Permaculture: Réponse à Clément Fleith et Adrien Bellay …

Intéressant échange de point de vue entre, les auteurs du film l’Éveil de la Permaculture qui ont répondu à la critique du film et, l’équipe de Déscoralisation.org, représenté par Sylvain Rochex et Mathilde Anstett qui ont émis la critique.

Merci d’avoir pris le temps de critiquer notre critique du film l’Éveil de la permaculture. L’étymologie de critique nous ramène vers l’idée de passer au tamis. Ainsi donc voici: la critique de la critique de la critique! Le film et l’idée de permaculture triplement passés au tamis, ce qui permet de dégrossir de façon substantielle le sujet qui nous intéresse, à savoir déjouer le piège tendu face à la permaculture, sa récupération par la sphère marchande plutôt que l’émancipation de tout un chacun.

Nous ne sommes délibérément pas d’accord sur un point. Vous êtes libres du choix pris pour présenter la permaculture, qui est celui de la formation. Mais selon nous cette approche n’est pas neutre, ce n’est pas une simple porte d’entrée qui permettrait d’accéder à la connaissance de la permaculture avec « une approche pédagogique », « des extraits de cours », pour « définir les concepts clés de la permaculture en nous servant de ces formations ». Selon nous, cet axe choisi contient en lui-même d’immenses problématiques. Il vous paraît également paradoxal que l’on se positionne à la fois contre les « Cours en Design en Permaculture » ou « PDC » et contre l’institutionnalisation de la permaculture. Et vous écrivez pour justifier cela: « Le cours en design en permaculture n’est pas né de la dernière pluie. Élaboré par Bill Mollison et David Holmgren eux-mêmes [amen!], il est dispensé dans le monde entier. C’est un programme universel de 72H et qui évolue au fil des années (…). Il pose un cadre pour définir ce qui doit être pris en compte lors de la transmission du savoir. (…) L’Université Populaire de Permaculture a été mise en place pour s’assurer de la qualité des cours délivrés, de l’expérience de l’enseignant et justement pour éviter les déviances ».

« Mais qui arbitre ceux qui veulent arbitrer ? » demande Keny Arkana …

Il y a une grande puissance néfaste à ce qu’une poignée de personnes statuent que LA définition de la permaculture est celle donnée par Mollisson et Holmgrem, et de s’en proclamer détenteurs, certifiés, conformes, autorisés pour transmettre cette pensée. Pour plusieurs raisons: d’abord parce que beaucoup de personnes ont pu lire Mollisson et Holmgren sans avoir de « P.D.C », et en quoi leur interprétation serait-elle moins valable que celle des membres de l’U.P.P ?Ensuite et surtout, parce que le diplôme et le contenu de la formation verrouillent la permaculture, la normalisent, lui donnent un contenu précis, qui se sclérose, car immuable. Et si le contenu évolue, « la permaculture intègre aujourd’hui par exemple de notions d’économie » (!!!) qui décide de ce qui peut s’intégrer ou non dans cette évolution?

La permaculture est une idée, donc libre d’interprétation, d’application et de mise en pratique. On peut évidemment remercier, reconnaître les travaux de Mollisson et Holmgren et s’en inspirer, mais de là à la sanctuariser dans un diplôme, c’est faire mourir la force vive contenue dans l’idée même de permaculture. Ces deux personnes ont fait un immense travail d’observation, d’expérimentation et de théorisation, remis à l’humanité comme base d’une œuvre collective à continuer. Quel sens à tout cela si l’on ne peut pas, librement, s’en emparer, examiner, soupeser, critiquer, et continuer à étoffer la recherche en s’autorisant des digressions, des interprétations nouvelles, sans que celles-ci ne soient jugées « déviance » par un organisme auto-proclamé conforme aux premiers écrits, qui contrôlerait à son propre profit l’usage que l’on pourrait faire de la permaculture. Quelle pauvreté pour la pensée et l’expérience que tout cela!!! Sans compter que  nous ne pouvons pas ignorer non plus le conflit d’intérêts évident qui existe, dans le fait de dispenser des formations payantes et d’instituer une formation avec d’un côté ceux qui peuvent former et qui donc seront rémunérés, et les autres…

En ça il n’y a aucun paradoxe entre « P.D.C » et institutionnalisation de la permaculture, mais au contraire une logique implacable « en marche ». L’institutionnalisation, sous la forme qu’elle revêt aujourd’hui, c’est exactement ça: un organisme extérieur qui contrôle et valide si telle définition, telle pratique est conforme, légale, valable ou non. Elle fait figure d’autorité, avec des « spécialistes » qui donnent crédit à tel ou tel courant de pensée, qui dispensent des formations; implicitement cette configuration implique des « déviants », ceux qui n’appartiennent pas à la communauté restreinte et élitiste des sachants, ni à celle plus vaste et docile des apprenants qui tend à vouloir prendre la place des premiers ou tout au moins à se hisser à leur niveau. La parole de ceux qui ne se reconnaissent dans aucun de ces rôles est écartée, infériorisée, discréditée, oubliée, méprisée d’autant plus si elle prend le contre-pied des doctrines en vigueur. C’est la structure même de notre société, pyramidale, hiérarchisée à outrance; et la permaculture, dont les principes reposent pourtant sur l’interdépendance, les synergies et les interactions multiples, engoncée dans le P.D.C et sa relation maître/élève, n’échappe aujourd’hui pas à ce piège et contribue à perpétuer ce modèle!

Une institution pourrait fonctionner autrement, cette structure n’est pas une fatalité historique… Elle est le résultat de la confiscation du pouvoir par un petit nombre, négligeant la participation de tous à la vie publique, dans tous les domaines de l’existence, afin de favoriser des intérêts privés au détriment du bien commun.

Nous reprenons presque quotidiennement les termes d’Ivan Illich qui parle de « scolarisation » du monde pour mettre en lumière la façon dont les institutions – à commencer par celle de l’école- prennent en main nos existences et définissent pour nous ce que sont la médecine, la politique, l’histoire, l’agriculture, le travail… Voyez-vous le lien avec la permaculture et les « P.D.C?» ??? Nous sommes des êtres scolarisés. Notre pouvoir créateur, novateur, nous est confisqué au profit de ceux qui savent et nous en sommes réduits à l’état d’ignorants perpétuels, ou contrôlés via le diplôme ou diverses validations. Nous pourrions pourtant nous réunir librement, de manière égalitaire, et partager nos connaissances respectives et nous enrichir mutuellement. Mais la structure de l’apprentissage aujourd’hui est toute autre et empêche l’émergence de ce modèle-là.

Aussi vous vous trompez quand vous dites que l’U.P.P fonctionne de manière horizontale. Si aujourd’hui je souhaite rejoindre la liste des formateurs en permaculture on exigera de moi le P.D.C pour m’aligner aux connaissances prétendument exactes concernant la permaculture, à la manière d’un parti politique qui a monopolisé la permaculture, ou comme les premiers bénéficiaires du droit de vote qui votaient sous réserve d’avoir suffisamment d’argent pour participer à la vie politique…

Vous dites que ce diplôme permet de transmettre fidèlement l’essence même de la permaculture et d’éviter les récupérations, comme l’agriculture biologie et l’agro-écologie ont été récupérées, mais je pense que cette main-mise sur la permaculture n’évite en rien la récupération et même l’encourage. Ce qui manque réellement pour éviter la récupération de la permaculture, c’est un contre-poids citoyen, une vigilance et un contrôle de chacun d’entre nous, et non de manière isolée mais collective, sur les manœuvres de nos dirigeants qui tenteront dès que possible d’encourager l’usage de tel ou tel produit phytosanitaire, proposeront des formations orientées vers une logique implacablement économique -comme d’ailleurs la Ferme du Bec Hallouin, copieusement subventionnée, fait vitrine de cette orientation marchande aujourd’hui.  Quelle maladie de vouloir à tout prix mesurer la pérennité d’un mouvement par sa réussite professionnelle et commerciale, alors que cela au contraire démontre sa récupération par un système de pensée délétère basé sur l’échange marchand plutôt que sur la relation d’égal à égal! Je vous invite à lire à ce sujet l’article que j’ai écrit il y a quelques temps: La permaculture, vous en vivez?

La permaculture tend vers l’entraide, la disparition progressive de l’argent, de la compétition, vers la reconstruction d’une société digne de ce nom, où nous sommes reliés les uns aux autres sans vendre nos compétences, mais en les partageant pour le bien de tous…

Nous en arrivons à l’immense écueil de l’argent…

Car notre critique de l’argent se situe au delà du simple « les formations sont payantes, et c’est mal ». De fait, aujourd’hui, la posture couramment adoptée est celle de considérer que c’est une force neutre qu’on utilise à bon ou mauvais escient. Or, chaque pièce de monnaie que nous échangeons contre un service ou un bien, une formation en permaculture ou un kilo de tomates bio, a été frappée par une banque privée, et qu’on le veuille ou non, contribue à son fonctionnement, et à la logique de concurrence sans pitié qu’elle programme.

Une petite plongée dans l’histoire me paraît ici importante pour prendre du recul sur nos pratiques commerciales de tout ordre, et voir à quel point elles  répondent à la mise en place d’un mécanisme précis au détriment de chacun d’en nous. Depuis 1791 et la récupération par les bourgeois de la révolution, l’histoire est celle de l’installation progressive au pouvoir des industriels, grands propriétaires et financiers, par à coup successifs, leur monopole s’enracinant toujours plus profondément avec les répressions sanglantes des mouvements contestataires du peuple face à l’injustice et l’oppression, et la mise en place d’organisme de contrôles toujours plus puissants pour éviter les débordements et l’expérimentation de pratiques non conformes aux intérêts privés. En 1830 l’industrie privée explose à la manière d’un feu d’artifice et monopolise sans remords tout l’espace, en s’octroyant par exemple la gestion des chemins de fer… Cette manœuvre n’échappe pas à certains esprits éclairés, qui dénoncent l’iniquité d’une telle situation et élaborent des techniques pour émanciper le peuple, le libérer de la concurrence odieuse qui pousse chacun à se vendre au plus offrant. Avec le développement de l’industrie, la condition des travailleurs se dégrade comme jamais dans l’histoire: les ouvriers vivent parqués dans des caves, travaillent, tout âges confondus, de douze à quinze heures par jour. Les femmes perdent en couche leurs enfants tant elles sont épuisées et malmenées.

On comprendra sans mal qu’en colère, épuisés, les ouvriers aient été porter leurs réclamations au hommes de pouvoir en place. Face à la détermination et à la colère de ceux-là, ces messieurs encostumés prirent peur et concédèrent au peuple l’ouverture des ateliers nationaux, sensés porter coup fatal à l’entreprise privée, puisque la logique n’était pas celle de la concurrence mais de l’entraide. Mais sitôt l’occasion présentée, le pouvoir ayant mis en œuvre les moyens de discréditer et de calomnier  les velléités maladives du peuple, et de constituer une armée solide, mit fin à ces réclamations en saignant le peuple pour lui donner une bonne leçon, pour l’inviter à garder sa place! Ce que les livres d’histoire appellent 1ère République n’est autre que l’odieuse manœuvre des industriels et financiers pour effacer de la carte le peuple et ses revendications égalitaires, et la mise en place d’un régime qui, contrôlé par la presse et l’argent, par la division et la mise en compétition de tous, mit en place le suffrage universel pour créer l’illusion du partage des charges et ainsi, la pérennité de l’entreprise privée et le contrôle du peuple. Je conseille ici la lecture passionnante du livre de Guillemin: 1848 ou la 1ère résurrection de la République. La République, régime tant chanté et vanté par nos institutions depuis notre tendre enfance, qui nous aurait libérée de la monarchie et de la servitude, n’est qu’un simulacre voué à nous tromper, pour maintenir la domination et l’enraciner profondément.

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Source Déscolarisation

Volti

6 Commentaires

  1. Il est clair que Sylvain Rochex et Mathilde Anstett ne sont pas au même niveau de conscience que Clément Fleith et Adrien Bellay !
    Pour autant ne faut-il pas un discours “conventionnel” pour la masse des moutons afin de les intéresser à la permaculture?
    La permaculture est une philosophie de vie, mais cela va bien au delà en effet, la permaculture c’est avant tout la libération de l’esprit de toutes règles et dogme!
    la permaculture c’est réapprendre à apprendre, réapprendre a créer!

    Aujourd’hui la grande majorité des humains s’en remet a une entité supérieure pour “savoir”, écoles, collège, lycée, faculté, patron, mouvement politique, dieu, internet etc….
    Depuis sa plus tendre enfance, on apprend a l’humain a anéantir son pouvoir de création et de réflexion!

    La permaculture est née de l’observation de la nature, d’expériences et d’une réflexion dénué de toute influence! elle nous apprend a apprendre, elle nous apprend a experimenter, elle nous apprend a remettre en route notre pouvoir créateur! Elle nous apprend aussi a nous libérez de cette “entité” supérieure toute puissante du savoir!
    C’est en cela qu’elle est une révolution..

    • magnifique commentaire merci Logic !!! Si les humains apprenaient à s’écouter et accepter leurs différences et que cela est richesse et non conflit , la Vie serait un peu plus sympa ici bas , mais là n’est as le but de cette école qu’est le Monde …

    • Logic, comme tu le précises avec justesse, rejoignant d’ailleurs ma propres vision : « la permaculture est philosophie de vie … c’est avant tout la libération de l’esprit de toutes règles et dogmes ».

      Malheureusement, le rouleau compresseur à matière grise a toujours fait et fera encore « du bon boulot ». Dès la maternelle les esprits sont laminés jusqu’à obtention d’un état proche du néant intellectuel pour ensuite être aisément remodelés selon les critères d’une caste dirigeante, manipulatrice et esclavagiste, via une éducation nationale, des lois iniques, le tout agrémenté d’un monceau de divertissements abêtissants. « L’Hanounamania » grandissante et la « smartphonisation » des esprits, pour ne citer que ces deux résultantes, sont un parfait exemple de cette aliénation des consciences dont l’affranchissement semble largement compromis aujourd’hui.

      Un retour en arrière impossible menant de fait vers la désagrégation et finalement la disparition d’une civilisation (une de plus) dont la sagesse latente n’aura jamais pu émerger tellement l’orgueil et l’avidité auront été poussés à leur paroxysme. Seule une poignée de réfractaires restés hermétiques à la machine à soumission, accompagnée de quelques rescapés de la lobotomie généralisée, sortis in extremis de l’enfer de la pensée unique, pourront peut-être, s’ils survivent au chaos final, et s’il subsiste à terme un semblant d’éléments vitaux sur terre, devenir les pierres angulaires d’une civilisation harmonieuse en semant enfin les graines de la sagesse. Sans cela, la permaculture et son éthique seront soit marginalisées, soit dévoyées au profit de la caste susnommée …

      https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_wink.gif M.G.

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      Logic, ton pseudo te sied à merveille.
      Des cours de permaculture un non-sens.

  2. être curieux, toujours, apprendre chaque jours, vous reconnecter a votre milieu naturel et créer sa vie…

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