Hikikomori : Le choix de s’isoler de la société…

C’est triste et grave comme choix. Comment peut-on être blasé au point de se satisfaire, d’un accès internet et de plats tout prêts comme seul horizon ? De quoi vivent ces “hikikomoris” puisqu’ils ne sont ni étudiants, ni travailleurs… ? Sur le dos de leurs parents ? Ce n’est pas (encore) classé comme maladie mentale donc, serait-ce une forme de parasitisme ? Ces personnes coûtent forcément et ne rapportent rien, le raccourci est facile. Et si c’était plus grave et insidieux que ça ? Rien à voir avec l’agoraphobie, ces gens peuvent sortir, mais ne le veulent pas vraiment.. Qu’en pensez vous ? Partagez !

Coupés du monde, ils n’arrivent plus à sortir de leur chambre

En France, ils seraient plusieurs dizaines de milliers d’adolescents et de jeunes adultes à vivre reclus dans leur chambre pendant plusieurs mois, voire plusieurs années. Ce phénomène au départ japonais touche désormais plusieurs pays dans le monde.   

Alexandre, 22 ans, ne sort plus de sa chambre depuis six ans. Déscolarisé, sans emploi, il vit avec sa mère dans un petit village du centre de la France et passe ses journées enfermé à surfer sur Internet, à jouer aux jeux vidéo et à lire. « Je m’autosuffis et ne m’ennuie jamais », assure-t-il. Pour manger, il fait chauffer des plats préparés au micro-onde et partage les repas avec sa mère. Mais pas toujours. « Aucune journée ne se ressemble », poursuit-il. « Je peux me lever à 14h ou à 23h. Je suis hors du temps ».

Alexandre se présente comme un hikikomori. Ce terme venu du Japon signifie « se cloîtrer », rester à l’intérieur, ne plus sortir. Les Japonais l’ont inventé dans les années 1990 pour désigner ces adolescents et jeunes adultes qui vivaient en retrait social, le plus souvent enfermés chez eux, sans contact avec l’extérieur pendant des mois, voire des années. Ce phénomène, qui serait lié à la pression scolaire et à la dureté du monde du travail, concerne aujourd’hui plusieurs centaines de milliers de Japonais. Un problème que le gouvernement prend très au sérieux d’autant qu’il doit désormais faire face au vieillissement de cette population recluse.

Selon le ministère de la santé nippon, un hikikomori est un jeune qui s’est retiré chez lui et qui ne prend plus part à la société, sans qu’aucune pathologie mentale ne puisse être identifiée comme cause première. En France, il n’y a pas de mot spécifique pour les désigner. On parle de « retrait social », de « décrochage scolaire » ou de « phobie sociale ». Si ce comportement est encore peu connu du grand public, il suscite de nombreuses questions de la part de chercheurs, de plus en plus convaincus que le phénomène hikikomori touche de nombreux jeunes en France : pourquoi se retirent-ils dans leur chambre, laissant tomber amis, études et projets de vie ? Comment le vivent leurs familles ?

Un phénomène mondial

Si ce trouble est très documenté depuis les années 1990 au pays du soleil levant, d’autres pays dans le monde ont commencé à s’interroger sur ce phénomène. Plusieurs études ont été menées aux Etats-Unisen Espagne, au Canada, à Oman, au Brésil, en Italie mais aussi en France. En 2011, des psychiatres japonais se sont tournés vers leurs homologues français pour voir si l’Hexagone était aussi concerné par le phénomène.

De cette collaboration, est né un ouvrage en 2014 : Hikikomori, ces adolescents en retrait, réunissant les réflexions de 15 spécialistes sur le sujet, dont des psychiatres, psychologues, sociologues et anthropologues. Résultat, plusieurs cas ont été observés dans le pays sans qu’on puisse encore les quantifier précisément comme au Japon.

Pas une pathologie, une conduite

À Paris, le Dr Marie-Jeanne Guedj-Bourdiau travaille sur ces questions depuis 25 ans. Les hikikomori sont le plus souvent de jeunes garçons, âgés de moins de 30 ans, qui vivent chez leurs parents. Ils rentrent généralement dans la catégorie des « NEET » car ils ne sont ni étudiant, ni employé, ni stagiaire (voir encadré ci-dessous). La psychiatre en voit régulièrement en consultation. « Un hikikomori, c’est quelqu’un qui n’a plus envie, qui ne veut plus rien. », décrit le Dr Guedj. « Il n’y a pas d’opposition, de conflit, il est dans une sorte de résistance passive. ». Pas une pathologie, ni même un syndrome, le fait d’être hikikomori s’apparente à une « conduite », poursuit la psychiatre, qui rappelle que le phénomène ne figure pas dans le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux.

L’enfermement, pas un plaisir

Chez les spécialistes, la durée de l’enfermement fait débat. Au Japon, on estime qu’il doit durer depuis 6 mois pour qu’une personne soit considérée comme hikikomori, alors qu’en Chine et en Corée du Sud, on place ce seuil à seulement trois mois. En revanche, la plupart des experts pensent que les patients atteints de maladies psychiatriques lourdes doivent être distingués des hikikomori. La définition officielle japonaise précise à ce titre que les schizophrènes sont considérés comme hikikomori jusqu’à ce que le diagnostic soit posé, rapporte dans son ouvrage le psychologue Nicolas Tajan basé à Tokyo et spécialiste du sujet au Japon.

C’est le cas de Ael, 32 ans, qui se revendique hikikomori. Diagnostiqué schizophrène depuis peu, il vit reclus depuis 13 ans dans un « chalet » de 9 m² au fond du jardin familial dans le sud de la France. Entre un lit et un bureau, il passe toutes ses journées ici. « Je parle sur internet à plein de gens, c’est mon seul moyen de communication. », raconte-t-il. « Puis je dessine, je programme, j’occupe mon temps comme je peux ».

Pour autant, l’enfermement n’est « pas un plaisir » et il arrive que la solitude lui pèse. C’est une des raisons pour lesquelles il a créé un groupe Facebook destiné aux «Hikikomoris et reclus sociaux». « Ça fait du bien de discuter avec des gens qui parlent le même langage. », commente-t-il. Aujourd’hui, ce groupe d’échanges et d’entraide affiche près de 90 membres, dont une douzaine de filles. Aucun n’a souhaité répondre à nos questions.

Et les filles ? 

Elles seraient peu concernées par le phénomène, si on en croit la littérature scientifique. « Une fille qui ne va pas bien l’exprimera plutôt dehors. », explique le Dr Guedj, psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne à Paris. Toutefois, « il n’est pas impossible qu’il existe un effet d’invisibilité (…) dû à des facteurs culturels. », nuance la sociologue Maïa Fansten. Par exemple, « il est plus “normal” pour une femme de passer son temps chez elle. », selon la spécialiste. Il y aurait donc des hikikomoris filles mais on ne le verrait pas forcément.

Source + voir vidéo Aphadolie via :

http://www.slate.fr/story/98961/hikikomori

https://www.sciencesetavenir.fr/sante/hikikomori-le-choix-de-s-isoler-de-la-societe_122101

http://grand-angle.lefigaro.fr/hikikomori-coups-du-monde-ils-narrivent-plus-sortir-de-leur-chambre

Notes

Hikikomori : Ce terme désigne les situations de retrait social extrême. Il vient du Japon, « Hiki » signifiant « se désister » et « komori » voulant dire « enfermé ».

NEET : Cet acronyme signifie Not in Education, Employment or Training (ni étudiant, ni employé, ni stagiaire). Il définit une catégorie de jeunes (15-29 ans) qui ne sont ni en emploi, ni en étude, ni en formation.

Voir aussi :

 

 

 

Volti

16 Commentaires

  1. “ces jeunes coûtent forcément et ne rapportent rien”.
    Cette affirmation mériterait d’être approfondie !
    Pour ma part, je ne pense pas qu’ils dérangent tant l’élite dominante en place. C’est peut-être même le contraire. On pourrait penser qu’ils sont des parasites car ils ne “travaillent” pas… Mais en fait, si, ils travaillent pour cette élite… D’une manière tout à fait spéciale… Par exemple, en consommant et en ingurgitant des plats préparés bourrés de produits polluants, ils contribuent à l’effort de dépollution de la planète en stockant dans leur corps ces résidus toxiques dont certaines industries ne savent plus quoi faire… Prenez une industrie qui génère beaucoup de produits dangereux : deux options pour elle : payer cher pour les traiter, ou payer rien du tout (voire se faire payer) en les insérant discrètement dans les produits alimentaires.
    On peut faire le parallèle avec le tabac, voir cette excellentissime vidéo (voir absolument jusqu’au bout, 1minute 30) :
    https://www.youtube.com/watch?v=nSWfyx7pgfk
    Ainsi, en extrapolant, on peut imaginer que chaque individu sur cette planète est, via son foie, une machine à traiter des produits toxiques volontairement disséminés dans la bouffe. C’est à ça qu’on sert… Et rassurez vous (ou inquiétez vous), on vous donnera toujours le minimum d’argent pour pouvoir voir acheter ces merdes dans la grande distribution…

  2. C’est un peu ce que j’ai fait pendant au moins dix ans, en m’éloignant de toute société et en vivant dans un hameau désert. Le seul contact était pour me ravitailler car personne ne pouvait le faire à ma place. A l’époque je n’avais ni télévision ni ordinateur, j’étais seule avec ma chienne et la nature.
    Ensuite petit à petit le hameau s’est légèrement peuplé, mais aucun contact avec les nouveaux voisins ma maison étant isolée.
    On vit très bien seul, c’est le calme, la paix, la société ne manque pas.
    j’ai commencé à en avoir besoin environ 15 ans après, la période de silence était passée et l’isolement me devenait pénible. J’ai tenu le coup encore 15 ans soit 30 au total.

    • Tu n’étais pas isolée comme un hikikomori. Tu étais en symbiose avec la Nature, ce qui n’est pas le cas de ces jeunes qui s’enferment dans leur chambre. Deux démarches totalement opposées.

  3. Ce sujet m’inspire plusieurs réflexions:
    – la première est acerbe: ça alors ! Voilà un comportement qui échappe à la psychiatrie ! Non encore répertorié ! Je pense qu’une armée de psys sont en train de plancher sur le sujet…

    – voir ce comportement sous l’angle de l’économie est vraiment rester dans le système. Ca alors (je me répète !): ces jeunes sont des parasites, ils ne rapportent rien ! Qu’est-ce que ça peut nous faire ? Ils sont chez leurs parents ? Pourquoi pas, si ceux-ci laissent faire ?

    – Quelles histoires-mémoires ont été transmises par ces parents ? Quel projet-sens ont-ils donné à leurs enfants ?

    – la société: que peut-elle apporter aujourd’hui ? Ils en profitent ? Non, ils ne le voient pas du tout sous cet angle. Ils n’ont simplement pas l’énergie de vie, celle d’exister. Pas de conflit nous dit l’article. C’est juste ainsi, il manque le grain de sel qui s’appelle l’espoir. Ils ne sont pas désespérés, ils sont simplement sans espoir, au-delà de la désespérance, et au-delà de l’espoir.

    – Observons-nous un moment: nous perdons notre vie à la gagner. Et quand vient la retraite, les forces commencent à manquer, ou bien ce sont les sous…il n’est plus temps de faire des projets, ceux qui brillaient dans les yeux de la jeunesse. Et ces jeunes-là, auront-ils une retraite ? Il y a for(t) à parier que non. Quel est notre bilan à la fin de notre journée ?

    • Bonne réflexion Biquette. Il manque ce petit “je ne sais quoi” qui fait qu’on a envie de déplacer les montagnes. Triste époque qui ne donne que de l’illusion, l’atterrissage est violent. Ce ne sont pas des parasites, ce sont des “hors du temps”, ils n’ont pas de projet, pas d’avenir, ne se posent pas de question, il survivent dans cette jungle créée pour eux et dont ils s’excluent volontairement, n’ayant rien à en attendre. Rien à voir avec un retrait volontaire, par besoin de calme et de sérénité, jusqu’à ce qu’on leur trouve un “remède”… 🙂

      • Tout à fait.
        Qu’est-ce qui fait qu’on a envie de se lever le matin ? Pour la plupart d’entre nous, c’est la nécessité d’aller bosser, l’obligation. Eux n’ont même pas cette notion. Ils ne fuient pas. Ils n’ont rien à fuir.
        L’Internet, c’est peut-être le seul lien, leur seule nécessité d’être encore en lien, car c’est une nécessité vitale pour un être humain, pour ne pas devenir fou (ils ne sont pas ermites par vocation). Et comme ils se sentent hors du temps, ils ne peuvent que trouver des gens hors du temps. Pourquoi correspondre avec des gens qui ne les comprendront pas, passeront du temps à leur répéter qu’il faut bosser, que c’est ceci ou cela, et/ou les traiter de parasites, ou le leur faire sentir à plein nez… ?

  4. Cette façon de vivre n’existerait pas sans le système tel qu’il est ( technologie moderne ), donc peut-on dire qu’ils sont en dehors de la société ?

    J’en doute fort.

    Ils ne fuient qu’une chose, les autres êtres humains.

  5. Les relations réelles sont bien sûr riches mais en même temps très complexes : elles font appel aux 5 sens.
    Une relation virtuelle, par écran interposé, comme en vivent ces jeunes, ne fait appel qu’à deux sens : la vue et éventuellement l’ouïe. Et encore, on ne montre que ce qu’on veut. Dans le réel, notre attitude, notre gestuelle, nos mimiques trahissent souvent le fond de notre pensée. Dans les relations virtuelles, ces jeunes sont à l’abri de tout cela. Pas besoin de toucher l’autre ou d’être touché (certains détestent), pas besoin de sentir l’autre et de savoir que l’autre nous sent. En s’enfermant dans le virtuel, on se protège de ces choses pourtant essentielles de la vie mais qui font peur aux jeunes gens. Et s’ils ont peur, c’est qu’ils craignent le jugement de l’autre car notre monde est trop basé sur le jugement (à l’école par exemple).

  6. Le dégout de l’humanité peut engendrer de tels comportements.Tout le monde n’a pas la possibilité,les moyens et la volonté de se réfugier dans une cabane. Je comprends parfois ceux qui préfèrent s’isoler du monde et surtout des hommes.

  7. Ce n’est pas de la fuite, c’est de la recherche, peut être inconsciente, d’autre chose ! 😉

  8. Mais combien sont dans une réclusion morale volontaire,ne voient que ce qui leur plait du monde,sans que nul ne s’en doute,pas même eux?

  9. Un de mes proches le vit ainsi.
    A sa manière, il serait facilement ce que l’on appelait un Utaku, c’est-à-dire cette volonté de ne participer qu’à des activités ludiques ou fun.
    Internet lui renvoie une image très noire de la société, alors il se forge une conscience en absorbant les réflexions de ces nombreux youtubers qui proposent régulièrement des chroniques d’actu ou de faits divers.
    Les jeux vidéos le divertissent également, parfois sans modération.
    De son côté, pas de réel désir de passer son permis de conduire, tout son univers est à portée de main, de clavier et de casque.
    Je suis missionné pour lui faire vivre des expériences fun et créer des gourmandises et des plaisirs extérieurs à son quotidien.
    Son bagage intellectuel grossit mais ses capacités de communication me semblent meilleures à l’écrit qu’à l’oral, même si je sens poindre ce que certains appelaient aussi “une synthèse”… normal à cet âge-là me direz-vous.
    Pour sa défense, il me dit qu’il me perçoit de la même manière, qu’en dehors de mes activités professionnelles, familiales et sportives, je passe beaucoup de temps sur l’ordi… Mais comment s’informer autrement ???

  10. Quand l’illusion tombera rappelée par la dure réalité du concret, je plains toutes ces légions de reclus sans moyen, sans espoir et sans volonté.

    • Engel, qu’est-ce qui pourrait bien faire tomber cette illusion, à part la mise à la rue par les parents ou le propriétaire, tout seul ou avec un chien pour fidèle compagnon ? On en voit des milliers de ces jeunes et moins jeunes, chassés des centre-ville par la maréchaussée, qui dorment seuls dans les encoignures de porte des banlieues et les granges abandonnées . Je ne parle pas, parmi les SDF, des exclus qui ont le sens du social et la volonté de se grouper à plusieurs.
      Les enfants uniques, habitués à la solitude de l’enfance, ne s’ennuient jamais et ont généralement du mal à laisser les autres empiéter sur leur espace. Ils doivent avoir des prédispositions de hikikomoris tant qu’on leur fournit un refuge et Internet.

    • Je crois que c’est généralisé, ceux qui participent ont l’esprit bridé sur des conneries, ce que sous-entendent les infos ne les perturbe pas plus que ça. Pas un brin de réflexion, pour cliquer sur les liens importants, c’est inutile puisqu’il n’y a pas d’images ni de pub, c’est écrit serré et il y a des alinéas à consulter… Trop compliqué, fainéantise à tous les étages. Donc aucun débat constructif, c’est ça faire partie du troupeau, on suit la tendance. Quand à ces Hikikomori, quelle différence avec les moutons enchaînés et content de l’être ? .. 😉

  11. Ça c’est la vision qu’on veut nous faire croire que quand on est sur internet “on ne fait rien”. Pas d’accord : on s’informe, on apprends, on découvre, on publie nos analyses sur ce monde qui se casse la gueule. C’est un boulot à plein temps qui prends bien plus que les 8 heures réglementaires !

    Ensuite, quand on a compris à quel point ce monde est vain, et qu’il va tomber bientôt, c’est vrai qu’on a tendance à se mettre en retrait, à engranger le max de connaissances tant qu’internet est là. C’est clair que c’est mettre sa vie de côté temporairement, mais on prépare le futur où il faudra des gens moins lobotomisés que les autres, mais qui auront le désavantage de ne plus comprendre ceux qu’ils veulent aider. D’où la nécessité de conserver un minimum de vie sociale.

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