la scolarisation et la machine industrielle à l’image du Goulag…

Un article qui a interpelé Galadriel, qui écrit “Le contenu donne envie de courir chercher ses enfants à l’école pour ne plus jamais les y remettre“. Je trouve qu’il rejoint celui de Sylvain Rochex l’École de la Peur. Voir l’article du 4èmeSinge l’école interdite, que j’avais relayé ICI; Merci Idu5 pour le rappel.

Nous ne sommes pas faits pour ça. Nous sommes faits pour vivre et aimer, et jouer et travailler, ou même pour haïr, plus directement et plus simplement. Ce n’est qu’en raison d’une violence inacceptable que nous en venons à percevoir cette absurdité comme normale, ou à ne pas la percevoir du tout.

Chaque nouvel enfant se fait arracher les yeux afin qu’il ne voit pas, les oreilles afin qu’il n’entende pas, et la langue afin qu’il ne parle pas ; son esprit est broyé afin qu’il ne pense pas, et ses nerfs sectionnés afin qu’il ne ressente pas. On le relâche alors dans un monde brisé en deux : d’un côté d’autres qui lui ressemblent, et de l’autre ceux à utiliser. Il ne réalisera jamais que tous ses sens sont encore là, puisqu’il n’essaiera même pas de les utiliser. Si vous lui rappeliez qu’il a toujours ses oreilles, il ne vous entendrait pas. S’il entendait, il ne penserait pas. Et, peut-être est-ce là le plus dangereux, s’il pensait il ne ressentirait pas. Et ainsi de suite, encore et encore. Derrick Jensen, The Culture of Make Believe

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Chaque matin, entre 8h et 9h, dans ce quartier en plein essor et pourtant arriéré, les rues sont pleines d’enfants qui se rendent à l’école, et qui trimballent des sacs pleins de ce qu’ils prennent pour la sagesse et le savoir-faire de la culture moderne. Ils vont au vidyabhyaasam (l’éducation, ou, plus littéralement, “l’exercice du savoir”), écouter les gardiens de ce savoir, les professeurs des écoles. Tout le monde (les parents, les enfants, l’état et la société) juge cela bon et nécessaire.

Depuis de nombreuses années, j’observe de plus en plus de mes voisins ruraux et tribaux préparer leurs enfants pour l’école. Bien que je soutienne depuis longtemps le concept des possibilités égales (et des salaires égaux), je commence à croire qu’un piège psychologique sombre et dangereux se propage sur nos terres, appuyé par l’arrivée en simultané de télévisions dans les maisons des villages, et par une flopée de politiques gouvernementales changeantes, au nom du progrès, de la modernité et de la fin de la pauvreté.

Je remarque combien l’autosuffisance et la subsistance basées sur les relations avec la terre ont été remplacées par une populace mobile qui se déplace quotidiennement dans l’espoir d’obtenir ailleurs des qualifications, des connaissances, du soutien, de la sagesse, et la sécurité. Je crois que la notion selon laquelle « l’autre est meilleur » que soi et que sa maison, selon laquelle cet « autre » peut être obtenu par un dur labeur, l’entrepreneuriat, les subventions et les prêts bancaires qui constituent le progrès, et selon laquelle tout le monde a désormais droit à cet « autre », est au cœur de ce qui nous accable.

Puisque les conflits mentaux et sociaux augmentent aussi (sous la forme de divers désordres et maladies), peut-être que cette modernité, au-delà de son éclat et de ses promesses, devrait être examinée. Ne distille-t-elle pas, par exemple, des aspirations qui ne pourront jamais être pleinement satisfaites ? Échange-t-elle un type de pauvreté contre un autre ? Qu’arrive-t-il aux familles et aux communautés une fois que les jeunes partent ? Où finissent ces enfants, une fois scolarisés ?

La thèse subsidiaire de cet essai est que l’éducation moderne est au service d’un dérivé du Goulag, en ce qu’elle oblige nos enfants à endurer des conditions innommables dès le plus jeune âge, et à effectuer des exercices à l’école et à la maison pendant la majeure partie de leurs journées. En prolongeant cela pendant de longues périodes, au moment le plus crucial et où ils sont le plus vulnérables, elle les brise, et les usine en une main d’œuvre malléable. A la fin de leur scolarité, les jeunes sont assujettis, par la peur et la promesse de salut s’ils réussissent. S’ils échouent, comme beaucoup, des destins plus bas les attendent. Cet entraînement difficile, qui exige et impose routine et vigilance, est essentiel pour le grand bureau mondial, et ne pourrait aboutir sans diverses formes de récompenses, de promesses, de menaces, de violences et d’incarcérations.

L’incarcération (à la fois volontaire et involontaire), lorsqu’elle se prolonge et se banalise, génère tout un éventail de problèmes — fermeture, frustration, trouble, fuite, clivage psychologiques, désespoir, dissociation, maladies physiques et phobies. Ceux-ci sont observables chez les enfants, les prisonniers, les esclaves, les animaux en cages et battus, et les peuples contrôlés.

La principale thèse de cet essai est que la malheureuse situation psychologique qui vient d’être décrite va de pair avec la destruction de la vie, avec la fin catastrophique de la biosphère.

Je suis l’éducatrice environnementale permanente du sanctuaire botanique de Gurukula, un petit centre de conservation dans la campagne, à la lisière d’une forêt du Kerala. Mon travail consiste à prendre en charge des processus éducatifs allant de la rencontre unique et de courte durée à des cursus entiers basés sur la nature. Bien que mes amis et moi-même enseignions principalement les plantes, les animaux et l’environnement forestier tropical, notre mission est de formuler une culture fondée sur la nature. Nous pensons qu’il s’agit d’une tâche d’importance cruciale pour les décennies à venir — la création de communautés résilientes, où les plantes, les animaux et les humains auront une chance de survivre à l’holocauste écologique que nous connaissons tous.

Un manuel élémentaire de création d’écoles (pour les nuls) dans un nouveau pays pourrait lire :

Tout d’abord, persuader, séduire, corrompre ou dévaster la population. Briser leur société, leurs croyances et leurs modes de vie. Prendre possession de leurs rivières et de leur forêt. Par tous les moyens ; de gré ou de force. Ou directement par la force pure, sans prétention. Les convaincre que c’est pour leur bien ; ou mieux, travailler les jeunes. Instiller l’idée selon laquelle vous auriez quelque chose de bien meilleure à offrir.

Les attirer dans la jungle de béton, dans la cyber-machine, dans l’usine de travail, vers l’idée d’une bonne vie sous la lumière des villes. Contrôler en permanence leur nourriture et leur eau ; cela propage la peur et l’obéissance. Ensuite, rompre leur allégeance envers leurs corps et leurs esprits ; les brancher à la machine.Être leur pourvoyeur tout-puissant.

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Dans leur chanson “Wish you were here” (1975) les Pink Floyd demandent « as-tu échangé un rôle de figurant à la guerre contre un premier rôle dans une cage ? » (“Did you exchange a walk on part in the war for a lead role in a cage?”).

…/…

Lire l’article complet  de Suprabha Seshan  Traduction : Nicolas Casaux

Source Le Partage publié par Les-Brinsd’Herbe

article original en anglais ici : http://www.journal.kfionline.org/issue-20/strangely-like-gulag

 

Volti

10 Commentaires

  1. Une preuve massive que ce que l‘on nomme écoles ne sont en fait que des centres de rééducation ; c‘est là qu‘étaient envoyés les enfants natives pour y être déguisé en occidentaux pour les obliger par la force et accessoiement le viol, à renier leur langue, leurs connaissances, crayances et traditions.

    • L’humain, en bon hardware, a besoin d’un programme loaded et certified par l’école et qui est normatif à son système d’exploitation.

  2. Tres belle image illustrant a merveille l’industrialisation de la connaissance autorisée et obligatoire.
    Au détail pres que l’uniforme quasi militaire et fourni par l’institution est remplacé par les jogging nike et autres fourni a prix d’or par les parents.

  3. Une belle vidéo sur “Comment l’école tue la créativité” 😉

    https://www.youtube.com/watch?v=TKyFe3y5aMU

    Vidéo Sketch humour !

    A+ LME

  4. C’est clair, ce genre d’enseignement tue l’enfant dans l’œuf, il n’est plus rien car il devient les autres alors que le vrai enseignement tient compte de qui ont est et de notre potentiel intérieur propre à chacun de nous.

    Certaines personnalités comme Rudolf Steiner ou Célestin Freinet ont tenté au fil de l’histoire d’apporter un peu de fraicheur dans l’enseignement même s’ils ont été pris pour des fous en leur temps aujourd’hui nous pouvons constater que de nombreux pays reprennent leurs pédagogies.

    Célestin Freinet extrait:

    Nul n’aime tourner à vide et agir en robot, c’est-à-dire faire des actes ou se plier à des pensées qui sont inscrites dans des mécaniques auxquelles il ne participe pas.
    La mémoire, dont l’école fait tant de cas, n’est valable et précieuse que lorsqu’elle est vraiment au service de la vie.
    L’enfant ne se fatigue pas à faire un travail qui est dans la ligne de sa vie, qui lui est pour ainsi dire fonctionnel, il n’aime pas le travail de troupeau auquel l’individu doit se plier comme un robot, mais il aime le travail individuel ou le travail d’équipe au sein d’une communauté.
    Pour moi, on prépare la démocratie de demain par la démocratie à l’école car un régime autoritaire à l’école ne saurait être formateur de citoyens démocrates en société.
    Il y a un invariant aussi qui justifie tous nos tâtonnements et authentifie notre action : c’est l’optimiste espoir en la vie.
    L’intelligence n’est pas, comme l’enseigne la scolastique, une faculté spécifique fonctionnant comme en circuit fermé, indépendamment des autres éléments vitaux de l’individu.
    L’école ne cultive qu’une forme abstraite d’intelligence, qui agit, hors de la réalité vivante, par le truchement de mots et d’idées fixées par la mémoire.
    Les acquisitions ne se font pas comme l’on croit parfois, par l’étude des règles et des lois, mais par l’expérience.
    Étudier d’abord ces règles et ces lois, en français, en arts, en mathématiques, en sciences, c’est placer la charrue devant les bœufs.
    Notre enseignement propose au contraire de motiver le travail et non de se sentir contraint.

    Rentrée scolaire à l’école Freinet de Vence.

    http://www.youtube.com/watch?v=v9eDubOjph0

    Ecole Steiner-Waldorf Verrières : Un autre chemin vers l’école

    http://www.youtube.com/watch?v=enXimvGNak8

    “Enseigner ce n’est pas remplir des vases mais c’est allumer des feux.” Michel de Montaigne.

  5. Il en manque un sur la photo! Un sur mille a préféré fuir se cacher dans la forêt, mais il sera débusqué et flanqué au cachot!

  6. Edgar Morin: “Nous vivons dans la préhistoire de l’esprit humain et, si nous ne pensons pas global, nous courons à la catastrophe.”

    http://www.hebdo.ch/hebdo/cadrages/detail/edgar-morin-nous-vivons-dans-la-pr%C3%A9histoire-de-l%E2%80%99esprit-humain-et-si-nous-ne

    Les Chemins De La Liberté : bande annonce

    http://www.dailymotion.com/video/xg9msn_les-chemins-de-la-liberte-bande-annonce-vf-the-way-back_shortfilms

    Chronique d’Un Été

    http://vimeo.com/54909410

    https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_scratch.gif

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