Les grandes entreprises pratiquent l’optimisation fiscale à grande échelle grâce au mécénat culturel…

Évidemment, c’est un énorme manque à gagner pour l’état. Le musée de Bernard Arnault (LVMH) financé à 60 % par l’État,  et les autres? voilà où partent une partie des impôts des “sans dents”, “fainéants”, ” de ceux qui ne sont rien”, des “illettrés”, en deux mots des “pauvres cons”. Comment l’état peut-il justifier le racket fiscal du peuple et, les cadeaux fiscaux sous couvert de mécénat pour les ultra-riches ? Triste pays. Partagez ! Volti

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Olivier Petitjean pour BastaMag

La Cour des comptes vient de publier un rapport à charge sur les exonérations fiscales liées au mécénat en France. Un dispositif si avantageux pour les grandes entreprises qu’elles se sont ruées dessus, sans contrôle de l’État. Particulièrement visée : la Fondation Louis Vuitton voulue par le PDG de LVMH, Bernard Arnault, qui a permis au groupe d’économiser 518 millions d’euros d’impôts dans des conditions contestées.

En 2003, la loi Aillagon, du nom du ministre de la Culture du gouvernement Raffarin, a créé un nouveau dispositif d’exonération fiscale à hauteur de 60 % pour encourager le mécénat du secteur privé. Un franc succès puisque près de 70 000 entreprises y ont aujourd’hui recours en France. Coût pour le fisc ? Presque un milliard d’euros. La Cour des comptes s’est penchée sur l’utilisation de ce dispositif et s’inquiète dans un récent rapport de l’absence de contrôle de l’État et du risque d’effet d’aubaine pour les firmes qui voudraient réduire leurs impôts à peu de frais.

Le musée de Bernard Arnault (LVMH) financé à 60 % par l’État

Le mécénat, un nouvel outil d’optimisation fiscale à disposition des multinationales ? Difficile de ne pas se poser la question lorsque l’on constate qu’une poignée de très grosses entreprises concentrent l’essentiel des réductions fiscales au titre de la loi Aillagon : en 2016, les 36 plus grandes entreprises représentaient les trois quarts des réductions fiscales consenties, soit 432 millions d’euros. Les cinq premières firmes exonèrent, à elles seules, 250 millions d’euros ! Le rapport de la Cour des comptes souligne le caractère particulièrement favorable de ce dispositif comparé aux autres pays européens. Et regrette l’absence d’encadrement clair aussi bien de « l’intérêt général » censé justifier les ristournes fiscales accordées aux mécènes que des « contreparties » autorisées à leurs donations.

Un exemple en particulier ne peut manquer d’attirer l’attention : celui de la Fondation Louis Vuitton, inaugurée en 2016 dans le bois de Boulogne à Paris, luxueux lieu d’expositions voulu par le PDG de LVMH Bernard Arnault. Le coût de cet édifice de prestige conçu par l’architecte star Frank Gehry, initialement estimé à 100 millions d’euros, atteint finalement, selon les magistrats, 790 millions. LVMH a ainsi pu décompter de son impôt sur les bénéfices (via diverses sociétés du groupe) environ 518 millions d’euros. Beaucoup s’étonnent de ces coûts exorbitants affichés par le groupe LVMH et l’entreprise en charge de la construction, Vinci, sans commune mesure avec ceux observés sur d’autres projets comparables [1]. Au point que certains parlent de surfacturation opportuniste. L’État ne s’est pas donné les moyens de le vérifier.

Total optimise fiscalement grâce au Louvre

Les mouvements œuvrant pour plus de justice fiscale commence à s’intéresser aux effets pervers de ce mécénat. Le financement, par la firme pétrolière Perenco, d’une exposition consacrée au Guatemala, pays où elle exploitait du pétrole dans des conditions controversées, avait déjà été dénoncé. Le mécénat des entreprises pétrolières comme Total en France ou BP en Grande-Bretagne est désormais devenue une cible privilégiée pour les militants du climat, comme l’ONG 350 France et sa campagne « Libérons le Louvre » (sur cette campagne et sur le mécénat de Total, lire notre enquête : “Le Louvre et les grands musées sont-ils sous l’influence de l’industrie pétrolière ?“).

Le cas de la Fondation Louis Vuitton est d’autant plus significatif que le PDG de LVMH Bernard Arnault a clairement conçu celle-ci comme une dépense somptuaire. Il a déclaré vouloir faire « un cadeau à la France », cadeau financé de fait à 60 % par l’État. Le multi-milliardaire en fait une démonstration de puissance tout en dénonçant le « carcan administrativo-juridique » du ministère de la Culture [2]. Un « carcan administrativo-juridique » dont son groupe a néanmoins cherché à tirer parti pour réduire son ardoise fiscale… Une association anti-corruption, le Front républicain d’intervention contre la corruption (Fricc) vient de déposer plainte pour « escroquerie », « blanchiment de fraude fiscale » contre le groupe et son dirigeant.

Olivier Petitjean pour BastaMag

Notes:

[1Lire cet article de Libération pour quelques exemples.

[2Termes utilisés par Bernard Arnault dans un entretien au Figaro. Lire cet article du Monde.

Image : CC Martine via flickr.

Volti

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