La logique budgétaire rend malade l’hôpital

Le problème des hôpitaux en France est relativement complexe, entre arnaque des emprunts toxiques dans lesquels les hôpitaux sont piégés, incompétence et abus de certains qui dirigent ces établissements, et projet de privatisation global, la situation des salariés ne risque pas de s’améliorer avec les années, mais les explications ne sont que trop rarement données aux personnes concernées, vous en avez ici, ici mais également ici par exemple…

reforme-hopital-publicMais rien ne vaut les témoignages, car 1000 arguments aussi censés soient-ils ne remplaceront jamais le ressenti sur le terrain, d’où l’importance d’articles comme celui qui suit.

Les conditions de travail ne cessent de se dégrader dans les établissements publics. Un mouvement social est prévu mardi.
C’est un vent lourd qui souffle sur l’hôpital. Et pour la première fois, on peut avoir le sentiment que l’on n’est pas loin d’une cassure. Ce mardi en tout cas, une journée de mobilisation avec grève aura lieu (à l’initiative de la Coordination nationale infirmière, rejointe par les fédérations FO, CGT et SUD des secteurs de la santé). Elle ne devrait certes pas bloquer les établissements, mais les autorités auraient tort de n’y voir qu’une classique poussée de fièvre, comme nous y a habitué le monde hospitalier depuis plus de quinze ans.

De fait, le ton est grave, inquiétant même. «La dégradation des conditions de travail et d’études entraîne un mal-être et une souffrance profonde de la profession dans son ensemble, associée dans les établissements à une gestion des ressources humaines déplorable, sans aucun respect des soignant(e)s,explique la Coordination infirmière. Ces conditions ont, hélas, poussé au suicide certain(e)s de nos consœurs-confrères, et cela dans le mépris et l’indifférence générale du gouvernement tandis qu’en libéral, le ministère restait silencieux sur les agressions subies par les infirmières-infirmiers.»

L’été dernier, cinq d’entre eux s’étaient suicidés, certains sur leur lieu de travail, d’autres à leur domicile, tous évoquant des tensions dans l’exercice de leur métier (Libération du 14 septembre). «Bien sûr, les suicides ont des causes multiples, mais on ne peut nier qu’il se passe quelque chose de nouveau», nous disait alors un ancien directeur d’hôpital.

Tarification à l’activité
Depuis le début des années 2000, les quelque 1 000 établissements de santé en France connaissent un changement continu. Il y a eu la mise en place délicate des 35 heures, puis la rigueur budgétaire s’est peu à peu installée. Et enfin, l’installation de la T2A (la tarification à l’activité, axe majeur du plan «hôpital 2007») qui, au-delà de son aspect comptable, a changé profondément la vie des hôpitaux, mais aussi les priorités de santé, et parfois même le sens du travail. La T2A trace une limite entre des activités de soin rentables, qui rapportent à l’hôpital, et celles qui le sont moins. «Le gros changement, enfin, ce fut le niveau [particulièrement bas pour 2016] de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie [Ondam]», détaille l’ancien député PS Olivier Véran, neurologue et auteur d’un rapport sur la tarification à l’activité. Aujourd’hui, la progression des dépenses de l’hôpital est fixée par l’Etat et ce taux est volontairement bas pour réduire les coûts. «Se créent des situations très difficiles à vivre, avec le sentiment que, quoi que fassent les personnels de santé, cela ne sera jamais suffisant», remarque Olivier Veran. Et pour cet homme proche aujourd’hui d’Emmanuel Macron, «l’autre élément de tension, c’est le poids des tâches administratives». «C’est vraiment pénible, poursuit le professeur André Grimaldi, figure emblématique de la défense de l’hôpital public. Un jour, un établissement va être en équilibre, un autre jour, c’est le déficit. Le tout dépendant des variations de la T2A, qui va privilégier telle activité plutôt que telle autre. Les acteurs n’ont jamais le sentiment que cela marche.»

A cela s’ajoute une mauvaise gestion des métiers dans le domaine médical, aujourd’hui symbolisée par les cadres de santé, que l’on appelait hier les «surveillants». Ils occupent une position centrale à l’hôpital, «mais en devenant la courroie de transmission de la direction, ils sont piégés. Soit ils défendent la direction, soit ils soutiennent leur équipe. Leur rôle est impossible», note Grimaldi.

Logique budgétaire
Symptôme de ce glissement généralisé, la Fédération hospitalière de France, qui regroupe tous les hôpitaux du pays, a rendu public le mois dernier un baromètre des perceptions et des attentes des professionnels des relations humaines à l’hôpital. Il en est ressorti des constats troublants. Non seulement 75 % des acteurs des ressources humaines interrogés déclarent «ne pas disposer des moyens adaptés», mais les préoccupations des DRH sont embolisées par la maîtrise de la «masse salariale» : il s’agit du premier sujet de mobilisation pour 80 % des sondés, taux bien supérieur à celui constaté dans le secteur privé. «Il y a un fort risque que l’impératif budgétaire ne laisse que peu de temps au déploiement des nécessaires démarches d’accompagnement, collectives ou individuelles», note la Fédération.

Ainsi va l’hôpital, même s’il n’y a pas un, mais des hôpitaux. Pour autant, alors qu’il reste souvent le lieu d’une prise en charge remarquable, il est désormais obnubilé dans son ensemble par une logique budgétaire qui a été un temps nécessaire, mais qui parasite aujourd’hui tout l’ensemble. Jusqu’au sens même du métier. Au ministère de la Santé, on se dit «vigilant», on insiste sur le fait que pendant ce quinquennat, Marisol Touraine s’est «battue» pour défendre l’hôpital public. Devant le «malaise» actuel, elle devrait annoncer fin novembre une «stratégie nationale pour améliorer la qualité de vie au travail à l’hôpital». Certes… Mais est-ce une stratégie nationale qu’attendent les acteurs de ces établissements ? «A quoi bon rester dans le public si c’est pour faire comme dans le privé ?» lâche André Grimaldi.

L’hôpital «cru 2016» apparaît blessé de l’intérieur comme de l’extérieur. On l’a vu récemment à Tourcoing, où une bagarre généralisée a éclaté aux urgences. On l’a vu aussi avec les suicides des infirmiers et infirmières. Orphelin d’une hospitalité perdue, le voilà, parfois, sans âme ni boussole.

Témoignages

Anne Gervais, infectiologue à l’hôpital Bichat (AP-HP) : «Le travail devient «à la chaîne», individuel»
«Le malaise des hôpitaux n’est pas, à mon sens, lié à des problèmes de rémunération. Même en augmentant le salaire, on va garder une insatisfaction délétère si on ne s’attaque pas aux problèmes de fond. Quels sont-ils ? Ils sont liés à un rythme de travail croissant, avec une impression ressentie de course à l’échalote dans des conditions de plus en plus acrobatiques et au final le sentiment d’un travail imparfait.

Source et suite sur Liberation.fr

 

Benji

8 Commentaires

  1. C’est bon, si tu lis en diagonale tu loupe cette phrase, “Marisol Touraine s’est «battue» pour défendre l’hôpital public.”

    J’ai souvenir des conditions d’achat des “hôpitaux de Bourgogne” ou j’ai été témoins de certaines pratiques, dans le domaine informatique concernant des ordinateurs Mitra.

  2. Quand une médecine est aussi néfaste à son personnel qu’à ses clients (et non plus patients), il est vraiment temps de changer de crèmerie.
    Merci aux docteurs Gernez, Lanctôt, Hamer (pour ne citer qu’eux) de m’avoir ouvert les yeux et surtout offert les bases pour prendre ma santé en charge moi même.
    Je ne me suis jamais aussi bien porté que ces 10 dernières années ou j’ai dit un ‘Adios’ définitif à la médecine allopathique.

    Ceci n’est en rien une critique du personnel médical dans sa grande majorité, bien mal payé de ses efforts et de son dévouement. Mais les gens sont tellement conditionnés à courir vers eux au moindre bobo en même temps…

  3. pour y avoir gouté +d’un an cumulé ces 5 dernieres années,je peux vous dire que ça s’est bien dégradé
    le temps passé à scanner des codes barres avec la douchette,à cliquer,pour savoir si le patient a pris son petit cachet bleu bleu,savoir combien fois il a été à la selle et dans tout
    ça ,il faut attendre encore 1/4 h pour le cachet anti douleur parce l’ordinateur
    il a dit toutes les 4 h.
    et sans parler,de bien d’autres choses tant le sujet donnerai des témoignages,
    tout le personnel féminin,en majorité,en a ras le bol,ça court du labo à l’autre bout du couloir,la nuit pas mieux,2 à 3 maxi pour 30 lits,faut pas qu’il arrive une couille!
    mais on peut dire, qu’elles savent entendre quand rien ne se dit,et voir ce qu’on veut cacher.
    et puis un bonjour et un merci ça n’écorche la gueule à personne,et ça fait toujours plaisir quand s’est accompagné d’un sourire
    mais il y a toujours des patients qui les prennent pour bobonnes,ça agace..
    https://lesmoutonsenrages.fr/wp-content/plugins/wp-monalisa/icons/wpml_rose.gif une fleur pour chacune d’elles,si elles se reconnaissent du service 4.3..

  4. Merci à Benji pour cet article qui dénonce les grands malaises que supportent les hôpitaux publics.
    Bien des personnels se sont suicidés cette année, et c’est d’une gravité extrème…le système de santé français qui était un exemple est passé au 24 ème rang au niveau mondial c’est assez probant, à force de vouloir suivre les yankees on devient aussi mauvais qu’eux et très loin d’être exemplaires en ce qui concerne l’humain qui passe en second plan, leur seul leitmotiv étant le profit, toujours plus de profits…
    Aujourd’hui le véritable avenir de la santé pourrait bien être dans l’extension des pompes funèbres (privées bien évidemment)…
    Avec le regroupement des hôpitaux depuis le 1er juillet, dont certains en ont profité pour fusionner, alors qu’un rapport de l’Igas démontrait certains aspects négatifs de ces dites fusions…
    En fait tout est entrepris pour casser l’hôpital public, tout est entrepris pour favoriser des groupes privés qui profitent de pans rentables des hôpitaux publics…
    Dans bien des hôpitaux la radiothérapie, l’imagerie médicale, les laboratoires d’analyse (etc) sont des services privatisés… et puis le mal s’étend comme par exemple VinciPark qui s’installe pour gérer les parkings devenus payants dans certains hôpitaux… le patient, ses proches sont des vaches à lait…
    Il y a une autre face du malaise, celui des médecins sans aucun scrupules qui se font payer 1.800 euros par vacation en tant qu’intérimaires… alors que c’est le traitement d’un mois d’un(e) infirmièr(e)…par contre on réduit le personnel à tous les niveaux, personnel qui s’épuise bien évidemment.
    Et, les économies continuent de s’imposer à l’hôpital public qui se meurt doucement si on ne prend pas des mesures de prophylaxies adaptées et devenues urgentes.

    Marisol Touraine prévoit la suppression de 22.000 postes c’est vous dire que nous sommes bien en plein délire !

  5. Ce commentaire n’apparaît pas, bien qu’il est compté comme le 4 ème commentaire ?
    Dans “La logique budgétaire rend malade l’hôpital”
    ROY
    jeudi 10 novembre 2016 à 9 h 04 min

    “Merci à Benji pour cet article qui dénonce les grands malaises que supportent les hôpitaux publics.
Bien des personnels se sont suicidés cette année, et c’est d’une gravité extrème…le système de santé français qui était un exemple est passé au 24 ème rang au niveau mondial c’est assez probant, à force de vouloir suivre les yankees on devient aussi mauvais qu’eux et très loin d’être exemplaires en ce qui concerne l’humain qui passe en second plan, leur seul leitmotiv étant le profit, toujours plus de profits…
Aujourd’hui le véritable avenir de la santé pourrait bien être dans l’extension des pompes funèbres (privées bien évidemment)…
Avec le regroupement des hôpitaux depuis le 1er juillet, dont certains en ont profité pour fusionner, alors qu’un rapport de l’Igas démontrait certains aspects négatifs de ces dites fusions…
En fait tout est entrepris pour casser l’hôpital public, tout est entrepris pour favoriser des groupes privés qui profitent de pans rentables des hôpitaux publics…
Dans bien des hôpitaux la radiothérapie, l’imagerie médicale, les laboratoires d’analyse (etc) sont des services privatisés… et puis le mal s’étend comme par exemple VinciPark qui s’installe pour gérer les parkings devenus payants dans certains hôpitaux… le patient, ses proches sont des vaches à lait…
Il y a une autre face du malaise, celui des médecins sans aucun scrupules qui se font payer 1.800 euros par vacation en tant qu’intérimaires… alors que c’est le traitement d’un mois d’un(e) infirmièr(e)…par contre on réduit le personnel à tous les niveaux, personnel qui s’épuise bien évidemment.
Et, les économies continuent de s’imposer à l’hôpital public qui se meurt doucement si on ne prend pas des mesures de prophylaxies adaptées et devenues urgentes.
    Marisol Touraine prévoit la suppression de 22.000 postes c’est vous dire que nous sommes bien en plein délire !”

    En savoir plus sur https://lesmoutonsenrages.fr/2016/11/09/la-logique-budgetaire-rend-malade-lhopital/comment-page-1/#comments%23erlhCyhEs0Ricmib.99

    Où est le problème ?…

  6. @Voltigeur

    Bonjour,
    Effectivement, je ne comprends pas le problème, (j’ai enregistré les pages à ce sujet) hier il était bien noté qu’il y avait 4 commentaires, mais mon commentaire n’apparaissait pas…ce matin même problème (tout en passant par Ixquick…) j’ai utilisé deux navigateurs (idem) – SAFARI et CAMINO -…
    Je me suis donc permis de rééditer mon commentaire afin de voir si il passait… maintenant il est visible …
    Il y a un problème quelque part qui pourrait être sérieux, du genre interception des données envoyées (sans tomber dans la paranoïa)… les fichiers étant enregistrés ils prouvent qu’il y a un problème, maintenant reste à en trouver l’origine.
    Ceci est quand même préoccupant au niveau de la transmission des données, est-il envisageable de passer le blog en https ? Si ceci peut résoudre certains problèmes… à ce niveau et en l’état de mes connaissances je suis pour le moment incapable de comprendre la raison de ce problème.

    • Moi idem 🙂 d’autant que ton commentaire était (et est toujours) visible pour moi. S’il y avait eu des dizaines de commentaires, et qu’ils ne s’imbriquent plus, ça arrive souvent, mais là avec quatre coms’ c’est étonnant.

Les commentaires sont clos.