« Pour aller toujours plus vite, on les rend grabataires » : lettre des infirmières du CHU de Grenoble…

Nos anciens à ce point maltraités, ignorés pour faire du chiffre. Comment accepter que l’on gère les EHPAD comme des supermarchés où le tiroir caisse a la priorité, qu’importe ce qui s’y vend. Comment en est-on arrivé là.. Partagez ! Volti

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Source Mr Mondialisation

Alerte. Les infirmières et infirmiers du CHU de Grenoble font part de leur désespoir dans une lettre ouverte à destination de leur direction mais également de la France entière et des autorités. La situation critique qu’ils et elles décrivent en EHPAD et USLD fait froid dans le dos. La dynamique managériale appliquée aux soins de santé – où le chiffre passe avant tout – s’attaque au sens même du travail d’infirmier, rendant les soins de moins en moins efficaces, éventuellement, au profit du secteur privé. Selon eux, le danger pour les patients est manifeste et les accidents risquent de se multiplier. Les hôpitaux, une entreprise comme les autres ?

« Lettre à la direction du CHU de Grenoble Alpes concernant la situation catastrophique en gériatrie » (Soins de Longue Durée et EHPAD)

Ceci est un cri d’alarme, un cri de désespoir, car nous n’avons plus le temps. Nous n’avons plus le temps de soigner ni de prendre soin, nous n’avons plus le temps d’exercer notre métier. En tant que soignants, nous sommes en première ligne. Nous subissons nous même et voyons les patients subir les conséquences délétères de la politique du chiffre qui est menée partout au CHU. L’EHPAD et le SLD sont des lieux de vie, les gens qui y vivent y subissent au quotidien, et ce jusqu’à leur mort, les conséquences de cette politique gestionnaire.

Régulièrement, mes collègues se retrouvent seul infirmier·ère pour 40 résidents. Avez-vous une idée de ce que cela signifie de travailler dans ces conditions ? À l’aide d’un calcul simple on se rend compte que, sur un service de 7h30, une fois retirées les 30 minutes de transmissions orales, il ne reste à l’ infirmier·ère que 10,5 minutes par patient.

Mais ces 10,5 minutes ne sont même pas du temps de présence consacré à chaque patient, car il faut déduire le temps que l’infirmier·ère passe à : Vérifier les prescriptions, piler les médicaments si nécessaire (environ 1/4 des patients), valider les actes dans le logiciel, faire les transmissions avec le médecin, préparer les perfusions, faire les transmissions écrites, gérer les imprévus, répondre au téléphone et aux familles, ranger la pharmacie, etc.

La situation des aides-soignants.es n’est pas plus enviable, d’autant plus que si l’infirmier·ère n’a que peu de temps pour réaliser les soins qui lui sont propres alors il/elle n’en n’aura pas pour réaliser les soins d’hygiène et de confort avec les aides-soignants.es.

Les conséquences de ce manque de temps sur les patients ? De la douleur et de la souffrance provoquées par des gestes trop rapides des soignants, une douche par semaine au mieux, des pansements non renouvelés à temps, des escarres qui se développent par manque de temps avec les patients pour les mobiliser, des résidents réveillés très tôt pour pouvoir finir nos tours de soin, au détriment de leur santé et de leur confort, des pertes d’autonomie accélérées par manque de temps pour les accompagner dans les gestes de la vie quotidienne, gestes qu’on fait à leur place pour gagner du temps. Pour aller toujours plus vite, on les rend grabataires. Même d’un point de vue purement comptable cela n’a pas de sens : une fois grabataires, ces patients nécessitent encore plus de temps et de moyens.

Si on ne se fie qu’aux plannings, si on ne se fie qu’aux actes de soin dont la case « validé » a bien été cochée, alors on pourrait penser (le pensez-vous d’ailleurs?) que tout va pour le mieux puisque « le travail est fait ». Alors oui, les cases, sont bien cochées, les médicaments sont donnés, les corps sont lavés mais à quel prix ? Au prix d’une maltraitance institutionnalisée qui est dirigée bien évidement contre les patients mais également contre les soignants qui se voient, malgré eux, collabo de cette politique du chiffre.

Ce sont nous, les ouvriers du soin, qui en arrivons, malgré nous, à maltraiter ces corps, à malmener ces gens pour qui le quotidien de leurs dernières années consiste à ne croiser que des personnes pressées, des personnes stressées qui n’ont pas le temps de prendre soin d’eux correctement.

Le jour où il y aura des morts, des morts prématurées, chez les patients comme chez le personnel, ce jour-là il faudra assumer, c’est à dire répondre de vos actes et en accepter les conséquences. Je dis cela non comme une menace mais comme une triste prémonition d’une conséquence de la politique actuelle.

Aujourd’hui, quelques voix se lèvent mais globalement pourquoi ca continue de tourner ? Tout simplement parce que les principaux intéressés n’osent rien dire :

– Les patients sont bien souvent trop faibles pour dire quoi que ce soit et quand bien même : seraient-ils entendus ?

– Les familles quant à elles, se plaignent régulièrement auprès des soignants mais ne vont pas plus haut dans la hiérarchie, et de toute façon, ont elles d’autres choix : qui est capable d’assumer à domicile un parent grabataire ? L’institution est pour eux la seule solution.

– Enfin, les soignants : complices malgré eux, ont bien souvent honte ou alors sont résignés. Épuisés par les efforts permanents qui leurs sont demandés (finir en retard, faire des heures supplémentaires, revenir sur les jours de repos, travailler en 12h, faire des « soirs-matins »…) et lorsque la colère éclate, malheureusement elle ne dépasse que rarement les murs des offices de soin.

Aujourd’hui, si je vous écris cette lettre, c’est parce que je ne me reconnais plus dans la soignante que l’institution me force à être et je ne supporte plus l’impact que cela a sur ma vie. Je souhaite qu’un jour, je n’aille plus travailler en gériatrie avec « la boule au ventre » mais avec plaisir. Plaisir généré par la satisfaction de prendre soin, la satisfaction de faire le travail que j’aime et de le faire bien, la satisfaction d’apporter un peu de sourire, un peu de bonheur à ces personnes qui vivent leurs dernières années.

On ne compte plus les arrêts de travail et les départ pour Burn-out, vous poussez le personnel à bout en ne leur donnant pas les moyens d’exercer leur métier correctement. Métier exigeant qui demande de l’attention et des responsabilités, la spécificité de chaque service requiert une expertise qui n’est plus reconnue. Le recours massif à l’intérim le montre bien et crée un désengagement de la part du personnel.

Je ne cherche pas votre compassion, je ne me bats pas pour mon confort mais pour défendre un traitement digne des patients, une qualité de soin, cette même qualité qui fait tant votre fierté lorsqu’on voit apparaître le CHUGA dans le classement des meilleurs hôpitaux. Cette qualité dont vous vous vantez mais qui est illusoire, à force de réduction de personnel, elle n’existe plus à l’hôpital et en gériatrie encore moins qu’ailleurs.

DU PERSONNEL ET DES MOYENS VITE !!!!!

Communiqué CGT du CHU de Grenoble – 04.76.76.51.03 – syndicatcgt@chu-grenoble.fr

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Source Mr Mondialisation

Voir aussi:

 

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Volti

10 Commentaires

  1. bonjour

    le plus grand des fléeaux sur cette planète au N.O.M du pouvoir et de l’avoir…

    les banksters..les pourritiques…les religions….

  2. Article on ne peut plus édifiant. Pour avoir été aide-soignant, je confirme les propos des infis du CHU grenoble. J’ajouterais qu’en belgique la situation est pire. La dernière maison de repos et de soins dans laquelle j’ai travaillé comptait deux infirmiers pour 140 résidents (un infi le matin jusque début après midi, un infi début d’après midi jusque la soirée. Aucun infi durant la nuit). Les aides soignants (dont moi) étaient environ 4 pour l’horaire matin début après midi, 4 pour après midi soirée et 1 aide soignant pour la nuit. La MRS précédente dans laquelle j’ai travaillé ( MRS étatique !) connaissait les mêmes problèmes. Avec le nombre de toilettes à effectuer tous les matins (environ une quinzaine dont des cas lourds comme alzheimer, paraplégie, hémiplégie etc..), on ne pouvait consacrer qu’environ 10 à 15 minutes par résident “apte” pour conserver du temps aux cas lourds. Cas lourds qui auraient nécessités du matériel de mobilisation ou la présence de deux personnes pour la mobilisation. Le matériel était régulièrement en panne, indisponible parce que ne rentrant pas dans les ascenseurs, à plat pour raison de batterie défaillante ou de rechargement insuffisant… Pour ce qui était d’avoir un collègue, c’était bernique. Le fait de demander de l’aide était mal vu (chacun sa merde!) ou risquait d’occasionner un retard dans les soins à donner par l’aidant.
    Pour arriver à faire toutes les toilettes sur la matinée (de 07h30 à 11h00) certains aides soignants prenaient des risques inconsidérés. Ils mettaient un résident devant l’évier en lui disant de commencer sa toilette pendant qu’il allait en faire une autre. Laissant le premier résident sans surveillance en ne tenant pas compte des risques d’accidents liés à l’âge, à l’état de santé ou au syndrome de chute fréquente. Le rangement de la chambre était bien souvent expéditif. La réfection des lits était encore plus expéditive: si le lit n’était pas souillé, “on” tirait les draps pour les retendre un peu et “on” camouflait les draps avec le couvre lit. Estimant qu’un lit mal fait était un risque d’escarre, je refusais cette dernière pratique. Mes lits étaient toujours refait au carré. Résultat, j’étais tout le temps en retard sur le planning. Après quelques années de “travail” dans ces conditions, je me suis retrouvé avec un dos cassé (écrasement disque intervertébral suite à la mobilisation de grabataire sans aide). Je ne peux plus exercer ma profession d’aide soignant. Ni même un travail administratif (je ne sais plus rester assis sur une chaise de façon prolongée sans ressentir des douleurs dorsales). La maltraitance concerne aussi bien les personnes âgées que les membres du personnel soignant. La situation doit cesser. Les MR/MRS ne doivent plus avoir pour objectif la rentabilité mais le bien être de tous les intervenants.

  3. C’est effectivement un véritable scandale. Un pays qui néglige ses anciens ne vaut pas grand-chose. Mais l’argent passe avant tout n’est-ce-pas ? Et ces vieux ils coûtent un fric dingue, pas vrai ? Grrrr…. C’est quoi l’étape suivante ? Je n’ose y penser. https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_sad.gif

    • Si tu peux y penser Rainette, à l’étape suivante…

      Tenez, c’est du vécu qui explique juste le manque de formation et le manque de personnel tout court.
      Mon époux a fait un infarctus le vendredi 13 juillet et placé en soins intensifs de cardiologie, je suis allée le voir.
      Je sonne à l’interphone, on me dit de m’avancer, de me laver les mains et d’attendre qu’on vienne me chercher.
      J’attends… Une autre dame sonne à l’interphone, et fait la même, et attend… On attend donc…
      2 jeunes hommes arrivent, sonnent d’abord, se lavent les mains et entre direct eux !
      La dame qui m’avait demandée si elle pouvait entrer (elle était anglaise) et à qui j’avais dit que normalement on venait nous chercher, me regarde étonnée. On s’avance donc, et une jeune infirmière nous dit que c’est de sa faute (tu m’étonnes) car elle nous avait oubliées… Alors, dans ce cas, j’ai juste attendu ½ heure pour rien, parce que je respecte le travail des autres justement…

      Je préfère pas trop m’étendre sur le sujet, mais sachez qu’on sait bien vous faire sentir que vous avez atteint votre DLC et donc que + vite vous dégagerez et mieux ce sera…

  4. La prochaine étape ? Elle existe deja, et est deja appliquée, et le personnel recois Ordre de se taire, le public ne doit pas savoir (…)
    Dois-je le répéter a nouveau ?
    Par ordre du médecin…. les cas trop lourds, donc plus assez rentables, sont interdits de “Plateaux Repas” et de Soins…
    cela accélére l’arrivée du “dernier jours” sur Terre,
    et si la famille questionne, elle recois systématiquement comme réponse “C’etais son heure”.

    pendant que de plus en plus de propriétaires d’EHPAD grimpe les echelons des plus plus Grandes Fortunes de France !

    Il vous faut des témoignages ? Qu’attendez vous pour tirez les vers du nez des Inf et Soignants qui ont ordre de se taire ?
    La vérité ? Dans certaines EHPAD la Mort vous sera préscrite….si vous devenez un de ces cas trop lourds et insuffisament RENTABLES !

    Continuez a aller travaillez, a courrir aprés quelques Euros-Cents au lieu de prendre soin de vos proches agés…
    Les responsables de ce scandale….. et des fortunes des proprio d’EHPAD…. c’est VOUS ! Vous aimez trop l’Argent…
    le Temps où les Anciens finissaient leurs jours a domicile, entourés de leurs proches…c’est terminer !

    Vous aurez ce que vous méritez… d’avoir délaisser vos parents agés !!!

    • c est tout à fait vrai, c est très facile de casser de la maison de retraite ……plus difficile d accompagner ses parents honorablement jusqu à leur mort …..
      d ailleurs au lieu de venir gueuler sur le blog sur des histoires de frics vous feriez mieux de faire quelques heures de bénévolat dans une maison de retraite ,ce serait plus utile ….
      un petit coucou à lucien F un gars qui a gagné bcp d argent dans sa vie professionnel et qui ,maintenant qu il est en retraite consacre quelques heures chaque semaine auprès des pensionnaires d une maison de retraite ….il n y arrive jamais les mains vides https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_good.gif
      comme quoi on peut être riche et avoir bon coeur

  5. La plupart des MR appartiennent aux conseils généraux et régionaux. Donc, déjà sur le plan fiscal, on n’y touche pas, même si les évaluations ne sont pas correctes, dans un sens comme dans l’autre, d’ailleurs.

    Ce qui se passe est effectivement scandaleux, vu le prix exorbitant des maisons de retraite. Mais personne y touchera, c’est trop lucratif !

  6. @CryptoKrom

    “Par ordre du médecin…. les cas trop lourds, donc plus assez rentables, sont interdits de « Plateaux Repas » et de Soins…”

    La situation est déjà en soi assez lamentable. Pas la peine de donner dans le sensationnalisme. La vérité est que les médecins se lavent les mains du sort des résidents et encore plus du personnel. A trop vouloir démontrer, on tombe souvent dans le grotesque.

    • pas si grotesque que ça ,c est tout à fait réel ….
      pour libérer une place on met en état de deshydratation un pensionnaire pour qu il parte à l hospital ,pour prendre la mère ou la belle mère de monsieur de machin chose copain du directeur , qui trés généreusement a fait un don pour les bonnes oeuvres de l établissement ….
      et c est guère mieux quand il y a une croix au dessus de la porte d entrée ….

      • “pour libérer une place on met en état de deshydratation un pensionnaire pour qu il parte à l hospital”

        C’est ce genre d’affirmation stupide qui donne des arguments aux détracteurs de ceux qui s’appliquent à réinformer. Je suis aide-soignant et j’en vois des vertes et des pas mures. J’ai travaillé dans plusieurs établissements dans lesquels j’ai été témoin de faits et de situations sordides voire scandaleuses. Je pense savoir de quoi je parle.

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