Extinction Rébellion : rébellion adolescente qui se ment à elle-même. Procrastination jusqu’à la fin. Par Sylvain Rochex..

Toujours aussi observateur sur la marche du monde, et les réactions humaines. Un peu désabusé notre ami Sylvain. Ses réflexions appellent à des réactions. Partagez ! Volti.

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Auteur Sylvain Rochex pour Déscolarisation.org

Si l’urgence est telle qu’ils le disent, que font-ils là ?!! Nous sommes en octobre, donc, si l’urgence est telle qu’ils le disent, ils devraient être en train de ramasser du cynorhodon, des framboises, de planter des épinards, de rentrer les courges et les pommes de terre, de ramasser les premières châtaignes, glands, pommes et noix, de pailler le jardin, de récolter des semences et d’organiser la plantation d’arbres de novembre.

Si l’urgence est telle qu’ils le disent, ils ne devraient pas du tout être là où ils sont et faire ce qu’ils font. Ils devraient avoir pris le large depuis très longtemps pour « se mettre en face des conditions de leur propre activité » (S. Weil), pour s’établir dans des lieux où ils vont pouvoir prendre soin de la Vie sur Terre, pour quitter les structures, les flux et la cybernétique qui imposent l’hétéronomie et rejoindre des espaces où l’autonomie peut croître.

Ils prônent tous la permaculture et pourtant ils vont jusqu’à installer sur la chaussée parisienne en plein mois d’octobre des potagers en carré et des toilettes sèches… Bref, l’inverse de la permaculture : ce sont les cultures les moins permanentes que j’ai jamais vues et ce sont les toilettes sèches les plus immondes qui soient puisque des toilettes sèches doivent être impérativement bordées par une nature humifère où l’on pourra composter les déjections.

Vous me direz : c’est une manifestation donc ces installations sont des symboles. Mais c’est bien ça le problème ! c’est d’en être encore et toujours au stade du symbolisme alors qu’on parle d’urgence absolue. Quand on est dans « l’urgence absolue », on ne peut plus se situer, justement, au niveau du symbole, c’est-à-dire au niveau du pur esprit.

L’urgence (absolue) impose la matière. Le contact réel avec la matière. Mais s’ils sont là, c’est justement parce qu’ils fuient ce contact et procrastinent sans fin l’heure de sa venue. Un autre mot pour matière, c’est nécessité. Urgence, matière, nécessité : voilà un triptyque qui est de l’ordre de la vérité. Si les bacs de culture de “Extinction Rébellion” sont du domaine du symbole, on voit bien en quoi ils n’ont pas non plus à voir du même coup avec la nécessité. Et donc, ni non plus avec « l’urgence absolue » et la vérité.

Ces bacs ont à voir avec le mensonge de la vie de l’esprit, avec « l’espèce fabulatrice » (N. Huston) que nous sommes qui ne cesse de voiler les choses en se racontant des histoires pour éviter un contact trop brûlant avec la nécessité et la vérité (et donc avec la matière). Pour “Extinction rébellion” : urgence, matière, nécessité, et vérité, deviennent : procrastination, esprit, contingence (absorbée par l’industrie capitaliste) et mensonge.

Je suis tombé sur le témoignage d’une personne qui a participé à cette manifestation, un toulousain qui disait mener deux choses de front : son émancipation dans des lieux à la campagne et la lutte contre les structures au sein des métropoles. Outre le fait que ce gars s’est arraché de chez lui pour faire un aller-retour Toulouse/Paris et qu’on peut se demander l’impact de son escapade sur la nécessité de chez lui (et sur l’entropie et les destructions), il faut dire qu’il est ultra-minoritaire.

La grande majorité des autres ne mènent pas de double-fronts entre lutte et émancipation (même si certains le croient). Si ce gars s’occupe (peut-être effectivement) de ses patates et de ses oignons, l’extrême majorité des autres les achètent à Carrefour ou à Biocoop. Dans les différentes images que j’ai vues concernant cette manifestation, une parole d’un autre militant m’a heurté : « Les gens nous donnent plein de choses, notamment plein de bouffe. Si vous ne savez pas quoi faire, vous pouvez au moins nous rejoindre pour venir manger un morceau, on a plein de bouffe ici.»

De mon point de vue, l’expression « de la bouffe » en dit long et dit bien les choses. Pour eux, se nourrir (mais aussi boire, se vêtir et s’abriter) est effectivement contingent, cela ne relève pas de la nécessité. La « bouffe », c’est le mot employé pour la nourriture quand celle-ci est contingente.

D’abord, on parle, on parle, on parle, on code des sites des web, on débat, on affronte les CRS, on lit, on écrit. D’abord, on pense, on élabore. D’abord : le grand bain social et les mondanités. D’abord : les plaisirs et les drogues. D’abord comment fuir le vide intérieur. D’abord, la lutte (vivre on verra plus tard). Et puis vient la faim qu’il faut combler et c’est là qu’apparaît : LA BOUFFE !!

Pour celui qui vit dans la nature et qui s’essaie à retrouver et restaurer tous les équilibres : il y a, par exemple, des framboises bien mûres cueillies en se râpant les mains sur les tiges des framboisiers dans une brume matinale ; il y a, le poids d’une récolte de châtaignes à remonter du bas de la colline avec le souvenir charnel tout frais de toutes les petites piqûres causées par les bogues. Il y a, la découverte répugnante que des coulemelles, une fois cueillies, s’infestent rapidement par les vers (expérience récente pour moi). Bref, il n’y a pas de « Bouffe », cette simple contingence liée à la faim, il y a toute une Vie du matin au soir.

Question : est-ce que “la bouffe” de la manifestation de décembre viendra de ces 3 potagers en carré placés sur la chaussée : une feuille d’épinard chacun pour tenir une semaine de combats ?

Je connais par cœur le genre de réponse que ces gens me feraient : ils n’ont pas de terres, pas d’endroits où aller. Je leur répondrais ce que j’avais écrit ici : “il y a de la terre libre à perte de vue !!” et donc qu’ils se voilent la face une énième fois. Un milliard de milliards de mètres-carré arables n’attendent qu’une seule chose : qu’une bonne âme vienne y remettre de la Vie. Toute cette terre délaissée partout dans le monde est consternée au dernier degré par ces 3 potagers en carrés disposés (en octobre 2019) par ce millier de militants sur la chaussée parisienne…

Et l’urgence écologique absolue, bien réelle, n’en peut plus des citadins, théoriciens, et gens qui ne vivent qu’en esprit et en fables de toutes sortes.
La permaculture est-elle réellement en plein essor ? Dans les discours oui, dans le blabla, oui. Encore une fois, chacun pense que le paysan ce sera l’autre, et pas lui.

La vérité, c’est qu’entre rester le cul sur une chaise et commander une pizza pour regarder une vidéo sur la permaculture et prendre son panier pour aller dans la nature faire une cueillette, entre faire de la récup’ dans les poubelles de carrefour et planter des choux, le choix est vite fait pour ces bobos qui ne veulent pas assumer l’héritage réel de leur classe sociale : l’esclavage.

Ceux qui dansaient sur la techno lors de ce blocage “écologiste” appartiennent majoritairement à une classe sociale qui a toujours tout fait pour ne jamais mettre les mains dans la terre et faire travailler les autres à leur place. Aujourd’hui le mur de l’extinction du vivant est là, on les retrouve donc, non pas à bêcher dans le plein reniement de leurs ancêtres (qui faisaient bêcher les autres), mais à chercher comment être actifs en symboles et en esprit, pour que, pour une journée supplémentaire, d’autres travaillent encore pour eux, afin qu’ils aient DE LA BOUFFE et qu’ils puissent DANSER (sur le sujet de la danse,… beaucoup auront en tête le texte de Fred Vargas de 2008).

Vous avez du même coup l’explication à pourquoi ils n’ont pas eu exactement le même traitement que les manifs 100% Gilets Jaunes. On cogne toujours moins fort sur les bobos.J’ai oublié de mentionner dans mon propos, la présence sur les lieux de manifestations de moments de méditations au beau milieu de centre-commerciaux. Encore un symbole de plus, à l’heure de l’urgence absolue ! Il me semble que le symbolisme, c’était de méditer dans un centre urbain dans les années 1960. En 2019 : on se fout de la gueule du monde au dernier degré.

Sylvain Rochex, 15 octobre 2019.

Volti

23 Commentaires

  1. Merci Volti, tu nous gâtes. Sylvain Rochex, Thierry Casasnovas, que du bonheur ce matin. Bon, je vais me faire une petite tisane et je vais lire ça.

    • Il est vrai qu’une bonne dose de bon sens ne peut qu’amener un peu de fraîcheur sur le blog et dans les esprits. Ça nous change des sempiternelles “bad news” qui ne font que maintenir le moral des troupes au plus bas …

      M.G.

  2. J’aimerais bien avoir l’avis de Thierry Casnovas et de Sylvain Rochex sur la monnaie libre. Avis qui serait des plus intéressant sachant qu’ils sont tous les deux dans une démarche permaculturelle avancée.
    http://www.prisedeterre.net/2019/03/07/une-monnaie-permaculturelle/
    Il faudrait aller leur poser la question, organiser une petite interview, ça te tente MG?

  3. Nous sommes en octobre, donc, si l’urgence est telle qu’ils le disent, ils devraient être en train de ramasser du cynorhodon, des framboises, de planter des épinards, de rentrer les courges et les pommes de terre, de ramasser les premières châtaignes, glands, pommes et noix, de pailler le jardin, de récolter des semences et d’organiser la plantation d’arbres de novembre.
    =*=
    Ils les sortent plutôt les courges, non ?

    Bon une chose est sûre, j’ai un noyer qui donne un max, et je les ramasse et personne n’en veut !
    Je les donne, hein ? Je les vends pas…
    J’ai aidé une voisine agricultrice à faire sauce et coulis de tomates, elle m’en a refilée et j’ai fait de même… Je vais essayer de trouver des châtaignes et marrons (1 parce que c’est un répulsif naturel contre les araignées 2) paske grillées c’est bon et très nourrissant !) si les chasseurs, qui sont rois, me plombent pas le ulc !
    Mon terrain n’étant pas délimité, les gonzes pour m’intimider passent, fusil en bandoulière avec leurs chiens d’un air patibulaire mais presque… Et zavez pas intérêt à l’ouvrir, vu qu’ils sont armés !
    Jo

    • J’ai rentré mes potimarrons en septembre et l’année dernière on a donné un coup de main à une agricultrice à cette période pour rentrer ses courges. Bon, on est dans les sud, ça change peut-être quelque chose. Tu peux les conserver une bonne partie de l’hiver et il parait qu’au plus elles sont vielles, au plus elles sont vitaminées.

      • “ils devraient être en train de ramasser du cynorhodon, des framboises, de planter des épinards, de rentrer les courges et les pommes de terre, de ramasser les premières châtaignes, glands, pommes et noix, de pailler le jardin,”
        Pour ici, c’est trop tôt. Le cynorhodon, on le cueille – quand on en trouve – après les premières gelées. Bientôt, on pourra planter les fèves. Les courges ? elles n’ont pas voulu pousser cet été, aussi j’ai des bébés butternuts qui resteront autant que le temps le permet. Ce qui donne en ce moment: les haricots verts.
        Même les plants de tomates ont recommencé à fleurir. J’avais coupé tout ce qui était mort mais je ne les avais pas tous déracinés. Du coup, j’en ai couvert et j’ai de belle tomates qui mûrissent. Pas rouges encore, mais qui sait !

        Je serais preneuse pour les noix, mais tu es un peu loin, Volti. Dommage…

  4. … On cogne toujours moins fort sur les bobos ?

    ILS ne vont pas faire crever les yeux de leurs gamins quand même.
    Par contre les gueux et les serfs qui votent mal, on peut ordonner aux Gents d’Armes de les castrer par poignées car il y en a trop.

  5. Sylvain, nous t’avions répondu sur l’idée qu’il y a de la terre libre partout. Ce n’est malheureusement pas la réalité. Ensuite, il faut de l’eau. Des citernes ? Oui, si on a le droit de les mettre. Si on n’a pas le droit, on prend le gauche ? Pourquoi pas… jusqu’au jour où…
    Et puis…ici, si on attend qu’une citerne se remplisse, pfft ! il faudrait un entonnoir géant. Et encore…
    Bref, tout le monde n’est pas prêt à se faire virer ou à rentrer un conflit avec un propriétaire, ou avec la législation…

  6. Bonsoir,
    Oui, c’est une bonne idée de temps à autres proposé ce genre d’articles et vidéos, c’est beaucoup moins anxiogène et peut aider les gens à se trouver une vocation et se lancer dans sa propre autonomie.

    Personnellement j’ai deux mains gauches, je ne sais pas faire grand chose, je suis plus un cérébrale, des idées j’en ai à la pelle, mais je dois toujours m’entourer de gens plus manuels du coup parfois je me suis fait “voler” mes idées.

    Par exemple j’ai l’intention de créer des parcelles de terres cultivables en bio et en perma si possible qui seront à louer, et le fruits des récoltes vendu sous forme d’abonnement. Comme je ne sais rien faire, j’ai ce genre d’idée. Et j’en ai pleins d’autres ainsi, il me reste à trouver l’endroit avec les infrastructures nécessaire pour y développer toutes mes idées. En gros j’ai besoin d’un endroit avec des ateliers désaffectés entourer de bonnes terres. Ainsi je pourrait y réaliser un loft comme habitations et de la place pour mes autres projets le tout pour pas cher, car les travaux, seront plus onéreux.

    Orné

  7. Pourquoi pas sortir de France pour trouver un bout de terrain???
    Je signale à tout hasard, pour ceux que ça intéresserait, que dans le nord de l’espagne il y a des terrains à vendre pour des petits prix, souvent quelques hectares et une petite maison ou pour certains, les moins chers une ruine à rénover, il y a souvent l’irrigation incluse, et pour les plus chanceux, l’eau potable et l’électricité. Et il y en a pas mal!!
    Ces terrains sont souvent plantés d’oliviers et d’amandiers ou de vignes
    Nous on a franchi le pas l’année passée et acheté un terrain de 4hectares avec une petite maison de 35m2 dessus, et on y cultive des légumes, on a déjà planté des arbres fruitiers et on pense continuer cette année. Comme il y a des oliviers, on fait notre propre huile d’olive, c’est dur mais c’est intéressant à faire et puis comme il y a l’irrigation de mars à novembre on peut cultiver ce qu’on veut, et on ne s’en est pas empêchés, j’ai d’ailleurs le congélo rempli à ras bord et plein de conserves. Evidemment pour ceux qui ont un boulot en France, c’est compliqué, mais pour ceux qui n’ont plus rien et qui cherchent à s’installer, en Espagne c’est beaucoup moins compliqué qu’en France, vraiment moins, c’est beaucoup plus facile de s’installer et les taxes ne sont pas énormes, et les règlements moins drastiques. D’ailleurs on peut très bien mettre une yourte, une caravane, ou un chalet en bois démontable sur ces terrains, personne ne vous dira que c’est interdit puisque c’est ce qui se fait habituellement. Par contre pour construire en dur, il faut une autorisation et elle n’est souvent donnée que si vous vivez sur place et que vous êtes enregistré comme agriculteur

  8. Ça commence à me prendre la tête ceux qui pointe du doigt les manifestants et pinaille. Surtout quand c’est pour tirer la couverture à sois (Syvain Rochex à bien un petit buseness dans la permaculture, non?)

    Si tu veux un changement global, ça prendra des plombes si tu attends que ça soit des volontaires ici et là qui décide de changer individuellement.

    Il faut arrêter d’envoyer la patate chaude aux gens et de leurs imputer toutes les responsabilités : si on a des politiciens, c’est justement pour que des lois et actions soit prises sur l’ensemble des individus.
    Et c’est bien le principe d’une manifestation que de vouloir s’adresser à ceux qui ont le pouvoir de changer les choses, donc les politiciens dans ce cas là.

    Alors oui, en attendant tu peux faire quelque chose à ton échelle, c’est une évidence mais tu nous emmerde avec la permaculture Sylvain : que ça soit un paysan qui la pratique à grande échelle pour 10 personnes, ou 10 personnes qui le pratique que pour eux le résultat – écologique – est le même. Et rien ne te dis que les manifestants que tu pointe du doigt ne sont déjà pas plus averti de leurs impact que la plupart des citoyens (tout me porte à croire le contraire) et sont déjà dans une démarche responsable quand à leurs alimentation.

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