La police ukrainienne demande la liste des Juifs de Kolomyia. Par Christelle Néant

Cette demande de la police ukrainienne, fait froid dans le dos. Un peuple qui oublie son histoire est condamné à la revivre. C’est loin l’Ukraine.. Partagez ! Volti

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Par Christelle Néant pour Donbass-Insider

Le 11 mai 2020, Édouard Dolinski, directeur du comité ukrainien juif, a publié sur son mur Facebook, une lettre de la police ukrainienne de la région d’Ivano-Frankovsk, demandant au chef de la communauté juive de Kolomyia la liste des Juifs de la communauté, avec leurs coordonnées personnelles.

Dans cette lettre, un officier de police nommé Mikhaïlo Bank, le chef du département d’enquêtes stratégiques de la police ukrainienne de la région d’Ivano-Frankovsk, demande la liste de tous les Juifs de la ville de Kolomyia, leur adresse, leur numéro de téléphone portable, ainsi que les adresses et numéros de téléphone des étudiants Juifs des université de la région.

« Veuillez nous fournir les informations suivantes concernant la communauté religieuse juive orthodoxe de Kolomyia, à savoir: les statuts de l’organisation, la liste des membres de la communauté avec indication de leurs coordonnées, de leurs numéros de téléphone portable et de leurs lieux de résidence », indique la lettre.

La justification d’une telle demande ? La lutte contre le crime organisé international (sic), mais sans préciser si cet officier agit dans le cadre d’une enquête précise. Il n’y a aucun détail expliquant pourquoi la police ukrainienne s’intéresse de si près aux Juifs de Kolomyia, et a besoin d’une telle liste.

Devant l’absence de détails justifiant une telle demande, le chef de la communauté juive de Kolomyia a souligné que les statuts de la communauté sont dans le registre national, que les communautés religieuses sont séparées de l’État, et a refusé de fournir les informations personnelles demandées, ajoutant qu’il ne le ferait que s’il recevait un mandat de justice (c’est-à-dire en cas d’affaire pénale ouverte).

Si la lettre adressée à Jacob Zalichtchiker par la police ukrainienne, envoyée le 18 février 2020, n’est rendue publique qu’aujourd’hui, c’est parce qu’il n’a pas pris cette demande au sérieux, car la plupart des membres de la communauté sont des personnes âgées, et qu’il n’a reçu aucune nouvelle demande après sa réponse négative.

Mais Édouard Dolinski n’a pas du tout pris cette demande à la rigolade. Comme il l’a rappelé sur son mur Facebook, « en 1941, les nazis et les police auxiliaire ukrainienne avaient également exigé qu’une liste de tous les Juifs leur soit fournie ».

Pour le directeur du comité ukrainien juif, cette demande « est une honte totale et de l’anti-sémitisme flagrant ».

« C’est particulièrement dangereux lorsqu’il s’agit d’un organisme chargé de faire respecter la loi et que nous devons combattre ce qu’il fait, » a-t-il ajouté.

En fouillant quelque peu, j’ai découvert que ce département de la police ukrainienne, aurait normalement dû être dissout à l’automne 2019, car jugé par le cabinet des ministres comme étant une « structure corrompue », dont le chef, Mikhaïlo Bank, affiche une richesse personnelle (voitures de luxe et propriétés foncières) très au-dessus de ses revenus officiels !

Mais de manière « étrange », l’enquête qui avait été ouverte a été stoppée et ce département de la police ukrainienne, loin d’être liquidé, continue de fonctionner, et demande même la liste des Juifs de Kolomyia, dans ce qui ressemble à un mauvais remake de l’histoire de l’Ukraine pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Face à ce scandale, un député du parti de Zelensky, Alexandre Doubinski, a déclaré que Mikhaïlo Bank devrait être démis de ses fonctions.

« Le policier qui a décidé de procéder à un recensement des Juifs d’Ivano-Frankovsk – devrait être et sera licencié », a écrit Doubinski sur son mur Facebook.

Le problème est que l’antisémitisme dans la police ukrainienne n’est pas lié à une personne en particulier. J’avais tiré la sonnette d’alarme l’an passé, sur le fait que les médias occidentaux comme RFE-RL, avaient essayé de minimiser les déclarations de plusieurs officiels ukrainiens, dont le chef de la police nationale, qui s’étaient revendiqués comme « bandéristes » (c’est-à-dire soutenant Bandera et son idéologie).

Pour rappel, Stepan Bandera était un collaborateur ukrainien des nazis, dont les hommes ont assassiné des Juifs et des Polonais, entre autre. Son organisation, l’OUN, était ouvertement antisémite !

Donc quand l’Ukraine fait de Bandera un héros national, et que le chef de la police ukrainienne se déclare ouvertement « bandériste », il n’y a rien d’étonnant à voir un officier de police ukrainien demander la liste des Juifs de sa région, comme les hommes de Bandera l’ont fait en 1941 !

Voilà ce qui arrive lorsqu’on réécrit l’Histoire de l’Ukraine, et qu’on fait passer des monstres criminels et antisémites pour des héros nationaux, en effaçant tout ce qui ternirait leur image. On se retrouve avec des officiers de la police ukrainienne qui trouvent normal de faire comme leurs prédécesseurs, qui ont collaboré avec les nazis et participé activement à l’holocauste, en demandant la liste des Juifs de leur région ! Puisque le chef de ses prédécesseurs est un héros national, c’est qu’il n’y a rien de mal à cela !

Un peuple qui oublie son histoire est condamné à la revivre, et l’Ukraine en est le parfait exemple.

Christelle Néant

Volti

3 Commentaires

  1. « La police ukrainienne demande la liste des Juifs de Kolomyia »
    Oui, et les polices du monde entier demande aussi les listes de tous les autres, et qui ne sont pas nécessairement juifs.
    Donc, rappelons gentiment cette réponse que Jean Giono, pacifiste viscéralement et spirituellement convaincu, faisait à une sollicitation de l’écrivain Wladimir Rabinovitch, et dont Etienne Chouard aurait été bien inspiré de se souvenir alors que « l’inquisition » moderne le soumettait à la question à l’été 2019 :
    « Il me demande ce que je pense du problème juif. Il voudrait que j’écrive sur le problème juif. Il voudrait que je prenne position. Je lui dis que je m’en fous, que je me fous des Juifs comme de ma première culotte ; qu’il y a mieux à faire sur terre qu’à s’occuper des Juifs. Quel narcissisme ! Pour lui, il n’y a pas d’autre sujet. Il n’y a pas d’autre chose à faire sur terre qu’à s’occuper des Juifs. Non. Je m’occupe d’autre chose. »
    Lien : https://livresdefemmeslivresdeverites.blogspot.com/2017/07/livres-de-femmes-livres-de-verites.html

    • Pour ceux qui suivent la guerre en Ukraine, et l’idéologie de certains des protagonistes, cette demande est plus qu’inquiétante..

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