Black bloc, qu’est-ce que c’est ? ..

Nous les voyons intervenir dans les manifestations, tout de noir vêtus et déterminés à mettre le souk. Ce Black Bloc ou Bloc Noir se fait et se défait sans hiérarchie, ni mot d’ordre. Chacun peut en faire partie s’il le décide et, n’agit que pour lui même. Sont-ils utiles ? Décrédibilisent-ils le but initial des manifestants en commettant des violences et de la casse ? Qu’en pensez vous? Partagez ! Volti

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Source Réseau-International, The Conversation, via Aphadolie + Illustrations

La revendication du rôle incontournable de la « violence révolutionnaire »

Recourir à l’émeute politique, c’est une façon d’exprimer publiquement sa tolérance, sinon son appétence, à l’endroit de la violence en politique. C’est revendiquer le rôle incontournable de la « violence révolutionnaire » dans un processus de recomposition générale des rapports sociaux au travail et en société. C’est récuser pratiquement le « pacifisme intégral » comme guide pour l’action collective, tout en affirmant que les procédures électorales ne sauraient constituer a priori une modalité d’accès au pouvoir envisageable pour des militants révolutionnaires.

Ces derniers doivent envisager a contrario soit une stratégie révolutionnaire de conquête du pouvoir d’État par l’avènement d’une situation de dualité du pouvoir (grève générale insurrectionnelle, guerre populaire prolongée) ; soit une politique visant à multiplier à l’échelle du territoire national des isolats, c’est-à-dire des « zones autonomes » émancipées du « règne de la marchandise » devant permettre de vivre le futur post-capitaliste dès à présent.

Automatiquement, en agissant de la sorte, ces militants révolutionnaires assument une forme d’insubordination par rapport à la loi en vigueur, consentent à se positionner en marge de la légalité. Toutefois, contrairement aux discours fantasmagoriques de certains commentateurs ou ceux émanant des services de renseignement, il n’est pas question pour ces militants, ayant momentanément recours à des modes d’action relevant de la « délinquance politique » du fait qu’ils transgressent des normes juridiques, de s’abandonner à une quelconque dérive militariste/brigadiste.

Le rejet de la lutte armée

En effet, aucun groupe ou réseau révolutionnaire connu à ce jour ne prône publiquement un recours à la lutte armée clandestine, et donc le maintien prolongé dans l’illégalité, dans nos sociétés démocratiques et libérales, l’enlèvement de personnes assumant des fonctions électives ou encore l’assassinat ou la mutilation de décideurs économiques.

De même, en ce qui concerne les militants formant des « black blocs », il est notable qu’ils ne viennent jamais en manifestation avec des armes à feu avec l’intention de causer la mort d’un ou de plusieurs policiers, mais avec un outillage composé exclusivement d’armes par destination (pierres, bouteilles, feu d’artifice…) qui sont, certes, susceptibles de provoquer des blessures plus ou moins sérieuses chez les fonctionnaires, mais qui demeurent néanmoins de faible intensité.

Outre les considérations morales et éthiques, outre le refus pour ces militants de risquer de sacrifier 20 ou 30 ans de liberté sur l’autel d’un engagement politique qui ne se veut en définitive ni total, ni absolu, il n’est pas question de recourir à la lutte armée du fait de l’échec historique de la stratégie des groupes ayant eu recours en Europe (dans des contextes politiques dissemblables) à la « violence révolutionnaire armée ».

Ainsi, si le Comité invisible fait l’apologie de l’émeute dans son dernier opuscule Maintenant, en tant qu’expérience collective sensorielle et émotionnelle au-dessus de l’ordinaire, son propos apparaît sans commune mesure avec celui tenu par la Ligue communiste au début des années 1970 qui défendait la nécessité « d’armer les masses du désir de s’armer » dans le cadre de « l’autodéfense ouvrière » et dans la perspective d’une conquête révolutionnaire du pouvoir d’État. Sans même parler du « Mai-rampant » italien et de ces dizaines d’organisations révolutionnaires ayant assumé une militarisation de leurs modes d’action dans le contexte politique de l’Italie des années 1968, celui « d’une guerre civile de basse intensité ».

Marquer l’ennemi au fer rouge

Dans le cadre d’un black bloc, il s’agit essentiellement pour ces membres de marquer l’ennemi au fer rouge, autrement dit de commettre des actes de déprédation à l’endroit de ce qui est identifié comme des cibles politiques – que ce soient les symboles de « l’État de classe » (commissariats de police, casernes de gendarmerie, véhicules des forces de l’ordre), le « mode de production capitaliste » (banques, assurances, agences immobilières, boutiques de luxe), de la démesure consumériste et « bourgeoise ». C’est-à-dire tout ce qui incarne, aux yeux de ces militants révolutionnaires, le « règne de la marchandise » et celui de la propriété privée et lucrative.

En parallèle, il s’agit d’assumer des interactions violentes avec les forces de l’ordre chargées de protéger le « statu quo pro-capitaliste », l’ordre usinier, et de façon générale la structure normative de la société que ces militants révolutionnaires voudraient abolir à terme.

Même si aucune victoire « militaire » n’est évidemment pensable du fait d’un rapport de forces totalement et définitivement asymétrique, les agents du maintien de l’ordre sont des cibles, car ils se situent à l’interface entre eux et les décideurs politiques et économiques introuvables et inatteignables le temps de la manifestation de rue. Aussi, s’en prendre physiquement à eux, c’est essayer d’atteindre – par personne interposée – les différentes formes de gouvernances jugées illégitimes se dissimulant derrière.

Par ailleurs, leur violence collective, qui demeure en France en permanence contenue et auto-limitée, se présente comme une violence ciblée et différenciée, mais aussi comme une réponse aux violences sociales, économiques et autres destructions environnementales. Elle se définit comme une contre-violence politique, comme l’expression de la légitime défense auxquels auraient le droit de recourir à un moment donné « les dominés », « les exploités », « les opprimés » et, plus largement, celles et ceux qui souhaiteraient que les sociétés modernes ne soient plus régies par « la morale de l’intérêt privé » et « la concurrence des égoïsmes » pour reprendre les expressions chères au philosophe Alain Badiou.

Dès lors, la réalité de cette violence militante sera toujours perçue et présentée par ses acteurs comme inversement proportionnelle aux multiples formes de violences structurelles d’un « système capitaliste autophage », pour reprendre l’expression d’Anselm Jappe.

Aphadolie

Volti

4 Commentaires

  1. Il y en a marre de l’utilisation de mots anglais par des français … Black Bloc … qu’ils utilisent le français …
    https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_wacko.gif

  2. Voulez-vous voir à quoi ressemblent nos visages quand ils ne sont pas masqués par des foulards, des casques ou des cagoules ?

    Ce sont les mêmes visages qui paient un loyer pour vos appartements pourris, les visages de ceux à qui vous offrez des stages non rémunérés ou des jobs à plein temps pour 1000 euros. Ce sont les visages qui paient des milliers d’euros pour assister à vos cours. Ce sont les visages des gamins que vous frappez quand vous les chopez avec un peu d’herbe dans leurs poches. Ce sont les visages de celles et ceux qui doivent s’enfuir du bus quand les contrôleurs apparaissent, ne pouvant pas se payer le voyage.

    Ce sont les gens qui cuisinent vos faux-filets à point dans les restaurants chics, et reçoivent pour ça 60 euros la soirée, au black. Ce sont celles et ceux qui vous préparent vos cafés serrés à Starbucks. Ce sont ceux qui répondent à vos appels en disant « 118 118, puis-je vous aider ? », ceux qui achètent de la nourriture à Lidl parce que celle des autres supermarchés est trop chère. Ceux qui animent vos camps de vacances pour 600 euros par mois, ceux qui rangent les étalages des magasins où vous achetez vos légumes bios. Ce sont ceux à qui la précarité bouffe toute l’énergie vitale, ceux qui ont une vie de merde, mais ont décidé qu’ils en avaient assez d’accepter tout ça.

    Nous faisons partie d’une génération, qui, pour un jour, a arrêté de s’empoisonner le sang avec la névrose d’une vie passée dans la précarité, et qui a soutenu les émeutes. Nous sommes le futur que vous devez écouter, et la seule partie saine d’une société couverte de métastases. Ce qu’il est en train de se passer à Londres, Athènes et Rome est d’une importance historique. Des places remplies à craquer de gens explosent de joie quand les cars de police prennent feu. Notre existence même est dans ces cris : l’existence de celles et ceux qui ne peuvent pas croire que des gouvernements élus se retourneraient contre leurs citoyens et leur feraient payer des dizaines d’années d’erreurs commises par le secteur financier et les multinationales ; l’existence de ceux qui maintenant commencent à penser que tous ensemble nous pouvons commencer à leur faire peur. Ces exclamations étaient furieuses et joyeuses, explosant depuis la partie saine de la société, pendant que celle empoisonnée se cachait dans la Chambre des Députés.

    Les Black Bloc ont encore frappé. Vous feriez mieux de regarder autour de vous maintenant. Des rumeurs disent que vous pourriez en rencontrer certains pendant vos cours, à la bibliothèque, à la machine à café, au pub, sur la plage, voire même dans le bus.

    Collettivo Universitario Autonomo de Torino

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