Ukraine, RPD et RPL mènent un échange de prisonniers au format 76 contre 124

Très attendu cet échange de prisonniers a duré cinq heures, qui ont été éprouvantes pour les ex-prisonniers. Partagez ! Volti

******

Christelle Néant pour Donbass-Insider

Le 29 décembre 2019, l’Ukraine et les Républiques Populaires de Donetsk et de Lougansk (RPD et RPL) ont mené un échange de prisonniers au format 76 contre 124. L’échange a duré plus de cinq heures, et s’est déroulé sur le point de passage de Mayorsk, situé entre la RPD et l’Ukraine. Daria Mastikacheva, Rafael Lusvarghi et plusieurs anciens Berkouts ont fait partie des prisonniers remis par l’Ukraine aux deux Républiques Populaires.

Cet échange de prisonniers qui fait partie des points de l’accord obtenu à l’issue de la réunion au Format Normandie, et des accords de Minsk, était attendu depuis deux ans, date du dernier échange mené entre l’Ukraine et les deux républiques du Donbass (RPD et RPL). Depuis lors, le processus était complètement bloqué à cause des sabotages permanents de la partie ukrainienne, dont le dernier en date a bien failli faire échouer l’échange du 29 décembre.

Plusieurs prisonniers importants étaient attendus par la RPD et la RPL. Comme Daria Mastikacheva, la compagne de Sergueï Sokolov, un enquêteur russe qui travaille sur le dossier du MH17 et sur plusieurs dossiers de corruption et de crimes en Ukraine, et qui avait été retirée à la dernière minute par le SBU de la liste des prisonniers à échanger en décembre 2017.

Il y avait aussi Rafael Lusvarghi, ce volontaire brésilien capturé par l’Ukraine, après avoir été appâté avec une proposition d’emploi, et la fausse promesse qu’il bénéficierait de l’amnistie prévue par les accords de Minsk. Rafael a été remis à la RPL.

Enfin, il y avait plusieurs anciens membres des Berkouts (police anti-émeutes ukrainienne), accusés depuis six ans des morts qui ont eu lieu sur le Maïdan, sans avoir jamais été condamnés, faute de preuves. Cinq d’entre eux ont été remis aux deux républiques, trois ont été rendus à la RPL et deux à la RPD.

Il y avait aussi huit Russes et un Biélorusse parmi les prisonniers rendus à la RPD par Kiev. D’ailleurs 80 % des prisonniers rendus par l’Ukraine à la république étaient des gens qui n’étaient pas des habitants de la RPD. Beaucoup venaient d’autres villes du Donbass occupé par l’armée ukrainienne, comme Marioupol, mais aussi de Kharkov et d’autres villes.

L’échange a duré plus de cinq heures. Sur le point de passage de Mayorsk il y avait presque autant de journalistes que de prisonniers, tant cet échange de prisonniers entre l’Ukraine, la RPD et la RPL était attendu.

La procédure d’échange a été différente pour la RPL et pour la RPD. La République Populaire de Lougansk a été la première à récupérer ses prisonniers, directement sur le territoire ukrainien. Seuls les journalistes de la RPL ont été autorisés à suivre la délégation de Lougansk pour assister à l’échange et filmer les prisonniers rendus par l’Ukraine.

Les journalistes de Donetsk ont dû attendre côté RPD que le processus d’échange soit mené, et n’ont pu filmer que les prisonniers rendus à la RPD une fois qu’ils étaient arrivés sur le territoire de la République.

L’échange entre la RPD et l’Ukraine s’est fait par étapes, avec l’audition de chacun des prisonniers par la Croix-Rouge, afin de s’assurer de leur état et vérifier que ceux qui ont renoncé à faire partie de l’échange de prisonniers ne le faisaient pas sous pression des autorités.

Des deux côtés plusieurs personnes ont fait valoir ce droit. Ainsi, quatre prisonniers qui devaient être rendus à l’Ukraine ont refusé à la dernière minute d’être envoyés là-bas et ont demandé à rester en RPD après leur libération. Côté ukrainien, c’est une vingtaine de personnes qui ont refusé soit d’être libérées, soit d’être envoyées en RPD. Ce n’est qu’après cette vérification que les prisonniers ont été envoyés de l’autre côté.

Résultat, la RPD a rendu à l’Ukraine 51 personnes sur les 55 prévues initialement, et a reçu 61 personnes sur les 87 qui étaient sur ses listes. La RPL a quant à elle rendu 25 personnes à Kiev et a reçu 63 personnes. Ce qui fait un échange de prisonniers au format 76 (rendus à Kiev) contre 124 (rendus à la RPD et la RPL).

Les prisonniers interrogés ont tous déclarés avoir été battus et torturés, et la plupart n’ont pas reçu l’apurement judiciaire (l’arrête de toutes les poursuites contre eux) pourtant prévu par l’accord d’échange. D’après un des prisonniers interviewés, Kiev n’a « gracié » que ceux qui signaient une reconnaissance de culpabilité, ce que beaucoup ont refusé de faire. D’autres, comme Daria Mastikacheva, déclarent que l’apurement judiciaire reçu n’est qu’un apurement de façade et qu’ils risquent d’être arrêtés de nouveau s’ils retournent en Ukraine.

Le seul point sur lequel Kiev s’est améliorée c’est la question des papiers d’identité. Cette fois-ci aucun des prisonniers rendus aux républiques populaires ne l’a été sans documents d’identité, contrairement aux échanges précédents.

Le mauvais traitement des prisonniers rendus par l’Ukraine était visible, plusieurs étaient très maigres (comme Daria Mastikacheva) et hagards. Ceux rendus par la RPD étaient en comparaison bien en chair et en pleine forme, marquant la différence de traitement des prisonniers par les deux pays. D’ailleurs deux des femmes qui ont refusé d’être rendues à l’Ukraine ont confirmé qu’elles n’avaient rien à reprocher aux forces de l’ordre de la République Populaire de Donetsk.

L’un des prisonniers rendu à la RPD a pu parler avec sa fille pour la première fois depuis cinq ans, grâce à un collègue journaliste qui lui a passé son téléphone. Après cette conversation très émouvante, l’homme nous a expliqué qu’il n’avait pas eu droit à un seul coup de fil à sa famille en cinq ans de détention en Ukraine !

Plusieurs prisonniers ont aussi confirmé qu’ils avaient été détenus avec des criminels de droit commun, contrairement à la RPD, où les prisonniers faisant partie du processus d’échange sont détenus dans des établissements séparés. Dans le cas des détenus de Marioupol, il semble néanmoins que cela ait protégé les prisonniers des exactions de la police et du personnel pénitentiaire, les criminels de droit commun ayant pris les prisonniers sous leur protection.

Après ce processus long et fatiguant, les prisonniers ont été emmenés à l’hôpital afin d’être examinés et soignés si nécessaire, avant de pouvoir retrouver leurs familles, ou de se voir fournir une solution d’hébergement pour ceux qui n’ont personne sur place.

Voir le reportage vidéo complet sous-titré en français :

Christelle Néant

Volti

Les commentaires sont clos.