qui nichaient(et qui chiaient partout aussihttps://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_wink.gif), l’année dernière 2 couples seulement et cette année plus qu’un.https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_wacko.gif

  4. bon c est rassurant ,les insecticides sont loin d être la première cause de disparition des insectes https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_whistle3.gif

  5. Moins de nids chaque année. Tous les insectivores comme ces belles voyageuses voient leurs populations diminuer faute de nourriture.
    Que serait un ciel de printemps sans leur arrivée pour marquer le renouveau ?
    Et celui d’un été sans leur vol merveilleusement gracieux ?
    Ou encore un automne sans leurs bavardages et regroupements avant le grand départ ?

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