Suisse: après le déconfinement, la déconfédération? Vincent Held/Antipresse

Ce n’est pas la joie ce qui se prépare en Suisse. Partagez ! Volti

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Par Vincent Held via Liliane Held Khawam

Adresse Antipresse ICI

Les cabinets médicaux doivent-ils être numérisés? Le commerce de détail remplacé par des supply chains automatisées? Les tables de restaurants et autres terrasses de cafés appartiendront-elles bientôt au passé? Sous ses airs bonhommes, le Conseil fédéral serait-il en train de mettre en place une véritable «stratégie du choc» ultralibérale visant à reléguer la société solidaire que nous avons connue aux oubliettes? Vincent Held, l’auteur du Crépuscule de la Banque nationale suisse et d’Après la crise, reconstitue le tableau d’ensemble dont le public affolé n’a pu entrevoir que des bribes.

La «destruction créatrice» comme mode de gouvernement

Certains modes de vie que nous tenions jusqu’ici pour acquis pour-raient très bientôt se voir totalement transformés, et même disparaître purement et simplement. Ardent soutien de la révolution numérique, le gouvernement suisse semble vouloir mettre à profit la crise sanitaire pour imposer un remaniement en profondeur de certaines activités économiques. Et faire de la place pour de nouveaux modèles d’affaires pilotés par les GAFAM.

Eh oui, c’est confirmé. Le Conseil fédéral a bel et bien menti le 25 mars dernier lorsqu’il a annoncé que des «prêts à taux nul» seraient offerts aux PME suisses pour une durée de cinq à sept ans.

Un authentique scandale d’État, qui aura été révélé dans les colonnes de Lausanne Cités par Gilles Meystre, le président de GastroVaud.

Trois jours plus tard, l’administration fédérale se voyait contrainte de confirmer l’information : contrairement à ce qui avait été annoncé, le «taux nul» sur les «prêts solidaires» ne sera effectivement valable que jusqu’à l’an prochain. Après quoi il pourra être revu à la hausse «sans aucun plafonnement»!

https://www.rts.ch/info/economie/11242684-des-subtilites-se-cachent-derriere-les-credits-garantis-par-la-confederation.html

De telle sorte que les milliers de PME qui ont déjà contracté ces dettes en se fiant aux affirmations erronées du gouvernement suisse sont désormais pieds et poings liés. Dès l’année prochaine, elles pourront être soumises au paiement d’un intérêt, dont elles seront peut-être bien incapables de s’acquitter.

Une politique inepte fustigée à juste titre par M. Meystre, qui en annonce les conséquences inévitables:

«Les prêts sans intérêt[la première année], le report des loyers ou le droit à une indemnité de 3320 francs pour les indépendants sont des bombes à retardement dont toute la société subira les effets:faillites, explosion du chômage, etc.»

A se demander si des pans entiers de notre économie n’auraient pas tout simplement vocation à disparaître… Nonobstant cette considération, on peut en tout cas s’interroger sur ce qui a bien pu motiver le gouvernement suisse à tromper les PME avec de fausses promesses.

Et pourquoi laisser les propriétaires fonciers et les petits commerçants s’empoigner, plutôt que de généraliser la solution de compromis qui a été mise en œuvre à Genève avec tant de succès? D’autant plus qu’à en croire la presse, le différend entre locataires et bailleurs porterait en tout et pour tout sur un montant d’un milliard de francs à peine ! Une paille pour un pays tel que la Suisse. Qui plus est, la «crise sanitaire» confère au gouvernement suisse des pouvoirs étendus pour légiférer sur les sujets les plus variés…

https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-78641.html

Art.13 Amortissement et taux d’intérêt maximum (Ordonnance ICI)

1Les crédits octroyés en vertu de la présente ordonnance doivent être amortis dans leur intégralité dans un délai de cinq ans.
2Si l’amortissement dans le délai imparti a des conséquences très dures pour le preneur de crédit, la banque participante peut, avec l’accord de l’organisation de cautionnement, prolonger le délai une seule fois de deux ans.
3Le taux d’intérêt s’élève à:
a.pour les crédits garantis par un cautionnement solidaire au sens de l’art. 3: 0,0% par an;
b.pour les crédits garantis par un cautionnement solidaire au sens de l’art.4: en cas de limite en compte courant, 0,5% par an et, en cas d’avance à échéance fixe, 0,5% par an;
c.pour les crédits qui ne sont pas garantis par un cautionnement solidaire au sens de la présente ordonnance: taux d’intérêt selon le contrat de crédit.
4Le DFF adapte chaque année au 31mars les taux d’intérêt définis à l’al.3, let.a et b, à l’évolution du marché, la première fois le 31mars 2021. Le taux d’intérêt défini à l’al.3, let.a, s’élève au moins à 0,0% et celui défini à l’al.3, let.b, au moins à 0,5%. Le DFF consulte à ce sujet les banques participantes

Comment alors expliquer une telle passivité?

UNE POLITIQUE DE LA TABLE RASE AU SERVICE DES GAFAM?

A ce stade, le lecteur aura compris que le gouvernement suisse est en train de préparer le scénario du pire. Il faut toutefois admettre que la disparition de certains acteurs économiques pourrait faire de la place à de nouveaux modèles d’affaires, économiquement plus efficaces et générateurs de rendements pour les investisseurs financiers. C’est la fameuse notion schumpéterienne de destruction créatrice, un terme très à la mode depuis quelque temps.

Il apparaît par exemple que de nombreux restaurants pourraient être avantageusement remplacés par des services de livraison à domicile calqués sur le modèle d’Uber Eats. Les restaurateurs reconvertis en «producteurs de plats cuisinés» pouvant dès lors économiser forte-ment sur les loyers et les salaires. Et abaisser leurs tarifs en conséquence !

Un tel mode de fonctionnement pourrait devenir d’autant plus attractif que la 5G (aujourd’hui installée partout en Suisse) promet de réduire drastiquement les coûts de livraison. De fait, divers types de robots autonomes (et pas que des drones !) sont aujourd’hui prêts à supplanter les livreurs humains, devenus parfaitement obsolètes. En fragilisant les restaurateurs traditionnels avant même l’éclatement de la crise financière, le confinement prépare la montée en puissance de ce modèle d’affaires, qui ne tardera pas à être intégré aux marketplaces des GAFAM.

Le fait de contraindre les restaurateurs à développer une activité takeaway s’ils veulent continuer à travailler, contribue ainsi à imposer cette transition. D’autant plus que l’on parle aujourd’hui d’une réouverture en juin seulement ! Et il n’est même pas précisé si les intéressés bénéficieront ou non d’aides complémentaires pour se maintenir à flot…

On notera que le développement des services de livraison autonomes aboutirait très vite à la disparition des boutiques de tous types. Si tout peut vous être livré à domicile pour un coût minime, la location de locaux spécifiquement dédiés à la vente devient un luxe — que l’on parle de fleurs, de médicaments, de chaussures… C’est la notion de désintermédiation, qui consiste à mettre directement en relation producteurs et consommateurs finaux — et qui permet d’offrir de meilleurs prix. Là encore, les GAFAM s’avéreront très vite incontournables. Ce modèle gagnera encore en attractivité avec le krach financier — et la réduction durable des budgets de la clientèle.

Il convient par ailleurs de rappeler ici le profond désamour d’Alain Berset pour les médecins indépendants, contre lesquels il a mené une campagne de propagande féroce en 2018. On peut en effet se demander si la démagogie choquante dont le ministre aura usé à cette occasion ne servait pas un objectif économique bien précis. Car l’engouement des assureurs suisses pour la télémédecine laisse augurer d’une volonté de financiariser un secteur dans lequel les GAFAM semblent, une fois de plus, appelées à jouer un rôle clé. En attendant que les praticiens humains cèdent définitivement la place à des interlocuteurs virtuels…

L’interdiction des consultations médicales non urgentes a par exemple fourni l’occasion à une startup vaudoise de lancer son application de télémédecine pédiatrique à la début avril, précisément. On appréciera le sens du timing…

Le projet actuel du gouvernement suisse de court-circuiter les psychiatres-psychothérapeutes pour la prescription de psychothérapies mérite également une mention.

N’y a-t-il pas là un lien à faire avec la montée en puissance des robots-thérapeutes, nettement moins coûteux pour les assurances maladie et dont les services pourront être offerts directement par les GAFAM ? Google ne cache d’ailleurs plus le fait que son IA conversationnelle est bien plus performante que ce que la plupart des gens peuvent encore s’imaginer. Les psychothérapeutes qui applaudissent les efforts du Conseil fédéral pour libéraliser l’accès à leurs prestations risquent bien de déchanter à relativement brève échéance…

En résumé, il apparaît que la gestion de la crise sanitaire actuelle par le gouvernement suisse contribue à accélérer la transition vers de nouveaux modèles économiques impliquant, de fait, une certaine «distanciation sociale». Une telle évolution devant de toute évidence bénéficier en priorité aux GAFAM, au détriment de professions en moins bonne position pour défendre leurs intérêts.

Il faut également noter que la politique de «distanciation sociale» actuelle pourrait donner un coup d’accélérateur au projet de cyberadministration suisse, qui doit entrer en service cette année, justement. C’est ce qu’indique l’extension (pour l’instant «temporaire») de l’identification électronique (e-ID) à la reconnaissance par vidéo, c’est-à-dire par données biométriques. Le but affiché étant précisément de pouvoir réaliser des démarches administratives à distance. De quoi rendre les notaires (registre foncier électronique eGRIS, smartcontracts) et diverses catégories de fonctionnaires largement superflus.

On sait aujourd’hui qu’Alain Berset n’a de loin pas tout mis en œuvre pour freiner la propagation du covid-19 en Suisse. Se pourrait-il que cette négligence soit intentionnelle?

UNE PROPOSITION CONCRÈTE ET FACILE À METTRE EN ŒUVRE

Pour finir sur une note constructive et à défaut d’être très optimiste pour la suite, il nous faut avant tout remarquer que l’État suisse pourrait bel et bien se permettre d’offrir des financements sans contrepartie aux entreprises qui en ont besoin. C’est ce que proposaient récemment cinq professeurs de l’Université de Lausanne — dont un ancien vice-président de la BNS ! — qui qualifiaient à juste titre la politique du Conseil fédéral d’«inique».

par LHK

Suisse: après le déconfinement, la déconfédération? Vincent Held/Antipresse

Antipresse

Adresse Antipresse ICI

Les cabinets médicaux doivent-ils être numérisés? Le commerce de détail remplacé par des supply chains automatisées? Les tables de restaurants et autres terrasses de cafés appartiendront-elles bientôt au passé? Sous ses airs bonhommes, le Conseil fédéral serait-il en train de mettre en place une véritable «stratégie du choc» ultralibérale visant à reléguer la société solidaire que nous avons connue aux oubliettes? Vincent Held, l’auteur du Crépus-cule de la Banque nationale suisse et d’Après la crise, reconstitue le tableau d’ensemble dont le public affolé n’a pu entrevoir que des bribes.

La «destruction créatrice» comme mode de gouvernement

Certains modes de vie que nous tenions jusqu’ici pour acquis pour-raient très bientôt se voir totalement transformés, et même disparaître purement et simplement. Ardent soutien de la révolution numérique, le gouvernement suisse semble vouloir mettre à profit la crise sanitaire pour imposer un remaniement en profondeur de certaines activités économiques. Et faire de la place pour de nouveaux modèles d’affaires pilotés par les GAFAM.

Eh oui, c’est confirmé. Le Conseil fédéral a bel et bien menti le 25 mars dernier lorsqu’il a annoncé que des «prêts à taux nul» seraient offerts aux PME suisses pour une durée de cinq à sept ans.

Un authentique scandale d’État, qui aura été révélé dans les colonnes de Lausanne Cités par Gilles Meystre, le président de GastroVaud.

Trois jours plus tard, l’administration fédérale se voyait contrainte de confirmer l’information : contrairement à ce qui avait été annoncé, le «taux nul» sur les «prêts solidaires» ne sera effectivement valable que jusqu’à l’an prochain. Après quoi il pourra être revu à la hausse «sans aucun plafonnement»!

https://www.rts.ch/info/economie/11242684-des-subtilites-se-cachent-derriere-les-credits-garantis-par-la-confederation.html

De telle sorte que les milliers de PME qui ont déjà contracté ces dettes en se fiant aux affirmations erronées du gouvernement suisse sont désormais pieds et poings liés. Dès l’année prochaine, elles pourront être soumises au paiement d’un intérêt, dont elles seront peut-être bien incapables de s’acquitter.

Une politique inepte fustigée à juste titre par M. Meystre, qui en annonce les conséquences inévitables:

«Les prêts sans intérêt[la première année], le report des loyers ou le droit à une indemnité de 3320 francs pour les indépendants sont des bombes à retardement dont toute la société subira les effets:faillites, explosion du chômage, etc.»

A se demander si des pans entiers de notre économie n’auraient pas tout simplement vocation à disparaître… Nonobstant cette considération, on peut en tout cas s’interroger sur ce qui a bien pu motiver le gouvernement suisse à tromper les PME avec de fausses promesses.

Et pourquoi laisser les propriétaires fonciers et les petits commerçants s’empoigner, plutôt que de généraliser la solution de compromis qui a été mise en œuvre à Genève avec tant de succès? D’autant plus qu’à en croire la presse, le différend entre locataires et bailleurs porterait en tout et pour tout sur un montant d’un milliard de francs à peine ! Une paille pour un pays tel que la Suisse. Qui plus est, la «crise sanitaire» confère au gouvernement suisse des pouvoirs étendus pour légiférer sur les sujets les plus variés…

https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-78641.html

Art.13 Amortissement et taux d’intérêt maximum (Ordonnance ICI)

1Les crédits octroyés en vertu de la présente ordonnance doivent être amortis dans leur intégralité dans un délai de cinq ans.
2Si l’amortissement dans le délai imparti a des conséquences très dures pour le preneur de crédit, la banque participante peut, avec l’accord de l’organisation de cautionnement, prolonger le délai une seule fois de deux ans.
3Le taux d’intérêt s’élève à:
a.pour les crédits garantis par un cautionnement solidaire au sens de l’art. 3: 0,0% par an;
b.pour les crédits garantis par un cautionnement solidaire au sens de l’art.4: en cas de limite en compte courant, 0,5% par an et, en cas d’avance à échéance fixe, 0,5% par an;
c.pour les crédits qui ne sont pas garantis par un cautionnement solidaire au sens de la présente ordonnance: taux d’intérêt selon le contrat de crédit.
4Le DFF adapte chaque année au 31mars les taux d’intérêt définis à l’al.3, let.a et b, à l’évolution du marché, la première fois le 31mars 2021. Le taux d’intérêt défini à l’al.3, let.a, s’élève au moins à 0,0% et celui défini à l’al.3, let.b, au moins à 0,5%. Le DFF consulte à ce sujet les banques participantes

Comment alors expliquer une telle passivité?

UNE POLITIQUE DE LA TABLE RASE AU SERVICE DES GAFAM?

A ce stade, le lecteur aura compris que le gouvernement suisse est en train de préparer le scénario du pire. Il faut toutefois admettre que la disparition de certains acteurs économiques pourrait faire de la place à de nouveaux modèles d’affaires, économiquement plus efficaces et générateurs de rendements pour les investisseurs financiers. C’est la fameuse notion schumpéterienne de destruction créatrice, un terme très à la mode depuis quelque temps.

Il apparaît par exemple que de nombreux restaurants pourraient être avantageusement remplacés par des services de livraison à domicile calqués sur le modèle d’Uber Eats. Les restaurateurs reconvertis en «producteurs de plats cuisinés» pouvant dès lors économiser forte-ment sur les loyers et les salaires. Et abaisser leurs tarifs en conséquence !

Un tel mode de fonctionnement pourrait devenir d’autant plus attractif que la 5G (aujourd’hui installée partout en Suisse) promet de réduire drastiquement les coûts de livraison. De fait, divers types de robots autonomes (et pas que des drones !) sont aujourd’hui prêts à supplanter les livreurs humains, devenus parfaitement obsolètes. En fragilisant les restaurateurs traditionnels avant même l’éclatement de la crise financière, le confinement prépare la montée en puissance de ce modèle d’affaires, qui ne tardera pas à être intégré aux marketplaces des GAFAM.

Le fait de contraindre les restaurateurs à développer une activité takeaway s’ils veulent continuer à travailler, contribue ainsi à imposer cette transition. D’autant plus que l’on parle aujourd’hui d’une réouverture en juin seulement ! Et il n’est même pas précisé si les intéressés bénéficieront ou non d’aides complémentaires pour se maintenir à flot…

On notera que le développement des services de livraison autonomes aboutirait très vite à la disparition des boutiques de tous types. Si tout peut vous être livré à domicile pour un coût minime, la location de locaux spécifiquement dédiés à la vente devient un luxe — que l’on parle de fleurs, de médicaments, de chaussures… C’est la notion de désintermédiation, qui consiste à mettre directement en relation producteurs et consommateurs finaux — et qui permet d’offrir de meilleurs prix. Là encore, les GAFAM s’avéreront très vite incontournables. Ce modèle gagnera encore en attractivité avec le krach financier — et la réduction durable des budgets de la clientèle.

Il convient par ailleurs de rappeler ici le profond désamour d’Alain Berset pour les médecins indépendants, contre lesquels il a mené une campagne de propagande féroce en 2018. On peut en effet se demander si la démagogie choquante dont le ministre aura usé à cette occasion ne servait pas un objectif économique bien précis. Car l’engouement des assureurs suisses pour la télémédecine laisse augurer d’une volonté de financiariser un secteur dans lequel les GAFAM semblent, une fois de plus, appelées à jouer un rôle clé. En attendant que les praticiens humains cèdent définitivement la place à des interlocuteurs virtuels…

L’interdiction des consultations médicales non urgentes a par exemple fourni l’occasion à une startup vaudoise de lancer son application de télémédecine pédiatrique à la début avril, précisément. On appréciera le sens du timing…

Le projet actuel du gouvernement suisse de court-circuiter les psychiatres-psychothérapeutes pour la prescription de psychothérapies mérite également une mention. N’y a-t-il pas là un lien à faire avec la montée en puissance des robots-thérapeutes, nettement moins coûteux pour les assurances maladie et dont les services pourront être offerts directement par les GAFAM ? Google ne cache d’ailleurs plus le fait que son IA conversationnelle est bien plus performante que ce que la plupart des gens peuvent encore s’imaginer. Les psychothérapeutes qui applaudissent les efforts du Conseil fédéral pour libéraliser l’accès à leurs prestations risquent bien de déchanter à relativement brève échéance…

En résumé, il apparaît que la gestion de la crise sanitaire actuelle par le gouvernement suisse contribue à accélérer la transition vers de nouveaux modèles économiques impliquant, de fait, une certaine «distanciation sociale». Une telle évolution devant de toute évidence bénéficier en priorité aux GAFAM, au détriment de professions en moins bonne position pour défendre leurs intérêts.

Il faut également noter que la politique de «distanciation sociale» actuelle pourrait donner un coup d’accélérateur au projet de cyberadministration suisse, qui doit entrer en service cette année, justement. C’est ce qu’indique l’extension (pour l’instant «temporaire») de l’identification électronique (e-ID) à la reconnaissance par vidéo, c’est-à-dire par données biométriques. Le but affiché étant précisément de pouvoir réaliser des démarches administratives à distance. De quoi rendre les notaires (registre foncier électronique eGRIS, smartcontracts) et diverses catégories de fonctionnaires largement superflus.

On sait aujourd’hui qu’Alain Berset n’a de loin pas tout mis en œuvre pour freiner la propagation du covid-19 en Suisse. Se pourrait-il que cette négligence soit intentionnelle?

UNE PROPOSITION CONCRÈTE ET FACILE À METTRE EN ŒUVRE

Pour finir sur une note constructive et à défaut d’être très optimiste pour la suite, il nous faut avant tout remarquer que l’État suisse pourrait bel et bien se permettre d’offrir des financements sans contrepartie aux entreprises qui en ont besoin. C’est ce que proposaient récemment cinq professeurs de l’Université de Lausanne — dont un ancien vice-président de la BNS ! — qui qualifiaient à juste titre la politique du Conseil fédéral d’«inique».

Une solution la plus évidente serait de mobiliser les actifs financiers de la Banque nationale pour rembourser les emprunts que les PME ont été contraintes de contracter auprès des banques. Les fonds propres de la BNS se montent actuellement à plus de 160 milliards de francs. Ce à quoi s’ajoutent 20 milliards de francs de « liquidités» , que la BNS conserve pour la Confédération. Tout ceci est amplement suffisant pour couvrir les quelque 40 milliards alloués jusqu’ici.(Nous préciserons que ces 20 milliards de francs que la Confédération détient auprès de la Banque nationale sont bel et bien disponibles «à vue», c’est-à-dire immédiatement. Ne serait-il pas temps de mobiliser ces fonds, plutôt que d’en appeler à la Chaîne du Bonheur ?)Aujourd’hui encore, il n’est pas trop tard pour bifurquer vers cette option, qui aurait le mérite de faire bénéficier le pays des réserves de la Banque nationale… tant qu’elles sont encore disponibles.

LE FOND DE L’AFFAIRE

L’alternative consisterait à mettre à profit le changement de système monétaire qui se profile à brève échéance pour éponger les «prêts corona» via l’émission de monnaie digitale par la Banque nationale. Cette approche rejoindrait les poli-tiques «d’hélicoptère monétaire» que les États-Unis et le Royaume-Uni s’apprêtent à mettre en œuvre dans les jours qui viennent.

Soyons clair: le Conseil fédéral et le Parlement savent parfaitement ce qui va se produire à brève échéance. Ils ont activement participé (de concert avec la Banque nationale) à préparer le changement de système monétaire qui s’annonce. Certains conseillers fédéraux ont d’ailleurs directement contribué à l’élaboration des lois de confiscations bancaires qui pourraient être activées à cette occasion. D’autres (ou les mêmes) soutiennent depuis longtemps déjà l’idée d’une compression illimitée des rentes LPP (retraites) en cas de krach financier.Malgré ce tableau peu reluisant, les dirigeants suisses ont encore l’opportunité de se ressaisir pour limiter la casse. Il est en tout cas bon que le Parlement se soit décidé à reprendre du service…

Vincent Held

Livres de Vincent Held
Le crépuscule de la Banque nationale suisse

Une banque centrale peut-elle mettre en gage l’épargne de tout un pays pour financer sa politique monétaire? Où l’on comprend comment la BNS a siphonné le crédit bancaire suisse pour financer sa politique d’affaiblissement du franc. Et rendu inéluctable, par une alliance de grande ampleur avec la finance spéculative européenne, une catastrophe prévisible de longue date.

Après la crise

Vous cherchez à comprendre d’où viendra la prochaine crise financière? La mode autour de l’idée du revenu de base universel vous interpelle? Vous aimeriez savoir à quoi servent réellement les crypto-monnaies? Et pourquoi nos économies sont aujourd’hui à un tournant historique ?

Une civilisation en crise

Prolongeant la discussion entamée dans Après la crise, cet ouvrage bref et percutant révèle notamment les possibilités d’ingénierie sociale insoupçonnées de l’intelligence artificielle et du Big Data.

Achat en ligne https://reorganisationdumonde.com/ 

Volti

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